L’incroyable densité de la génération 92 chez les gardiens : “Courtois n’est pas là et ce n’est même pas un gros souci dans notre petit pays”
Comme Thibaut Courtois blessé, les gardiens Koen Casteels, Thomas Kaminski et Matz Sels, qui rêvent de remplacer la star du Real chez les Diables, sont nés en 1992. Un phénomène étonnant qui a une explication.
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- Publié le 09-09-2023 à 07h33
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Mais que s’est-il passé en 1992 dans les provinces flamandes ? En l’espace de huit mois, quatre enfants sont nés avec des aptitudes semblables assez exceptionnelles : défendre une cage sur un terrain de football.
Il y a d’abord eu le petit Matz Sels en février 92 à Lint (Anvers). Puis le petit Thibaut Courtois en mai 92 à Bree (Limbourg). Ensuite, le petit Koen Casteels en juin 92 à Bonheiden (Anvers). Et, enfin, le petit Thomas Kaminski en octobre 92 à Termonde (Flandre Orientale).
Tous ont grandi. Bien grandi même. De 188 à 200 centimètres. Aujourd’hui, ils défendent chacun le but dans un grand championnat européen. Courtois en Liga (Real Madrid), Casteels en Bundesliga (Wolfsburg), Sels en Ligue 1 (Strasbourg) et Kaminski en Premier League (Luton Town).

Le premier nommé est blessé jusqu’en 2024 et les trois autres vont se disputer sa place de titulaire chez les Diables. Ce n’est pas faire injure à Arnaud Bodart (25 ans) d’affirmer qu’il est le quatrième dans la hiérarchie des gardiens repris par Domenico Tedesco pour ce rassemblement de septembre.
"Le plus fort à l'époque des Espoirs, c'était Thomas Kaminski."
Cette densité rare au même poste dans la même génération est une bénédiction pour notre équipe nationale. Même avec la blessure du meilleur d’entre eux (et sans doute meilleur du monde), on ne se tracasse pas vraiment. “C’est fou de se dire que Courtois est blessé mais qu’on n’a pas trop de souci à se faire dans un si petit pays que la Belgique”, rigole Théo Defourny, le gardien du RWDM, lui aussi natif de 1992 et qui a côtoyé les phénomènes chez les jeunes.
On ne va pas chercher à créer un suspense là où il n’y en a pas : le remplaçant de Courtois pour les prochaines rencontres des Diables s’appelle Casteels. “C’est lui qui le mérite le plus, estime Filip De Wilde, qui a connu cette génération 1992 quand il entraînait les Espoirs. Je ne pense pas que le choix de Tedesco a été très difficile. Casteels est numéro un en Bundesliga depuis quasiment dix ans. Il faut se rendre compte à quel point c’est une performance. ”
Quand il était chez les U21, De Wilde n’aura pourtant pas misé sur le portier de Wolfsburg. “Le plus fort à cette époque-là, c’était Kaminski. Il était vraiment ultra-talentueux. Il avait tout du gardien idéal. ”
Casteels vite mûr, Sels avait un potentiel moins fort
Un constat déjà tiré plus tôt. Lors du tout premier appel international chez les U15 pour la génération 1992, la fédération fait le tour des gardiens belges. Et le début mars 2007, elle convoque deux gamins : Casteels et Kaminski. C’est la promesse de La Gantoise : Kaminski (même s’il ne percera pas en A là-bas et fera ses débuts pros avec le Beerschot) qui joue les deux fois, les 13 et 15 mars contre le pays de Galles. Le talent de Genk : Casteels reste sur le banc.
Defourny, qui suit sa formation à Lyon, n’arrivera que quelques mois plus tard dans le giron des équipes nationales de jeunes et n’est pas surpris. “À l’OL, j’entendais parler de ces deux gardiens. C’est Kaminski qui avait la plus grosse cote. À partir des U18, je dois dire que Casteels a commencé à m’impressionner. On voyait qu’il était déjà prêt à jouer au niveau pro. Il avait la posture d’un gardien de D1. Sa formation semblait déjà finie. ”
À cette époque, Sels est vu avec un potentiel moindre mais intéressant quand même. “Il avait déjà beaucoup de caractère, se souvient De Wilde. Et ça l’a aidé à faire les bons choix dans sa carrière, notamment quand il a refusé de prolonger au Lierse, que le club lui a mis la pression et qu’il n’a pas cédé. C’est aussi ce qui explique l’évolution d’un gardien. Kaminski avait plus de talent pur mais il n’y a pas que ça qui détermine la carrière pro. Les choix, l’intelligence… Tout ça fait aussi partie du package. ”
Coosemans avait une meilleure cote que Courtois chez les jeunes
Et Courtois dans tout ça ? On n’a pas oublié de mentionner sa carrière en équipe nationale et elle est juste inexistante ou presque. “C’est fou de se dire ça aujourd’hui, reprend Defourny. À Genk, on ne parlait que de Casteels. Je n’ai d’ailleurs jamais croisé Courtois en équipe de jeunes. Un garçon comme Colin Coosemans (NdlR : lui aussi natif de 1992) avait une meilleure cote que lui. ”
Si Sels n’est repris la première fois qu’en U17, Courtois doit carrément attendre les U18, une catégorie intermédiaire. Une sorte de noyau B des talents. Le 16 septembre 2009, il connaît sa première cap en remplaçant Sels à la pause face à Luxembourg. Trois autres suivront l’année suivante puis il passera directement chez les A, avec le parcours que l’on connaît. “C’est une trajectoire hors norme, imprévisible, explique De Wilde. Il n’avait jamais été le premier choix mais quand la chance est arrivée, il a sauté dessus. ”
"Quand tu es un petit pays, il faut des idées pour être au top. La Belgique a eu ça pour ses gardiens."
On pourrait imaginer que ne pas avoir remarqué Courtois chez les jeunes de la génération 1992 est une erreur. “Mais ce serait faux de penser ça, poursuit De Wilde. Le travail qui a été fait avec les 1992 était très bon. C’est l’une des premières générations qui a bénéficié d’une formation repensée à la fédération chez les gardiens. Et on en récolte les fruits aujourd’hui avec plusieurs très grands gardiens. Mais tu ne peux évidemment pas avoir autant de talents chaque année. Il y a une part d’inné et de chance. ”
Defourny confirme le bon boulot de la fédération avec ses gardiens. “Il y a vraiment un changement à notre époque. La fédération a décidé de miser sur un autre moule de gardiens, où la taille entrait plus en compte que dans le passé. Il y avait aussi le travail du jeu aux pieds. À ce moment-là, on n’était pourtant pas sur la mode des grands gardiens qui savent construire le jeu. Il y a eu une belle anticipation de la Belgique à ce niveau. Quand tu es un petit pays, il faut des idées si tu veux être au top. Ce n’est pas un hasard si tu as aujourd’hui autant de bons gardiens en équipe nationale. Pendant toute une période, les gardiens de la génération 1992 ont pu se partager les caps des U15 aux U19. À partir des U20, les sélections commençaient seulement à se faire la base des prestations pures. Ça a permis à plusieurs garçons de prendre de l’expérience et de faire partie du projet. ”
Un projet qui a évolué aujourd’hui : la génération 92 des gardiens doit aider les Diables à se qualifier pour l’Euro. Puis peut-être à le jouer si le gardien du Real Madrid ne revient pas après sa bouderie du brassard.