Nico Claesen, troisième Belge à jouer en Angleterre: "On côtoyait Sting, George Michael, etc."
Nous avons rendu visite à Nico Claesen, le troisième footballeur belge qui a joué en Angleterre. "C’était un autre monde."
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Publié le 14-11-2020 à 09h42 - Mis à jour le 14-11-2020 à 17h58
La visite de l’équipe nationale anglaise rappelle bon nombre de souvenirs à notre ancien buteur Nico Claesen (58 ans). Le pire est cet Angleterre - Belgique au Mondial 1990, son dernier match comme international, où Claesen était monté au jeu pour Degryse. "Je m’apprêtais à prendre un des tirs au but, quand Platt nous a crucifiés à la 119e", dit le sympathique Limbourgeois.
Claesen garde de bien meilleurs souvenirs des deux années folles qu’il a connues à Tottenham, entre 1986 et 1988. Après Roger Van Gool (Coventry) et Swat Van der Elst (West Ham), il était le troisième Belge à évoluer en D1 anglaise.
Comment êtes-vous arrivé à Tottenham, Nico ?
"Après le Belgique - Espagne (1-1, victoire aux tirs au but) du Mondial 1986, le commentateur flamand Rik De Saedeleer m’avait mis en contact avec son collègue de la BBC. Il s’agissait de David Pleat, visiblement le coach des Spurs. Je n’étais pas intéressé. J’étais bien au Standard. Mais après mes huits buts en sept matchs en début de saison, il m’a harcelé."
L’argent vous a fait plier ?
"J’avais négocié une première fois dans un grand hôtel à Bruxelles. Ma Mercedes AMG avait d’ailleurs été vandalisée par des voyous. Puis, j’ai profité d’un jour de congé pour assister à un match de Tottenham, sans que le Standard ne le sache. Entre-temps, j’avais critiqué Michel Pavic, coach du Standard, devant tout le groupe, parce qu’il était toujours en retard aux entraînements. Finalement, ma femme m’a conseillé de demander un salaire excessif. À ma surprise, Tottenham a accepté et a payé 1,2 million d’euros au Standard."
Vous avez terminé 3e derrière Everton et Liverpool, et avez perdu la finale de la FA Cup.
"On avait une terrible équipe. Les 22 joueurs du noyau étaient internationaux. Les plus connus : Clemence, Ardiles, Waddle, Hoddle et le buteur Clive Allen (NdlR : 33 buts, cette saison). Vu que Pleat jouait avec un attaquant, j’étais le joker de service. J’ai quand même marqué une quinzaine de buts (huit en championnat), mais j’étais trop impatient. La seconde saison était encore plus surréaliste."
Racontez.
"Après quelques matchs, Pleat a été viré à cause d’une histoire de prostituées (NdlR : le journal The Sun l’a photographié pendant qu’il racolait des prostituées depuis sa voiture). Tottenham a engagé Terry Venables, qui venait de Barcelone. Il avait pris Gary Lineker avec lui, et la saison d’après, Paul Gascoigne a rejoint les Spurs. Gascoigne était déjà bien connu à Londres, et notamment dans le bar de Samantha Fox (NdlR : la chanteuse pin up la plus connue de cette époque), à 500 mètres du stade. Il y buvait ses grandes bières d’une traite en prenant le verre avec les dents. Il se vantait aussi du nombre de femmes avec qui il avait couché la nuit d’avant. Quand il disait qu’il avait battu son record, on savait ce qu’il voulait dire."
Vous avez aussi connu la vie nocturne à Londres.
"Bien sûr. Il n’y en avait que deux qui ne sortaient jamais : Lineker et Hoddle. Le reste du groupe était invité partout. On a été à des concerts de Madonna, de Lionel Richie, d’Eros Ramazzotti, à la première du film Fatal Attraction. Au drink, je me retrouvais entre des stars mondiales comme Michael Douglas et Glenn Close. Et on rentrait dans des discothèques privées où il fallait payer 5 000 livres de cotisation par an. On y côtoyait des chanteurs de renommée mondiale comme Sting, Tom Jones et George Michael. Ce dernier, ma femme l’a croisé dans les toilettes… pour dames (rires)."
Votre femme pouvait vous accompagner.
"Oui. Mais elle ne pouvait pas dire aux autres femmes de joueurs qu’elle faisait à manger pour moi. C’est ce que mes coéquipiers m’avaient demandé. Leurs épouses ne devaient rien faire, elles étaient chouchoutées, et elles devaient se faire belles."
Le public de Tottenham vous aimait bien ?
"Oui. Quand j’ai marqué mon premier but à White Hart Lane (NdlR : lors d’un 3-0 contre Aston Villa), il s’est mis à chanter la chanson ‘Nikita’ d’Elton John, une allusion à mon prénom. J’avais la chair de poule. J’ai d’ailleurs encore une autre anecdote au sujet d’Elton John, qui était président de Watford."
Allez-y.
"Nous avions perdu à Watford. Et comme après chaque match, les deux équipes mangeaient un bout dans le players’ lounge, le local pour joueurs. Tout à coup, Elton John est rentré et s’est mis à chanter, pour remercier ses joueurs d’avoir gagné le derby. Quelle voix !"
Pourquoi avez-vous quitté Tottenham pour l’Antwerp ?
"Je ne jouais pas assez. Et notre équipe n’était pas assez disciplinée. Venables n’avait aucune autorité. Quand certains joueurs n’avaient pas envie de s’échauffer avant un match, ils jouaient à la baballe dans la douche. West Ham voulait me donner le même contrat, mais j’avais le Mondial 1990 en tête. Il fallait que je joue. Et l’Antwerp avait de l’argent. Ils ont payé 1,5 million à Tottenham."
