Arnaud De Lie avant son premier Milan-Sanremo : “Le placement est important mais plus encore, il faut avoir la jambe”
Samedi, l’Ardennais disputera avec ambition mais aussi humilité le premier monument de sa jeune carrière dont il a reconnu à deux reprises la finale.
Publié le 14-03-2023 à 07h58
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Rentré prématurément au pays dimanche matin, après son retrait de Paris-Nice, Arnaud De Lie prépare son prochain rendez-vous important. Jeudi, l’Ardennais prendra le chemin de l’Italie où il disputera ce samedi le premier monument de sa jeune carrière à l’occasion de Milan-Sanremo dont il a reconnu la finale à deux reprises, début février puis ce week-end. Samedi soir, le Taureau de Lescheret s’est confié à propos de la Primavera.
Arnaud, après Paris-Nice, quel est votre programme ?
”J’ai deux entraînements plus durs prévus, lundi et mercredi, puis je vais récupérer pendant deux, trois jours pour être le plus frais possible sur Milan-Sanremo. C’est trois cents bornes, deux cents où il ne se passe pas grand-chose et cent où la pression monte. Ça se joue à la patte.”
Cette distance, la plus importante de la saison, cela ne vous fait pas peur ?
”Non, non. C’est quarante minutes de plus que Plouay ou Gand-Wevelgem, des courses que j’ai courues. Je vais fermer les yeux et ne pas penser à ces quarante minutes.”
Par contre, c’est une course hypernerveuse, ce qui est plutôt dans vos cordes.
”La nervosité, ça dépend des jours. Dans un bon jour, on ne la sent pas. Si on est moins bien, on la ressent beaucoup plus. L’important c’est d’avoir une équipe autour de soi, d’être bien soutenu, bien entouré. Quand, c’est le cas, on est plus respecté dans le peloton.”
“Le Poggio fait plus peur car on est proche de l’arrivée et tout le monde donne tout.”
Sur qui pourrez-vous compter ?
”Nous aurons une belle équipe avec Pascal Eenkhoorn, Jacopo Guarnieri et Frederik Frison par exemple. Ce ne sera pas à nous de contrôler, on doit utiliser nos hommes pour le placement au Capo Berta, qui est le plus dur des trois capi. De toutes les bosses de Milan-Sanremo, c’est la plus raide. Ensuite, ils devront bien nous placer à la Cipressa et, je l’espère, s’ils sont encore là, avant le Poggio. Quand on aura été bien placé, l’important, ce sera la jambe dans la Cipressa. Le placement est important mais plus encore, il faut avoir la jambe. Si vous ne l’avez pas, vous ne passerez pas la Cipressa et encore moins le Poggio.”
Vous dites ‘on’, en parlant de Caleb Ewan. Comment peut se passer votre collaboration ?
”Je pense qu’il y a peu de chance qu’on arrive à deux sur la Via Roma dans un groupe qui lutterait pour la victoire. On peut être bien placés tous les deux au pied de la Cipressa et après on fera le point. Au-dessus, on aura une idée de qui est bien ou pas. Et si jamais on est encore à deux au-dessus du Poggio, ce sera aux directeurs sportifs de prendre leurs responsabilités. On n’aura pas le temps de parler, mais avec l’oreillette, ils pourront nous dire quoi faire. Mais je nous souhaite d’être là tous les deux, ça multipliera nos chances que cela reste groupé et en plus, on a la chance d’être très rapides tous les deux.”

Vous avez reconnu la finale de Milan-Sanremo, début février, après l’Étoile de Bessèges, puis encore ce samedi après votre retrait prématuré de Paris-Nice, qu’en avez-vous pensé ?
”C’est conforme à ce qu’on voit à la télé. Un peu différent dans la descente du Poggio dont on ne mesure pas tous les aspects à la télévision. Les bosses sont pratiquement comme je m’y attendais, pas super dures, mais dures quand même. On monte la Cipressa à trente à l’heure et le Poggio à quasi quarante sur le grand plateau. Ça me convient mais il faut arriver là, le plus frais possible, en ayant gardé des forces et de la fraîcheur.”
“Pogacar va vouloir faire tout péter dans la Cipressa puis tout donner dans le Poggio.”
Des deux dernières côtes, laquelle craigniez-vous le plus ?
