Les Jumbo signent un double triplé historique: "Nous étions les plus forts, mais on est déjà occupé à regarder ce qui peut être encore amélioré"
En gagnant la Vuelta devant Jonas Vingegaard et Primoz Roglic, Sepp Kuss et ses équipiers ont réussi deux triplés uniques ou presque.
- Publié le 18-09-2023 à 06h46
:focal(2995x2005:3005x1995)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/WTYYKZA3XZDFTHRAELTTGBRWZM.jpg)
Pour la première fois dans l’époque moderne, une équipe, plutôt qu’un coureur, a remporté un grand tour. C’est une provocation, bien sûr, car seule la formation Atala, gagnante du Tour d’Italie 1911, disputé selon la formule collective et non individuelle, a son nom gravé au palmarès d’un grand tour.
C’est celui de Sepp Kuus qui figure désormais sur le tableau d’honneur de la Vuelta. L’Américain a succédé à Remco Evenepoel après avoir devancé ses deux équipiers Jonas Vingegaard et Primoz Roglic, eux-mêmes lauréats précédemment des deux principales autres courses à étapes de la saison. Le Danois au Tour et le Slovène au Giro.
”Plus jamais ça…”, a avoué Sepp Kuss à sa femme Noemi samedi, peu après avoir franchi la ligne d’arrivée à Guadarrama, bras dessus, bras dessous avec ses deux leaders-équipiers. Un aveu qui montre, s’il le fallait encore, combien le leadership est lourd pour le coureur du Colorado. “Ce fut un moment spécial de pouvoir ainsi profiter dans cette dernière étape de mes deux équipiers”.
On ne saura jamais si le meilleur a gagné, ce que l’on sait, c’est qu’il faisait partie de l’équipe la plus forte. Richard Plugge, le manager de l’équipe néerlandaise qui a écrit l’histoire, en est persuadé. Ce dimanche, ses huit coureurs arboraient un maillot spécial dans les rues de Madrid, reprenant les couleurs symboliques, rose, jaune et rouge, des trois grands tours.
”C’est incroyable, je suis vraiment fier et content”, a-t-il confié à Eurosport. “Avant la saison, nous avions le plan d’essayer de remporter les trois grands tours. Mais d’abord, il fallait gagner le Giro. Puis le Tour. Nous ne pensions pas que c’était possible, mais nous le voulions. À partir du moment où Sepp s’est retrouvé en position favorable, il est devenu évident que nous disposions de trois leaders. Nous pensions aussi avoir plus de concurrence de la part d’Ayuso. Cela viendra certainement, il sera difficile de le battre à l’avenir. Nous étions les plus forts. Ce ne fut pas simple, ce ne l’est jamais pour gagner une course, mais on a pu y parvenir.”
Le manager néerlandais prévient aussi ses collègues.
”On va tout évaluer”, dit Plugge. “On est déjà occupé à regarder ce qui peut être encore amélioré à l’avenir mais nous en dirons plus en décembre…”
Le succès du coureur de Durango a été salué par le peloton comme celui d’un équipier modèle mis à l’honneur pour l’ensemble de son œuvre d’autant qu’il a permis à sa formation de réaliser aussi deux triplés. Unique pour l’un et rarissime pour le second.
En effet, il aura fallu attendre 74 ans pour que pour la première fois, des coureurs appartenant à une même équipe enlèvent les trois grands tours la même saison. Même si le Tour d’Espagne a été créé en 1935, trente-deux ans après le Tour et vingt-six après le Giro, les trois principaux tours nationaux n’ont pas toujours été disputés depuis lors, pour des raisons économiques ou à cause de la guerre.
Par contre, le triplé des Jumbo au classement final, n’est pas le premier de l’histoire. Il faut pourtant remonter à la préhistoire ou au Moyen-Âge du sport cyclisme pour se rappeler qu’au Giro, les Atala-Continental avaient réussi le triplé en 1910 avec Galetti, Pavesi et Ganna (aucun lien de parenté avec Filippo) et qu’en 1920, les Bianchi-Pirelli y étaient aussi parvenus avec Belloni, Gremo et le Français Alavoine. Cette même année 1920, au Tour de France, les hommes de La Sportive, qui était en fait un conglomérat de plusieurs formations de différentes marques de cycles, avaient réussi le triplé avec les Belges Philippe Thys, Hector Heusghem et Firmin Lambot.
Enfin, à la Vuelta 1966, où il n’y avait que 90 partants répartis en neuf formations de dix, la grande équipe espagnole Kas avait squatté les trois places du poidum final avec Francisco Gabica, Eusebio Velez et Carlos Echeverria. Mieux encore que les Jumbo, des coureurs de Kas s’étaient classés aux 5e, 6e et 7e places, un peu comme si Wilco Kelderman, Robert Gesink ou Dylan van Baarle avaient fini juste derrière Juan Aysuo à Madrid.
Le triplé des Jumbo-Visma et la victoire de Kuss ont été facilités par la défaillance de Remco Evenepoel dans l’étape du Tourmalet et par l’incapacité de leurs adversaires à les mettre en difficulté. Rétrospectivement, malgré une affiche qui avait fière allure au départ de Barcelone, on doit reconnaître que le Belge aurait été le seul à pouvoir s’immiscer dans le trio “jaune et noir”. Sa présence dans les premières places du classement en fin de Vuelta aurait sans doute généré une autre course, d’autres mouvements, plus d’animation dans les dernières étapes jusqu’à celle de samedi qui, par son profil, serait restée indécise jusqu’au bout.