Premier entretien avec Tedesco, le nouveau coach des Diables : “Je ne sais pas encore si De Bruyne va continuer”
Domenico Tedesco (37 ans) dévoilera sa première sélection dans un mois, déjà. Les questions se bousculent mais il n’a pas encore toutes les réponses, même s’il compte sur les anciens parmi les (environ) 130 Belges qu’il suit.
Publié le 17-02-2023 à 19h00
Neuf jours après sa présentation, deux jours après sa prise de fonction officielle et à un mois de sa première sélection, Domenico Tedesco a reçu la presse écrite et audiovisuelle, au centre technique nationale de Tubize, ce vendredi. Un exercice médiatique de près de trois heures, lors duquel le nouveau sélectionneur a pris la peine de répondre de manière séparée aux télévisions et à la presse écrite, du Nord et du Sud du pays.
L’agenda de Tedesco est déjà bien rempli, puisque, après cette séance d’interviews, il a assisté à Malines – Genk (”Pas seulement pour voir Heynen, il y a d’autres joueurs intéressants”). Ce week-end, il sera à Antwerp – Eupen et à Union – Standard, samedi, puis il assistera au derby brugeois et à Courtrai – Anderlecht, dimanche. Ses voyages à l’étranger ne sont pas pour tout de suite, mais il compte aller voir le derby de Madrid, samedi prochain. “Je n’ai pas prévu d’aller tout de suite en Angleterre”, a-t-il précisé.
Avez-vous rencontré les cadres de l’équipe ?
”Je me suis présenté aux joueurs principaux, aux sept capitaines, Thibaut Courtois, Toby Alderweireld, Jan Vertonghen, Axel Witsel, Kevin De Bruyne, Dries Mertens et Romelu Lukaku, via un message. Cela veut-il dire qu’ils sont toujours disponibles pour la sélection ? Je me suis seulement présenté, je ne sais pas encore s’ils continueront ou non. Je suis complètement ouvert. J’ai besoin de temps pour rencontrer et voir les joueurs. Le sujet Eden Hazard n’en est plus un pour moi, j’accepte sa retraite. Quant au capitanat, il n’est pas encore défini. Un gardien ? Je l’ai fait deux fois, à Schalke (avec Ralf Fahrmann) et avec (Peter) Gulacsi (à Leipzig). Je suis ouvert sur le sujet. Pour être capitaine, il faut plusieurs choses. Il doit être un leader, capable de parler sur des sujets qui ne sont pas toujours confortables, aussi. Parfois, quand quelque chose ne va pas, on doit pouvoir en parler. Il ne faut pas être timide, il faut de la personnalité, c’est la base.”
"J'ai envoyé un message pour me présenter aux sept capitaines: Courtois, Alderweireld, Vertonghen, Witsel, De Bruyne, Mertens et Lukaku."
Comment allez-vous gérer la déception de la Coupe du monde et la forte personnalité des stars de l’équipe ?
”J’ai quelques idées, mais c’est encore trop tôt pour en parler. Mon idée est de rencontrer les gars qui ont pris part à la Coupe du monde, de voir le feeling, la structure. Je vais écouter pour avoir des opinions, puis je prendrai mes décisions. La Coupe du monde a été une déception mais ce serait trop facile de dire qu’on va tout changer parce que cela a été mauvais. Ce n’est pas vrai. Si j’étais gentil dans ma gestion des stars, je serais en difficulté. Ce n’est pas dans mon caractère. Je suis un gars normal, pas un gars spécial, d’autres sont des Special One. J’ai géré des joueurs importants par le passé comme Goretzka, Moses ou Gvardiol. Si j’ai un jeune né en 2005, je le traite de la même manière que la grande star. Évidemment un joueur de 34 ans ne doit pas toujours être au pressing à fond, faire les exercices à fond à la salle de gym, il faut aussi regarder chacun et ce qui est important.”
"J'ai déjà géré des joueurs importants comme Goretzka, Moses ou Gvardiol. Je les traite de la même manière qu'un jeune né en 2005."
Faut-il s’attendre à des surprises pour votre première sélection ?
”Qu’est-ce qu’une surprise pour vous ? Un joueur sans 'cap' ? Mon idée n’est pas de surprendre et dire après 'Ah je les ai eus, je suis allé chercher quelqu’un qu’ils n’attendaient pas.' Ce n’est pas réaliste. La base de notre décision doit passer par la réflexion sur la meilleure équipe et le meilleur groupe possible pour battre la Suède (lors du premier match de qualifications pour l’Euro 2024). On suit environ 130 joueurs, dont la moitié, peut-être un peu moins, est issue de Pro League. Il y a un bon mixte en Belgique entre les jeunes talents et les gars expérimentés. On a aussi des joueurs qui ont 26-27 ans, c’est très intéressant.”
"On suit environ 130 joueurs dont la moitié, peut-être un peu moins, est issue de Pro League."
Quel système tactique allez-vous utiliser ?
”Je vais toujours choisir les meilleurs joueurs. Je ne vais pas faire ma sélection en fonction de mes options tactiques. J’ai mon identité. J’adore le jeu de possession, l’attaque, mais pas seulement. La défense est importante pour la structure et pour bloquer les contre-attaques. Je peux m’adapter. Un exemple : si je joue en 4-3-3 avec un attaquant, mais que je vois qu’il y a deux top attaquants, je change et je joue en 4-4-2. La défense à trois ou à quatre ? Les joueurs savent évoluer dans les deux systèmes, mais si j’ai plusieurs défenseurs centraux et un bon feeling, je joue avec trois défenseurs. Si j’ai du monde au milieu, je peux passer dans un milieu en losange. Le système peut être adapté, mais la philosophie de jeu reste la même.”