”Le Poggio fait plus peur car on est proche de l’arrivée et tout le monde donne tout. Ces dernières années, il n’y a plus vraiment d’attaques dans la Cipressa où ça monte à un gros tempo. Le Poggio, c’est trois kilomètres. Il y a un kilomètre sept de rouleau compresseur, le plat où on récupère un petit peu avant l’explosion sur les huit cents derniers mètres où on est à fond jusqu’à la cabine téléphonique.”
Ensuite, c’est la descente qui est au moins aussi importante que la montée, si pas plus…
”Je l’ai bien reconnue. Je peux me tromper, mais ce sont des virages où l’on peut passer très vite, sans donner de coups de frein. Jacopo m’a aussi donné beaucoup de conseils en me parlant de l’un ou l’autre virage. On en a parlé souvent pendant Paris-Nice. L’an dernier, c’est dans la descente que ça s’est joué, avec Matej Mohoric, mais c’est souvent en bas, quand on arrive dans la ville, que ça se joue. Il faut rester lucide et concentré, essayer de récupérer dans la descente parce que si je suis dans le premier groupe en bas, ce n’est pas pour autant que les chances de faire un top 10, un podium ou de gagner sont acquises. On l’a vu quand Stuyven attaque et surprend tout le monde par exemple.”
“Paris-Roubaix ou le Tour des Flandres me font plus rêver. Ce sont des classiques de guerriers.”
Attaquer, justement, vous y pensez ?
”Non. Pour attaquer, il faut être beaucoup plus fort que je ne le suis aujourd’hui. Dans d’autres courses, même au Nieuwsblad par exemple, je suis passé à l’attaque, mais là, c’est différent. Je serais déjà très content de passer le Poggio et il faudra voir comment je suis en bas. Evidemment, ça peut dépendre des circonstances de la course.”
Milan-Sanremo, qu’est-ce que cela représente pour vous ?
”C’est un monument, on est donc naturellement motivé, mais c’est vrai que Paris-Roubaix ou le Tour des Flandres me font plus rêver. Ce sont des classiques de guerriers, Sanremo, c’est attendre, attendre et attendre encore l’explosion dans le Poggio. C’est une course qui sourit aux plus malins, pas nécessairement aux plus forts. Ce n’est pas la course qui me donne le plus envie, mais elle vient dans mon top 3.”
Avant Liège-Bastogne-Liège ?
”Oui, parce que pour le moment, il ne faut pas se voiler la face, Liège, c’est impossible pour moi. Et pour que ce soit éventuellement possible, il faut me mettre ça en tête et changer mon programme, ma préparation, etc. Il faut que je reste pour l’instant dans ma discipline de prédilection et faire les choses qui me conviennent le mieux. Mais, c’est sûr, plus tard, j’aimerais m’y essayer.”
Pour un jeune coureur qui sprinte très bien, Sanremo peut-être la classique qui semble la plus accessible.
”Elle a changé depuis dix ans. Cela fait longtemps qu’il n’y a plus eu de sprint à trente ou quarante coureurs, depuis Arnaud Démare en 2016, je crois. Comme l’an passé, Pogacar va vouloir faire tout péter dans la Cipressa puis tout donner dans le Poggio.”
“Qu’il pleuve et qu’il y ait de la neige samedi, ce serait bien pour moi…”
Vous avez des souvenirs liés à la Primavera ?
”Mon premier souvenir, c’est Ciolek qui gagne devant Sagan et Cancellera dans l’édition 2013 qui avait été raccourcie et neutralisée à cause de la pluie et la neige. Ensuite, j’ai toujours suivi les différentes éditions, je me rappelle de Sagan battu par Kwiatkowski, de Nibali qui arrive seul… Avant, notamment quand Philippe (Gilbert) est monté sur le podium (NdlR : en 2008 et 2011), je ne m’en souviens pas, mais j’avais cinq et huit ans… Si vous êtes coureur, vous devez connaître l’histoire de ces courses. J’aime bien regarder les courses à la télé, je peux analyser. C’est bien de voir où et comment ça se passe, on apprend toujours des choses qui peuvent servir.”
Vous aimeriez une édition bloquée avec vent de face ou une où la bagarre éclate de loin, peut-être avec une météo détestable comme cette fameuse édition de 2013 ?
”Dans l’équipe, ils n’aimeraient pas, mais moi, je préférerais autant que la météo soit rude et même qu’il pleuve, je suis souvent mieux sous la pluie. Oui, qu’il pleuve et qu’il y ait de la neige samedi, ce serait bien pour moi…”
