Rencontre et portrait de Corinne Van der Poel-Poulidor : fille, femme et mère de champions du cyclisme !
Fille, femme et mère de coureurs-cyclistes renommés, Corinne Poulidor se dévoile dans une belle interview-portrait dans laquelle elle parle de ses fils David et Mathieu Van der Poel, de son mari Adrie Van der Poel et de son père, Raymond Poulidor.
- Publié le 23-12-2016 à 16h01
- Mis à jour le 04-03-2021 à 16h36
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Enfant, elle avait dû promettre à sa mère de ne jamais épouser un coureur. Un vœu qu’elle n’a heureusement pu exaucer car depuis près de trois décennies, Corinne Poulidor partage la vie d’Adrie Van der Poel.
"Je l’ai rencontré lors d’un événement sportif, mais je ne savais pas qu’il était coureur", se défend-elle. C’était en 1987, dans une discothèque en Martinique où les deux jeunes gens passaient leurs vacances. De coup de foudre en mariage, voilà comment la fille de Raymond Poulidor, le plus populaire des champions français, est devenue l’épouse de celui dont l’impressionnant palmarès recense des succès dans huit classiques (Tour des Flandres, Amstel, Championnat de Zurich, Paris-Bruxelles, Paris-Tours, Liège-Bastogne-Liège, San Sebastian et le G.P. de l’Escaut) ou au Mondial de cyclo-cross.
Depuis plus d’un quart de siècle, le couple vit en Belgique, à Kapellen, au nord de la province d’Anvers, où Corinne est devenue la maman de David et Mathieu, les deux talentueux cyclo-crossmans néerlandais. Comme Claudine Merckx-Acou, elle a donc connu trois facettes, celle de fille, d’épouse et de mère de champions.
"De ces trois périodes, c’est celle-ci que je préfère", assure-t-elle. "De tous les rôles, c’est l’actuel qui est le plus épanouissant. Je n’aimais vraiment pas quand mon père courrait. D’abord, j’étais petite, il n’était jamais à la maison, sauf trois-quatre mois en hiver. On n’allait pas aux courses, on suivait à la télévision, je me rappelle de certaines images du Tour de France, mais de pas grand-chose d’autre. Je n’avais que onze ans quand il a arrêté. Ensuite, il y avait énormément de jalousie, à l’école par exemple, dans notre village de Saint-Léonard-de-Noblat, près de Limoges."
De l’époque où elle était la femme d’un des meilleurs coureurs du peloton, puis des labourés, elle ne garde pas spécialement un meilleur souvenir.
"Quand Adrie courrait, j’étais très souvent seule à la maison", explique-t-elle. "Au début, je profitais de ces périodes pour retourner en France, mais quand les enfants ont grandi et sont allés à l’école, c’est devenu impossible. Et même quand il a fini sa carrière dans les cyclo-cross, j’allais rarement avec lui. Il n’y avait pas encore de mobile-home comme aujourd’hui. Adrie partait en voiture avec son mécanicien, ses vélos, il n’y avait pas de place pour moi. Je n’allais voir que quand ce n’était pas trop loin."
Alors, elle avoue que ce n’est que depuis une bonne demi-douzaine d’années qu’elle apprécie la situation.
"Maintenant, je profite", poursuit-elle. "Parfois, il y a de mauvais moment, mais ils sont compensés par les bons. Mes fils ont d’abord joué au football, mais je détestais cela. Surtout le comportement antisportif de nombreux parents. Je dois avouer que je fus très heureuse de les voir se diriger vers le cyclisme et plus encore vers le cyclo-cross qui correspond plus à mon tempérament."
Bon sang ne peut mentir, elle pratique régulièrement l’équitation et roule à vélo.
"J’essaie de rouler avec une amie deux fois par semaine", dit-elle. "En hiver, ce sont des petits tours de 50 km. En été, on va jusqu’à 100 km quand il fait beau. J’aime bien rouler en montagne, mais ce n’est pas facile dans la région (elle rit)."
Corinne Van der Poel est donc la maman à temps plein de deux garçons dont le métier exige un investissement total.
"Ils vivent encore à la maison tous les deux, comme ils n’ont pas de petite copine, les bouquets, c’est pour moi", sourit-elle. "C’est l’avantage ! Mais j’en donne souvent aux épouses des mécanos, à des supporters fidèles… Adrie s’occupe de l’aspect sportif et matériel, les vélos, l’entraînement. Moi, c’est l’intendance. Je dois surtout veiller à la lessive, d’autant que le cyclo-cross en demande beaucoup. Bien sûr aussi à l’alimentation. Un sportif de haut niveau ne mange pas n’importe quoi. Je fais les courses, je cuisine, je prépare."
Les jours de course, elle a aussi son rôle bien spécifique.
