Remco Evenepoel: "Le Giro aura la priorité sur Liège-Bastogne-Liège"
Comme ses grands objectifs de la saison, la crise du coronavirus n’a fait que reporter l’ambition de Remco Evenepoel à plus tard.
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Publié le 27-04-2020 à 21h13
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Comme ses grands objectifs de la saison, la crise du coronavirus n’a fait que reporter l’ambition de Remco Evenepoel à plus tard.
Si sa rapidité à décrocher son téléphone (une sonnerie !) est aussi impressionnante que son allure sur un vélo de chrono, Remco Evenepoel assure qu’elle ne traduit aucune forme d’impatience ou de nervosité. "Nous avions rendez-vous et j’aime la ponctualité", sourit le Brabançon. Stoppé dans le formidable élan d’un début de saison en boulet de canon (victoire sur les Tours de San Juan et d’Algarve) par la faute de la pandémie de coronavirus, le coureur de chez Deceuninck-Quick Step a tout juste reporté ses ambitions à plus tard avec une maturité qui n’étonne plus et un sens du réalisme empli de nuances. Entretien.
Remco, comment gérez-vous cette période particulière du confinement ? Ne tournez-vous pas trop en rond ?
"Non, cela se passe sans trop de problèmes. Mon quotidien n’est finalement pas très différent de celui que je connais lors des périodes de préparation, en avant-saison ou en amont d’un objectif par exemple, puisque je m’entraîne le matin avant de récupérer dans l’après-midi. Lors des journées de repos, il ne m’est simplement pas possible d’aller boire un café ou déguster un petit quelque chose, mais le contraste n’est pas trop grand. À la maison, je tente de me rendre utile autant que je le peux puisque mon papa continue à travailler (NdlR : il est actif dans le bâtiment) , alors que ma maman planche actuellement sur un projet de nouveau salon de coiffure. Je fais donc les courses ou d’autres petites choses du quotidien qu’il ne m’est pas toujours possible d’accomplir durant la saison."
Qu’est-ce qui, hormis les courses et la compétition, vous manque le plus actuellement ?
"Lorsque je fais de longues sorties d’entraînement, j’apprécie habituellement de m’arrêter dans un commerce au bout de quatre ou cinq heures pour me ravitailler, ce qui n’est plus possible actuellement. Lors des journées de repos, j’aime aussi me balader dans Bruxelles avec ma copine. Mais je ne perds pas de vue que j’aurais dû actuellement être engagé dans mes premiers grands objectifs avec Liège-Bastogne-Liège puis la perspective du Giro et qu’il ne m’aurait, de toute façon, pas trop été loisible de goûter à ce genre de moments. Et puis, ces infimes désagréments relèvent du dérisoire dans la situation que nous traversons…"
Patrick Lefevere a soufflé que vous aviez été l’un des premiers à lui demander comment vous pouviez vous rendre utile dans ce contexte particulier…
"Je suis l’actualité de notre sport et je n’ai pas manqué de noter que plusieurs formations rencontraient certaines difficultés financières. Je trouvais donc totalement naturel et normal de demander à mon patron quel était l’état de notre situation et comment je pouvais être le plus utile. J’étais par exemple prêt à diminuer mon salaire pour soutenir l’équipe, mais Partrick m’a alors fait savoir que ce n’était pas nécessaire. La situation est particulière pour les sponsors, à qui je tente d’offrir un maximum de visibilité sur les réseaux sociaux."
Avec le report du Giro, des Jeux olympiques et de Liège-Bastogne-Liège, vous avez vu trois de vos principaux objectifs de la saison sauter les uns après les autres. Une annonce a-t-elle été plus difficile à encaisser qu’une autre ?
"Lorsque j’ai appris que les JO étaient reportés à 2021, cela a été clairement difficile à encaisser (NdlR : sa maman a confié qu’il en avait pleuré) … Mais, avec quelques jours de recul, j’ai compris que cela m’offrait une année de plus pour poursuivre ma progression et emmagasiner un peu plus d’expérience encore. Depuis début novembre, j’étais totalement absorbé par la perspective de Tokyo, tout était articulé autour du rendez-vous olympique. J’aurais aussi dû vivre mon premier grand tour et courir mon premier monument (Liège-Bastogne-Liège) lors de ce printemps. Il est donc assez logique que cela m’a fait un peu mal de voir ces challenges s’envoler, je crois… On devrait toutefois tout de même disputer un Giro cette année, en octobre."
Les premières ébauches, pas encore officielles, du nouveau calendrier semblent indiquer qu’un choix s’imposera à vous puisque Liège-Batsogne-Liège (4/10) tomberait au lendemain du Grande Partenza du Giro…
"Oui, cela serait une moins bonne nouvelle… La priorité irait alors logiquement au Tour d’Italie. Nous en avons déjà parlé au sein de l’équipe et j’en ai discuté avec plusieurs équipiers : lorsque l’opportunité de disputer un grand tour se présente, il faut la saisir. Je devrais donc faire une croix sur la Doyenne."
L’UCI va devoir démêler un sacré sac de nœuds pour composer le nouveau calendrier. Autour de quelle priorité celui-ci doit-il, selon vous, s’articuler ?