"J'ai mon identité: j'adore le jeu de possession, l'attaque."
Pourquoi n’êtes-vous jamais resté plus de deux ans au même endroit ?
“C’est vrai, même si j’ai quand même passé douze ans comme entraîneur des jeunes à Stuttgart. Il y a chaque fois une raison mais ce n’est jamais la même. Quand j’ai quitté les jeunes de Stuttgart pour l’équipe première à Aue, j’ai sauvé l’équipe de la relégation. Je voulais rester mais j’ai eu l’opportunité d’aller à Schalke. J’ai décidé d’accepter via une option dans mon contrat. À Schalke, la première saison a été très bonne, pas la seconde et j’ai été viré. Puis je suis allé au Spartak Moscou, en octobre. On était onzième et on est remonté à la septième place. La saison suivante, on a fini deuxième. Je me plaisais beaucoup, l’équipe était très bonne et la direction voulait prolonger mon contrat. C’est là que le Covid est arrivé. Je n’ai pas pu voir ma famille pendant cinq mois. J’ai donc décidé de stopper mon contrat pour rentrer en Allemagne. Puis j’ai signé à Leipzig. Le succès a été immédiat avec une quatrième place qui nous qualifiait pour la Ligue des champions. On a aussi gagné la Coupe et on a atteint les demi-finales d’Europa League. Mais pendant la trêve estivale, les dirigeants avaient d’autres idées que moi pour les transferts. Mon opinion ne comptait pas pour eux. J’ai quand même voulu attendre septembre pour voir l’équipe après le mercato. On a fait deux nuls pour commencer le championnat et je sentais que la direction était nerveuse. C’était le début de la fin. Me voilà maintenant en Belgique et j’espère rester plus longtemps ici. ”

Avez-vous déjà choisi votre staff ?
“Oui mais ça ne sera fixé officiellement que dans quelques jours. Je ne veux pas un staff trop large. Vermaelen ? Je pouvais choisir mon staff et je ne le connais pas (NdlR : la fédération discute toujours avec Thomas Vermaelen pour lui confier un autre rôle au sein de la fédération). Je ne l’ai même jamais rencontré. Je suis assez surpris, ça n’a jamais été une possibilité. Normalement, il n’y aura pas de Belge dans le staff avec moi. J’ai déjà Frankie Vercauteren et Jacky Mathijssen (NdlR : l’entraîneur des U21) pour m’aider et me donner plein d’informations. Parfois, c’est mieux de ne pas avoir un ancien du groupe dans le staff. Quand tu commences un nouveau job, tu n’as pas envie que celui que tu remplaces soit encore là. Je n’ai pas non plus téléphoné à Roberto Martinez et lui demandant ce qu’il pense d’Hugo Cuypers (sic). Je voulais me faire ma propre opinion. ”
"Normalement, il n'y aura pas de Belge dans mon staff. Il n'a jamais été question de garder Vermaelen."
Frankie Vercauteren aura-t-il un droit de regard sur votre sélection ?
“Mon job n’est pas un one man show. J’ai un très bon feeling avec Frankie. C’est un bon gars qui a de l’humour. J’apprécie de travailler avec lui. Il a été coach et c’est très important. Il connaît les questions que j’ai pu avoir au sujet des joueurs, qu’il connaît bien et qu’il a même entraîné pour certains. Il a une parfaite connaissance de leur caractère. On va toujours inclure Frankie dans la réflexion, et on va travailler avec Jacky (Mathijssen). On a eu une réunion de deux heures, c’était très bien. Jacky, il sait tout et il dit la vérité. ”

Existe-t-il une clause pour prolonger votre contrat au-delà de l’Euro 2024 ?
“J’ai un contrat de deux ans sans option. La fédération m’a demandé de travailler jusqu’à l’Euro. C’est normal, on ne me connaît pas super bien. C’est ma première fois dans le football de nations. Et je ne connais pas encore bien les gens de la fédération. Mais si vous me le demandez maintenant, après avoir eu ma première impression, je veux rester le plus longtemps possible ici. Je me sens très bien ici. ”
"Dans mon contrat, il n'y a pas de clause de prolongation au-delà de l'Euro 2024."
Allez-vous vivre en Belgique ?
“Je vais me partager entre la Belgique et Stuttgart, où vit ma famille. Ce sera fifty-fifty. Quand je serai en Belgique, j’habiterai à l’hôtel du centre national de Tubize. C’est un chouette endroit. Je peux me lever à 7h et être au boulot à 7h15 (sourire). C’est la meilleure solution. C’est un avantage de ce job, par rapport à un club. Quand j’étais à Leipzig, on jouait le championnat, la Coupe et l’Europa League jusqu’en demi-finale. Le rythme était fou. Ici, j’aurai des semaines intenses pendant les rassemblements mais j’aurai aussi des moments plus calmes. Pas maintenant mais entre mars et juin, par exemple. ”
"Je vais vivre à moitié à l'hôtel des Diables à Tubize et à moitié avec ma famille à Stuttgart."
Comptez-vous apprendre le français ?
”(Il répond en français) Je le parle un peu mais je préfère l’anglais. J’ai appris le français à l’école, c’est assez similaire à l’italien. Je ne comprends pas tout et il faut me parler lentement. Donc parlez-moi en anglais pendant les conférences de presse svp (rires). J’étais déjà venu en Belgique dans le passé. Je me souviens d’un tournoi de jeunes à Wévercé (NdlR : un village germanophone près de Malmedy). J’y étais venu deux fois avec les U13 de Stuttgart. Le coach avait le privilège de pouvoir dormir dans la maison du président Helmut Schumacher. Il était très drôle. ”