La chronique de Jean-Marc Ghéraille : il faut supprimer le mercato d’hiver
Découvrez la chronique dominicale de notre rédacteur en chef.
/s3.amazonaws.com/arc-authors/ipmgroup/d1f3cd22-e02b-4eb2-a930-2c63dc6e6aeb.png)
Publié le 05-02-2023 à 11h02 - Mis à jour le 05-02-2023 à 11h03
:focal(1531x1029:1541x1019)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/LIFPPD3HNFCZNMNGXXAYG4ICPA.jpg)
Votre quotidien que nous espérons préféré, La Dernière Heure-Les Sports +, a publié ce jeudi 2 février un supplément (disponible sur le site www.dh.be) avec les “nouveaux “noyaux des clubs de la Jupiler Pro League. Comme chaque mercato hivernal, les déménagements de joueurs n’ont pas manqué. Rayon départs, quelques têtes d’affiche ont filé à l’anglaise comme le meilleur buteur actuel, Soulier d’Or 2021 Paul Onuachu parti de Genk à Southampton pour 18 millions d’euros ou à l’américaine pour Dante Vanzeir, goleador de l’Union Saint-Gilloise en lutte pour le titre. Côté arrivées, nous avons eu droit à tout et sans doute n’importe quoi. Même si, comme à la plus belle époque de “L’École des fans “de Jacques Martin, tous les clubs clament qu’ils ont gagné, que leur noyau est plus fort, que vous allez voir ce que vous allez voir, que bien vendre c’est aussi se renforcer (sic),… Souvent de la poudre aux yeux pour des supporters qui n’y comprennent plus rien et qui éprouvent de plus en plus de difficultés à s’identifier à des couleurs artificiellement entretenues.

Allons-y franco. Il faut supprimer ce marché aux bestiaux du mois de janvier. Même si cette proposition peut paraître complètement anachronique dans un foot business où la liberté de mouvement des joueurs fait la richesse des agents.
Primo. Ce mercato n’est qu’un sparadrap. Cela permet à de nombreux clubs qui ont foiré en été de pouvoir rectifier le tir. Tous vont piocher des éléments qui eux-mêmes sont souvent mis sur le côté ou priés de partir en espérant qu’ils vont révolutionner et/ou dynamiter une équipe en panne ou carrément en perdition. Il permet aussi aux directions de leurrer leurs supporters et de gagner du temps. En croisant les doigts, en priant tous les saints du calendrier et en brûlant des cierges…
Secundo. C’est sans doute le momentum absolu de la concurrence déloyale. Celui qui a de l’argent peut tenter le banco. Celui qui n’en a pas joue au mieux la carte de la sagesse (avec les risques qui vont avec…), au pire casse la tirelire et s’endette pour des années. Prenons les cas de Seraing et de Zulte-Waregem. Les deux équipes luttent pour sauver leur peau en D1. Elles ont toutes les deux besoin de renforts pour éviter la culbute. Pendant que le club flandrien s’offre un ex-Soulier d’Or Ruud Vormer et une valeur sûre de l’élite Christian Brüls, les Liégeois ne transfèrent… rien (sinon un réserviste du Standard). Cela nous amène au troisième volet d’un mercato où l’argent circule, où des commissions s’échangent, où tous les coups sont permis et où les amis d’hier n’existent plus : le fair-play financier.
Le déficit global actuel des clubs de D1 belges se chiffre à 140 millions d’euros. Vous avez bien lu 140. Évidemment, les sommes sont inéquitablement réparties. Néanmoins, les clubs dits sains sont connus : le Club Bruges (grâce à la Ligue des Champions), Genk grâce à son flair ces dernières années pour repérer les joueurs à fort potentiel et les (re) vendre avec une forte plus-value et Charleroi dont le business model est équivalent à celui des Limbourgeois. Tous les autres sont dans le rouge, parfois même dans le rouge vif. Voir, n’ayons pas peur de le dire, en faillite. Dans le monde “normal “des entreprises, plusieurs clubs seraient contraints de mettre la clé sous le paillasson. Comment expliquer qu’ils peuvent dépenser sans compter pour tenter de colmater les brèches sportives tout en creusant le trou financier ? Le fameux fair-play financier qui est tant bien que mal d’application sur la scène européenne ne devrait-il pas intervenir en Belgique ? Une sorte de grand comptable qui aurait un œil sur les comptes de la Pro League et qui définirait les limites dans les dépenses. Sans doute une vision utopique d’un milieu qui ne se nourrit pas de bons sentiments et flirte sans cesse avec la ligne jaune.
Dernier point : ce mercato d’hiver n’a-t-il vraiment aucun sens ? S’il abrite les indices de sa propre dérive, il peut aussi être destiné à préparer l’avenir en dénichant de jeunes joueurs à potentiel. Une demi saison peut leur permettre de s’acclimater à leur nouvel environnement. Néanmoins, tel qu’il existe actuellement et sans la moindre balise, le mercato d’hiver fausse complètement (ou peut fausser) le championnat.
Afin de ne pas tuer totalement cette période de marchandage, pourquoi n’imposerait-on pas des règles identiques pour tous les clubs. Des idées ? Trois joueurs maximum pour autant qu’ils soient compensés par trois départs, une limite d’âge pour favoriser la montée en puissance des jeunes, un fair-play financier qui empêcherait aux clubs de dépenser un argent qu’ils n’ont pas, etc. Dans un foot business qui ne fait que s’amplifier avec l’arrivée d’investisseurs étrangers de tous poils, ce sont autant de ballons d’essai qui se dégonfleront comme des baudruches.