"Nous n’aurons, théoriquement, que quatre à cinq mois dans la seconde partie de la saison pour disputer un maximum de courses. Je crois ainsi qu’il pourrait être intéressant de disputer les grands tours sur deux semaines plutôt que trois. Cela laisserait alors davantage de place pour les autres épreuves. Sans cela, le calendrier va imposer des choix très pénibles. Si, comme nous l’évoquions en amont, le Giro et Liège-Bastogne-Liège devaient se disputer conjointement, cela empêcherait certains coureurs de s’aligner sur deux épreuves qui leur plaisent. Ce serait dommage…"
Courir le Tour de France en septembre a-t-il, à un moment donné, constitué une option sur laquelle vous vous êtes penché ?
"Non, car, si le programme de la semaine des championnats du monde demeure inchangé, le Mondial de chrono surviendra lors du dernier week-end de la Grande Boucle… Et le rendez-vous arc-en-ciel est clairement un objectif majeur. Je crois par ailleurs que le Giro s’ouvrira, dans sa version remaniée, par un contre-la-montre, ce qui pourrait m’offrir des perspectives intéressantes…"
Votre motivation semble en tout cas intacte au regard des 300 kilomètres que vous avez avalés le week-end dernier dans le cadre du premier des challenges que vous avez annoncés pour les prochaines semaines. Quel est le but de ces défis ?
"Il est double. La première et principale raison qui a initié cette idée tient dans le soutien que je souhaite apporter au personnel soignant qui travaille très dur actuellement pour lutter contre le coronavirus. La seconde est plus personnelle et relève d’une démarche motivationelle. Il s’agit d’un bon moyen de se stimuler chaque semaine, de retrouver une approche un peu similaire à celle d’une course et de s’inscrire dans une dynamique que j’apprécie. Je crois que les vidéos que je poste sur les réseaux sociaux constituent aussi quelque chose de sympa pour mes supporters… et nos sponsors. De telles séances ne sont pas impératives en ce moment puisque la perspective de reprise est encore lointaine, mais il s’agit d’un bon moyen d’entretenir la forme en accomplissant des choses originales et rafraîchissantes sur le plan mental. Cela s’arrêtera une fois que je reprendrai un entraînement plus sérieux et orienté vers un objectif."
Quel est, actuellement, votre volume d’entraînement hebdomadaire ?
"Ma sortie de 300 bornes dimanche dernier a un peu faussé la donne puisque j’ai passé ce jour-là près de 10 heures sur mon vélo (rires) . La semaine avant cela, j’avais également tenu à profiter de la bonne météo pour avaler les kilomètres car on ne sait jamais comment évoluent les conditions en Belgique et ce qui est pris est pris (rires) … J’avais alors fait près de 34 heures de vélo. Mais je ne suivrai pas ce régime et oscillerai plutôt entre les 20 et 30 heures hebdomadaires."
En parlant de régime, vous apparaissiez de plus en plus affûté avant la mise en pause de la saison. L’aiguille de la balance a-t-elle un peu remonté depuis lors ?
"Oui, un peu, et c’est assez logique. Mais dans des proportions très raisonnables car je me surveille. Je suis actuellement entre 63 et 64 kilos. Ce qui n’est qu’1,5 à 2 kilos au-dessus du poids que je voudrais avoir au départ du Giro."
"Une glace en terrasse après le confinement"
Le Brabançon retrouvera l’un de ses meilleurs amis… autour d’une table de ping-pong lorsque l’on sortira de cette période singulière.
Distanciateur social, le confinement est aussi un exacerbateur d’envies. Interview ‘confinée’ avec le champion d’Europe de chrono.
Remco, quel est le morceau de musique que vous avez le plus souvent écouté ces dernières semaines ?
"Plus qu’un titre en particulier, j’écoute plutôt des sets, des enchaînements comme ceux de DJ à Tomorrowland par exemple. J’aime bien découvrir des nouveaux trucs et cela change donc pratiquement chaque jour."
Avec quel équipier avez-vous été le plus régulièrement en contact depuis le début du confinement ?
"Très certainement Iljo Keisse, mon habituel compagnon de chambre lors des stages de préparation et sur les courses communes à nos programmes. Je pense que nous sommes en contact au minimum une fois par semaine. J’ai aussi croisé Dries Devenyns à plusieurs reprises à l’entraînement, lorsque j’accomplis des sorties longues et que je prends la direction Vieux Quaremont où il habite."
Laquelle des nombreuses rediffusions sportives en télévision avez-vous le plus appréciée ?
"Je n’en ai pas regardé des dizaines mais j’ai bien aimé revoir la victoire de Phil (Gilbert) sur Tour des Flandres en 2017. Je me suis aussi installé devant la rediffusion du premier succès de Boonen à Paris-Roubaix et du dernier pavé conquis par Museeuw sur la même épreuve. Il y avait là un côté plus rétro qui était sympa."
Quelle série regardez-vous en ce moment ?
"Sons of Anarchy. C’est l’histoire d’une bande de motards hors la loi, mais c’est parfois assez violent et je ne suis pas certain que cela plaira à tout le monde…"
Quelle est la première chose actuellement impossible que vous réaliserez à la fin du confinement ?
"J’aime beaucoup les glaces, ce n’est plus un secret. La crémerie proche de mon domicile est restée ouverte, mais uniquement pour assurer un service à emporter. Quand on sortira de cette période particulière, j’irai alors déguster une bonne coupe sur place, confortablement installé sur la terrasse du jardin de l’établissement pour profiter pleinement du moment (rires)."
Quelle est la première personne que vous irez revoir ?
"Un de mes meilleurs amis qui habite à cinq kilomètres de la maison. On se retrouvera sans doute chez moi pour un petit tournoi de tennis de table, ce serait sympa… (rires)."