"C’est généralement moi qui conduis David et Mathieu aux courses car Adrie part très tôt le matin avec le mobile-home et le camion de matériel pour prendre une place, installer tout ce qui doit l’être", dit-elle. "Nous rejoignons le circuit plus tard, en voiture. Contrairement à certaines mères, je ne les masse pas, c’est un mécano qui le fait. Pendant la course, mon mari est au poste matériel avec les mécanos. Moi, je suis avec mes fils au départ et à l’arrivée, avec les vestes, les bidons, les vêtements de rechange pour aller podium."
Pendant la course, accompagnée de Louna, la dalmatienne de la famille, Corinne est sur le bord du circuit.
"Je les encourage bien sûr autant l’un que l’autre, ce sont mes deux fils", dit Maman Van der Poel. "Quand Mathieu est devant, ce qui arrive quand même souvent, je me dis : "Ok, lui est tranquille", et je me concentre sur David."
"Je suis toujours la Française"
Depuis près de trente ans, Corinne Van der Poel-Poulidor a quitté par amour le Limousin pour vivre à la frontière belgo-néerlandaise. "Ça n’a pas été facile de me déraciner", admet-elle. "Encore maintenant. Je suis toujours, pour beaucoup de gens, la Française". J’ai l’impression que la France a mieux adopté Adrie que les Pays-Bas ou la Belgique ne m’ont adoptée. Souvent, on me dit qu’Adrie est à moitié Français, mais je n’ai jamais entendu ça pour moi." D’ailleurs, dans quelle langue s’exprime-t-on au sein de la famille ? "On parle moitié moitié", sourit la fille de Poupou, aujourd’hui parfaite bilingue. "Le plus souvent, je leur parle en Français, ils me répondent en Néerlandais. Et même, il y a des phrases où on retrouve des mots français et néerlandais."

"Nos fils se soutiennent"
Comment les frères Van der Poel vivent-ils la situation ? "Ils s’entendent bien, ils se soutiennent", dit leur maman. "Adrie, qui les voit à l’entraînement, affirme qu’ils se motivent, s’aident beaucoup, mentalement aussi. Par exemple, avant la course, dans le mobile-home, ils se décontractent. J’ai une bonne relation avec eux. Mathieu extériorise plus, il se confie plus. David, comme son père, garde tout pour lui. Je ne pense pas que la réussite de son frère lui pose des problèmes, mais il intériorise. Pourtant, je suis sûr que, souvent, c’est difficile pour lui. Son frère gagne et, pour lui, ça ne marche pas nécessairement comme il aurait voulu. Pour Mathieu aussi, ce n’est pas évident. Il arrive qu’on doive relativiser ses victoires ou, en tout cas, ne pas hurler notre joie car David n’a pas réussi ce qu’il espérait. Pourtant, David était quand même 5e au dernier Mondial, mais il est plus irrégulier. Si Mathieu n’a pas de problèmes physiques ou mécaniques, il est toujours dans les tout premiers. Tous les parcours lui conviennent. Pour David, c’est plus des hauts et des bas." La maman peut même prévoir ce qui va se passer en course. "Je le sens en venant en voiture", assure-t-elle. "Quand David est très, très énervé, ce n’est pas bon signe. Mathieu a moins de mauvais jours. Dans la voiture, on ne parle jamais de la course et, après, si ça s’énerve, je sors du mobile-home et je les laisse se calmer. Ce n’est que le soir qu’on discute de la course."

"Avant une course, pour Mathieu, c’est spaghettis, jambon, ketchup"
Avant chaque cyclo-cross, c’est le même rituel. "À midi, Mathieu mange toujours des spaghettis, jambon, ketchup", explique sa maman. "Au niveau diététique, le seul jour où il se lâche, c’est le dimanche soir, après les cross du week-end. Il mange ce dont il a envie, des frites, des sushis ou on va au resto chinois." La mère détaille aussi le caractère de son cadet. "Mathieu est plutôt casanier, il aime rester à la maison et le cyclo-cross correspond aussi à son tempérament et au mien", confie-t-elle. "Je préfère aller à un cyclo-cross, mais s’il choisit un jour de passer sur la route, je le soutiendrai autant. Mathieu a un caractère plus volubile, plus rigolo (comme sa maman). David est plus sérieux, comme son père. Mathieu donne souvent l’impression d’être relax, c’est vrai, mais, après le Mondial de Zolder, il a mis trois, quatre jours à s’en remettre. De même, quand il a connu ses soucis aux genoux, on a dû le freiner, il a dû rester allongé trois semaines sans bouger. Il passait toute la journée devant la télé ou chez le kiné." Et, bien sûr, les deux petits-fils s’entendent très bien avec leur grand-père. "Ils ont une excellente relation, mon père est très fier, mais ils ne se voient pas souvent. Il était à l’Euro, à Pontchâteau. En général il vient quelques jours en Belgique en pleine saison, il est toujours très impressionné par le monde et l’ambiance dans les cyclo-cross."