Remco Evenepoel: d’un rêve arc-en-ciel à l’autre
Douze mois après son titre mondial chez les juniors, le coureur de chez Deceuninck- Quick Step incarne un prétendant légitime au podium chez les pros.
/s3.amazonaws.com/arc-authors/ipmgroup/edcc3ae5-5682-4eb5-ba4b-cdd4f398043c.png)
Publié le 25-09-2019 à 06h36 - Mis à jour le 25-09-2019 à 06h55
:focal(2045x1143.5:2055x1133.5)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/D2YP77PIY5DJBE43QOTXUPHUJI.jpg)
Douze mois après son titre mondial chez les juniors, le coureur de chez Deceuninck- Quick Step incarne un prétendant légitime au podium chez les pros. En conquérant les étoiles du maillot de Champion d’Europe de chrono à Alkmaar début août, Remco Evenepoel avait repoussé un peu plus les frontières de sa galaxie huit mois après son passage dans le peloton pro. Ce mercredi, le Brabançon rêve d’à nouveau colorer son horizon d’un arc-en-ciel, un an après son titre mondial chez… les juniors. Une ambition que la météorite du cyclisme mondial tente de tempérer dans un discours où le naturel prend toutefois rapidement le dessus.
"Mon objectif pour ce contre-la-montre ? Certainement pas finir dernier, lance ainsi le coureur de Schepdaal dans un sourire. Je serais heureux avec un Top 5, mais je refuse d’installer une pression excessive sur mes épaules. Ma saison a été pleinement réussie jusqu’ici et je ne m’effondrerais pas si je ne parvenais pas à assouvir cette ambition ce mercredi. Vous me connaissez toutefois désormais un peu mieux : je suis un compétiteur. Et quand on est animé de cet état d’esprit, on vise toujours le meilleur classement possible…"
Prétendant totalement légitime à une médaille dans un exercice sur lequel il fait désormais figure de spécialiste du peloton pro, le vainqueur de la Clasica San Sebastian a, comme toujours, préparé son objectif avec la plus grande application. Une implication qui pourrait faire de lui le plus jeune champion du monde de l’histoire du chrono (voir chiffre ci-contre).
1. Le chrono plus important que la course en ligne.
Sélectionné, comme Yves Lampaert, pour les deux épreuves réservées aux élites lors de cette semaine mondiale, Remco Evenepoel a clairement fixé sa priorité.
"Le contre-la-montre est plus important à mes yeux que la course en ligne sur laquelle je n’assumerai pas le même statut, avance le coureur de chez Deceuninck-Quick Step. Avant de mettre le cap sur le Yorkshire, je me suis beaucoup entraîné dans les Ardennes, près de La Gleize et ai travaillé spécifiquement dans cette logique. Je sais que la course en ligne de dimanche fera un peu plus de 280 kilomètres, mais avec mon entraîneur Koen Pelgrim nous pensons que si je suis prêt pour le chrono de ce mercredi, je le serai aussi pour le rôle que j’aurai à assumer dimanche au sein d’une équipe belge extrêmement solide."
2 . Un profil et un gabarit idéal pour ce parcours.
Avec ses soixante-deux kilos et son mètre septante et un, Remco Evenepoel est le plus petit et le plus léger des prétendants au podium de ce Mondial. "Sur les quinze premiers kilomètres dénués de réelles difficultés, je pense pouvoir tirer profit de ma position très aérodynamique, juge ainsi le champion d’Europe. Mon poids devrait ensuite m’avantager sur le relief bien plus escarpé de la seconde partie du parcours" (NdlR : environ 500 mètres de dénivelé positif) .
Le sélectionneur Rik Vebrugghe pousse l’analyse plus loin. "Avec l’entraîneur de Remco, nous avons défini de manière très précise les niveaux de puissance qu’il devra soutenir sur les parties planes, en montée et en descente. Il s’agit d’une forme de plan stratégique qui vise à ce que notre coureur ne se mette pas dans le rouge sur les tronçons plus rectilignes afin de pouvoir opérer de réelles différences quand la route s’élèvera."
3 . Une capacité innée à rester au seuil.
L’une des caractéristiques principales de Remco Evenepoel tient à sa capacité à maintenir son effort au seuil, un niveau au-delà duquel l’organisme entre alors en zone rouge. "Ce chrono sera deux fois plus long que celui d’Alkmaar (22,4 km) où j’avais glané mon titre européen, continue le Brabançon. Il faudra donc voir comment mon organisme réagira à cette sollicitation, car je n’ai encore jamais disputé un contre-la-montre aussi long depuis le début de ma carrière (NdlR : 38,3 bornes comme distance maximale lors du Championnat de Belgique sur lequel il avait pris la troisième place derrière Van Aert et Lampaert) . Ce saut dans l’inconnu ne m’effraie toutefois pas vraiment, car depuis le début de cette année 2019 toutes les courses font, pour moi, figure de test…"
Une distance qui fait osciller Verbrugghe entre doutes et certitudes. "La seule et unique interrogation concernant Remco tient à la longueur de ce chrono. Mais je me suis rendu dans les Ardennes afin de travailler avec lui et son entraîneur durant plus plusieurs jours et sais que l’allure qu’il est capable de soutenir durant une heure est très proche de celle qui l’avait porté au titre européen au mois d’août. Dès lors…"
4 . Un sélectionneur qui parle le même langage.