"Klinsmann et Ardiles sont restés des amis"
L’un des plus grands exploits de Claesen : son titre de meilleur buteur du championnat à Seraing, en 1983-1984. Il avait inscrit 27 buts ; les clubs faisaient la file. "Je jouais en pointe avec Jules Bocande. Puis, Seraing a fait faillite. Le curateur voulait que j’aille à Bruges, qui offrait plus d’argent que les clubs étrangers ! J’ai même refusé le PSG, parce que je ne connaissais pas le championnat français. J’ai signé à Stuttgart, qui était champion d’Allemagne et où je connaissais Sigurvinsson, qui avait joué au Standard. Et je suivais ce championnat grâce au Sportschau de la chaîne allemande. Cette même année, Jürgen Klinsmann a été transféré à Stuttgart. On formait un bon duo ; nous sommes restés amis. Chaque année, on s’appelle quelques fois. À la fin de l’année passée, je suis allé le voir à Berlin, où il était entraîneur du Hertha. Quant aux joueurs de Tottenham, je suis longtemps resté en contact avec l’Argentin Ardiles. Et les Spurs m’ont invité en 2017 à l’occasion du match d’Europa League entre Tottenham et Gand. Ils m’ont interviewé dans le rond central à Wembley."
"J’étais le seul à vouloir tirer contre l’Espagne"
Claesen était l’homme du quatrième but contre l’URSS au Mexique et il a entamé la série de tirs au but face aux Espagnols.
Qui dit Claesen, dit évidemment les Diables rouges. En tout, il a joué 36 matchs en équipe nationale et a marqué 12 buts, dont deux triplés, au Luxembourg (0-6) et contre l’Écosse (4-1). "Hélas!, ces buts n’ont pas suffi pour nous qualifier pour l’Euro 88", se souvient-il.
Mais Claesen a quand même participé à trois grands tournois: l’Euro 84, le Mondial 86 et le Mondial 90. Son but le plus historique est celui contre l’URSS (4-3 après prolongations), au Mexique. "Ce n’était pas facile de reprendre cette balle en flèche de Clijsters en un temps, avec le dos au but", explique Claesen. "J’ai suivi mon instinct ; cela a bien tourné. J’ai essayé à l’entraînement, par après. Je n’y suis plus parvenu."
Deux autres buts de Claesen à ce Mondial ont été moins médiatisés, mais étaient aussi importants : son penalty contre l’Irak (2-1) et son tir au but - le premier - contre l’Espagne, en quarts de finale. "J’étais le tireur numéro 1 des Diables", dit-il. "J’avais beaucoup de sang-froid. Je me souviens d’un entraînement au Mexique où j’en avais marqué 20 sur 20. Guy Thys se fichait des noms. Il disait à Scifo que les penaltys seraient pour moi. Enzo ne s’y est pas opposé. Contre l’Espagne, j’étais le seul candidat pour prendre un tir au but. Les autres tireurs, Thys a dû les désigner. J’ai pris le premier, qui était en fait le plus important."
Claesen ne cache pas que les Diables ont bien profité de la vie entre les matchs, au Mexique. "Il n’y avait qu’un joueur qui ne sortait pas : Clijsters. Thys acceptait qu’on aille boire un verre la nuit. Et quand on rentrait vers quatre heures du matin, il était encore au bar avec son cigare et un whisky en main. La seule chose qu’il disait était : ‘Entraînement à 10 heures, les gars.’ Ceux qui ne se donnaient pas à fond avaient affaire à lui."
Claesen sourit quand on lui demande des anecdotes. "Ah… Il y en a tellement. Demandez à mon ami Philippe Desmet. Moi, j’aimais charrier Jean-Marie Pfaff. Il avait une photo de famille à côté de son lit. Je lui disais : ‘Tu vas prendre la photo de Carmen avec toi au bar, tantôt ? ’ Jean-Marie appréciait mes blagues. J’étais bien aimé. Leo Van der Elst, Ceulemans, Gerets : on s’appelle encore régulièrement. On était une bande de camarades ; c’était notre force."
"Renquin m’a bien eu avec son chien"
En septembre 1985, Claesen a quitté Stuttgart pour rejoindre le Standard, qui était en crise. Il n’y est resté qu’une saison - le Standard a terminé troisième - et a inscrit 11 buts. Mais il a gardé des souvenirs inoubliables de Sclessin. "Michel Renquin était, est toujours, l’un de mes amis. Ah, Michel… Il voulait absolument un bouledogue. Ma femme lui en a trouvé un. Cette bête n’a pas cessé de faire caca dans mon coffre lors du trajet entre le Limbourg et Liège. Quelques jours plus tard, avant un entraînement, Michel me refilait son chien. Son enfant était allergique à cette bête. J’ai dû trouver un asile qui voulait bien s’occuper de lui. Il m’a bien eu sur le coup, Michel !"
Il est maçon : "J’ai bâti 30 à 40 maisons"
À 58 ans, on ne voit pas Alderweireld travailler comme maçon. Claesen, lui, se lève à 6 heures pour partir sur son chantier. "Je ne pourrais pas rester dans mon fauteuil", dit-il. "Je pèserais 100 kilos. La construction est une passion. J’ai construit notre chemin à pavés quand j’avais 10 ans. Pendant ma carrière, je rentrais vite à la maison pour aider mon beau-père, Lucien Monnissen, dans sa société de construction. Combien de maisons j’ai déjà bâties ? 30 ? 40 ? Plus des blocs d’appartements. J’ai vendu quatre ou cinq maisons dans lesquelles nous avons habité." Claesen a été T1 pendant quelques années - notamment à Eupen en 2008. Il n’est plus très actif dans le foot. "Je conseille quelques jeunes de Lommel et Saint-Trond."