Les “rituels” qui ont permis à Olivier Vandecasteele de survivre dans sa cellule
”Olivier est complètement déconnecté. Je ne suis pas sûr qu’il sache qu’il y ait une guerre en Ukraine”, explique le meilleur ami du travailleur humanitaire. Olivier Van Steirtegem nous dévoile comment l’ancien détenu a tenu le coup durant ses longues périodes d’isolement.
/s3.amazonaws.com/arc-authors/ipmgroup/09b4ad29-52f6-43e4-84dd-592d6abd6386.png)
- Publié le 27-05-2023 à 17h02
”Tu es en retard”. Voilà comment Olivier Van Steirtegem, le meilleur ami d’Olivier Vandecasteele a accueilli l’humanitaire à son arrivée sur le tarmac de Melsbroek. Une touche d’humour qui cachait aussi beaucoup d’émotions. Les deux “Olivier” sont très complices. Ils ont notamment étudié ensemble. “J’étais très touché. Olivier est passé, sans transition, de l’enfer de l’isolement d’une cellule en Iran au paradis de la Belgique, développe M. Van Steirtegem. C’est une transition brutale et il lui faudra du temps pour se reconstruire”.
Car tout est allé très vite pour le détenu. “Ces gardiens l’ont réveillé à cinq heures du matin ce vendredi. Ils lui ont bandé les yeux et emmené dans un véhicule. Olivier pensait qu’il allait être transféré dans une autre prison. Mais il s’est rendu compte que la voiture était plus luxueuse que d’habitude et que c’était peut-être autre chose”. La vieille il avait aussi reçu un lot de fruits, comme une sorte de traitement de faveur. Il pourra aussi remettre son costume et délaisser son vieux T-shirt.
Quand le véhicule prend la direction de l’aéroport de Téhéran, Olivier Vandecasteele comprend qu’il est en train d’être libéré. “Mais à l’aéroport, un fonctionnaire ne voulait pas le faire partir car il manquait un papier”. Le doute s’installe à nouveau. Finalement, l’avion peut décoller, direction le Sultanat d’Oman où des représentants belges accueillent l’humanitaire et vérifient son identité. De là, il aura un vol de neuf heures – “le temps d’un briefing approfondi où les spécialistes lui ont bien expliqué qu’il devait aller pas à pas dans sa reconstruction”- vers la Belgique.
”On a eu le temps de boire une bière ensemble”
Dans l’avion, le Roi, “qui a joué un rôle important dans sa libération”, et la famille d’Olivier ont pu l’appeler. Avant de le serrer dans leurs bras ce vendredi soir. “Olivier m’a dit qu’il avait soif. On a eu le temps de boire une bière ensemble, sourit “l’autre” Olivier. Il n’a pas perdu de sa belgitude. Intellectuellement, je l’ai trouvé très bien. On a retrouvé notre ami avec son humour typique. Était-ce dû à l’adrénaline ? On verra s’il aura un contrecoup”. Physiquement, l’homme est marqué. Il a perdu 13 kilos. “Olivier est aussi complètement déconnecté. Je ne suis pas sûr qu’il sache qu’il y ait une guerre en Ukraine. Ses conditions de détention étaient très dures, surtout dans les premiers mois où il était complètement isolé et constamment interrogé. Il n’avait pas de lit, juste quelques couvertures sur lesquelles se reposer”.
Durant ces quinze mois de détention, Olivier aura croisé le chemin de “quelques autres détenus occidentaux”. “Même s’il ne connaissait pas sa réelle ampleur, il n’a certainement pas douté de la mobilisation qu’il y avait en Belgique et d’être un jour libéré. Mais le temps a dû lui paraître incroyablement long”. Olivier a confié à son meilleur ami qu’il avait mis en place quelques “rituels” pour tenir le coup, pour “peupler sa solitude”. “Dans les derniers mois, il avait accès à une petite cour de quatre mètres sur cinq. Il la parcourait sans cesse en diagonale. Parfois il courrait 20 km par jour dans cette cour.”
”Il a envie d’aller à un festival cet été”
L’humanitaire dessinait également beaucoup et a regretté d’ailleurs de ne pas avoir pu prendre ses dessins restés dans sa cellule. “On a vu sur ses mains qu’il était plein de traces de bic”. Dès qu’il a pu avoir accès à des feuilles et un crayon, l’ex-détenu a créé un calendrier, pour ne plus être “perdu dans le temps”. “Olivier est quelqu’un de très fort. Outre l’Iran, il a travaillé dans des pays comme l’Afghanistan, dans des conditions très dures. Ce qui l’a aidé, c’est aussi d’être resté très vif intellectuellement sur toutes les questions liées à sa détention. Quand on pouvait l’avoir en appel vidéo, il nous relançait régulièrement”.
Ces “rituels” et cette rigueur intellectuelle ont empêché le jeune homme de sombrer. “Ce qui lui a aussi énormément manqué, c’est la musique, révèle son amie Mouna Ferdi. Il nous a d’ailleurs demandé de pouvoir aller à un festival cet été”. Olivier Vandecasteele a-t-il d’autres projets ? Va-t-il repartir comme travailleur humanitaire ? “C’est beaucoup trop tôt. Pour l’instant, il a juste besoin d’être avec sa famille. Pour nous, le principal est qu’il soit en sécurité et qu’il prenne le temps de se reconstruire, expliquent ses amis. C’est lui qui choisira le moment opportun de communiquer.”