Ancien spécialiste, lui aussi, de l’exercice en solitaire (champion de Belgique en 2000 et vainqueur du prologue le plus rapide de l’histoire du Giro), Rik Verbrugghe sait comment guider un coureur dans cette discipline. "Nous avons reconnu le tracé à plusieurs reprises lundi et mardi, au sec et sous la pluie, en répétant même les passages sur les zones les plus sensibles afin d’affiner nos notes, confie le sélectionneur national . Il est important de savoir où l’asphalte est le meilleur, à quel endroit un trou peut perturber une trajectoire, etc. Nous réviserons le tout avec un formidable outil informatique appelé Veloviewer qui permet de visualiser à nouveau les zones les plus critiques."
5. Le bon compromis entre puissance et vélocité
Si certains coureurs se distinguent par les énormes braquets qu’ils sont capables d’emmener, d’autres se révèlent performants grâce à la très haute cadence de pédalage qu’ils peuvent soutenir. "Remco, lui, est un compromis entre ses deux qualités , commente Rik Vebrugghe. Il ne s’essouffle pas trop en tournant les jambes comme la batteuse d’une moissonneuse et n’impose pas à une contrainte excessive à sa musculature en enroulant trop gros. C’est un mix qui se révèle, théoriquement, d’autant plus efficace que la distance s’allonge."
Et comme le chrono de ce mercredi fera plus de cinquante kilomètres…
“Je n’ai jamais vu un coureur aussi aéro”
Remco Evenepoel a réalisé des tests en soufflerie fin août pour optimaliser un peu plus sa position de chrono.
Partenaire technique de la Fédération belge depuis plusieurs années déjà, la société limbourgeoise Bioracer fait référence dans le domaine de l’équipement textile cycliste. Pionnier dans la recherche aérodynamique, son fondateur Raymond Vanstraelen a très tôt compris que l’habit participait à faire le moine.
Pour cette semaine arc-en-ciel, Bioracer fournira ainsi une toute nouvelle combinaison de chrono à nos spécialistes du contre-la-montre. “Elle a été confectionnée sur mesure pour tous les coureurs sélectionnés”, commente Jelmer Jacobs, performance manager chez Bioracer. “Dessinnée dans un tout nouveau textile, elle permet à un athlète d’économiser 4 watts à une allure moyenne de 50km/h par rapport à notre ancien modèle. De petits détails qui, mis bout à bout, peuvent considérablement impacter la performance.”
Si la philosophie de gains marginaux avait été introduite dans le peloton par le Team Sky, elle s’est désormais étendue bien au-delà de la seule formation britannique.
“Des jeunes coureurs comme Remco Evenepoel sont très sensibles à ces éléments, continue Jacobs. Dès la saison dernière, lorsqu’il évoluait encore chez les juniors, ce dernier nous a fait confiance afin de chercher à améliorer sa position sur son vélo de chrono. Nous avons d’abord travaillé sur la seule base d’un logiciel propre qui vise à analyser et décomposer son aérodynamisme en mouvement. Il était alors déjà très bien posé sur sa machine mais le Brabançon a voulu pousser la cherche un pas plus loin cet été…”
Le 26 août dernier, Remco Evenepoel a donc réalisé une batterie de tests dans la soufflerie de Beringen.
“Durant une demi-journée, nous avons testé divers éléments, par exemple les… couvre-chaussures. Cet accessoire, qui peut paraître totalement anecdotique, permet de gagner 14 watts par rapport à un coureur qui n’en porterait pas. Durant ces essais, j’ai été frappé par l’efficacité de la position de Remco. Je n’avais encore jamais vu un coureur aussi aérodynamique dans ma carrière. Pour atteindre la même vitesse, il doit ainsi développer 10 % de puissance en moins que l’Allemand Tony Martin (NdlR : quadruple champion du monde du chrono) et la plupart des autres spécialistes du chrono. C’est considérable et cela s’explique par une combinaison de différents éléments : son gabarit compact (1m71 pour 61 kilos), sa morphologie et le rapport entre la longueur de son tronc et de ses jambes ou encore la souplesse qui lui permet de soutenir confortablement une position efficace.”
Un domaine de plus, donc, dans lequel Evenepoel se révèle phénoménal.