Okazaki, le champion d’Angleterre de Saint-Trond, se raconte : “Wasyl était impossible à suivre quand il buvait de l’alcool”
Champion d’Angleterre avec Leicester et légende du football japonais, Shinji Okazaki (36 ans) finit sa carrière à Saint-Trond. On lui a soumis dix photos et on l’a laissé raconter ses souvenirs, parfois surprenants.
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Publié le 11-02-2023 à 10h06
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On peut avoir été champion d’Angleterre et rester un gars tout simple. Quand on débarque au centre d’entraînement de Saint-Trond, une petite heure avant la séance du jour des hommes de Bernd Hollerbach, Shinji Okazaki sort d’une petite pièce pour nous accueillir, une tasse de thé à la main. “Ça va faire du bien avec le froid. Mais je crains surtout l’entraînement. Notre coach est le plus dur que j’ai eu de toute ma carrière. Il paraît que seul Felix Magath était encore plus exigeant sur le plan physique en Allemagne.”
Avant de le laisser suer, on a proposé un jeu à celui qui avait soulevé le trophée de la Premier League en 2015 avec Leicester : dix photos posées sur la table de l’un des petits vestiaires. À lui de les retourner et de les commenter. “Ah c’est sympa comme truc. Allons-y.”

Slimani avec le maillot d’Anderlecht : “J’avais peur de lui à Leicester.”
“Ah Islam, j’ai joué deux ans avec lui à Leicester. Je peux le dire aujourd’hui : j’avais peur de lui quand il est arrivé. Il marquait plein de buts au Portugal et il venait clairement pour me concurrencer. Et le club avait déjà acheté Musa juste avant. Je me demandais si j’allais encore jouer. J’étais un peu fâché. Je trouvais que ce n’est pas une grande marque de respect pour moi. J’étais dans l’équipe championne d’Angleterre et on me mettait subitement deux autres attaquants dans les pattes. D’ailleurs, pour le premier match de la saison en Ligue des champions, à Bruges, Islam est titulaire et moi en tribunes. J’avais tellement rêvé de cette compétition. J’étais triste. Mais Islam est un bon attaquant. Son seul souci à Leicester, c’était Jamie Vardy, la légende. Il avait besoin d’un second attaquant en soutien, mais Islam est un avant-centre comme lui. Ça ne marchait pas super bien. Je suis surpris de retrouver Islam à Anderlecht maintenant.”

Tuchel avec la Ligue des champions : “Le meilleur entraîneur de ma carrière.”
“Je l’ai eu à Mayence, au début de ma carrière pro. Il reste encore aujourd’hui mon meilleur entraîneur. Quand je suis arrivé du Japon à Stuttgart (en 2010), j’avais du mal à m’adapter. On me faisait jouer sur le flanc et j’avais parfois du mal avec l’intensité de la Bundesliga. Puis un jour, j’ai reçu un appel de Tuchel. Il venait de me voir à la Coupe des confédérations et il me voulait à Mayence. J’ai signé là en 2013 et ça a tout changé. Il a compris qu’il me manquait de la confiance. Il me poussait à oser. Il ne parle pas beaucoup, mais il sait trouver les moments pour te dépasser. Il sait aussi se mettre en colère (rires). Avec lui, les équipes jouent du beau football. C’est toujours sa marque de fabrique, même à Chelsea. Quand il a gagné la Ligue des champions, je n’étais pas surpris.”

Wasilewki avec le maillot de Leicester : “On s’est battus quelques fois à l’entraînement.”
“Oh Marcin ! À l’entraînement, il était souvent contre moi et on s’est déjà battus quelques fois (rires). Je peux être assez nerveux, mais je ne me bats que sur le terrain. Lui, il peut se battre n’importe où et il est plus fort que moi. Mais je dis ça avec beaucoup d’affection parce que c’est un chouette gars.”
L’attaché de presse de Saint-Trond intervient : “Quand il jouait à Anderlecht, Wasilewski a un jour mis un coup de poing à Peter Delorge (le team manager actuel). On avait dû l’emmener à l’hôpital.”
“Vraiment ? Je ne savais pas qu’il avait joué à Anderlecht. Il a un tatouage du club sur sa jambe ? Oh, il a tellement de tatouages qu’on ne s’y retrouve plus (rires). Mais l’anecdote avec Peter ne m’étonne pas. Sur le terrain, il pouvait être très agressif. Il a une mentalité très différente des Japonais, il est très fier. Et puis, quand on sortait avec l’équipe, il était impossible à suivre quand on buvait de l’alcool. Un fou, incroyable ! ”

Tielemans à Leicester : “Tout le monde peut apprendre de Youri.”
“Youri est arrivé à Leicester un peu avant que je parte. On n’a pas beaucoup joué ensemble, mais il m’a impressionné. À part sa frappe de balle, il n’a aucune qualité qui sort du lot, mais il sait tout faire. Il n’est pas le plus rapide, mais il peut courir vite. Il n’est pas le plus puissant, mais il est dur à bouger. On peut continuer avec toutes les qualités d’un footballeur. Tout le monde peut apprendre quelque chose de lui.”

Le but de Chadli contre le Japon : “Le Japon est devenu meilleur grâce à lui.”
“Oh, ce but à la Coupe du monde 2018… J’étais sur le banc à ce moment-là, je m’étais blessé à la fin de la phase de groupes. C’est une terrible déception, mais aujourd’hui, il reste la leçon. Ce but a aidé le Japon à devenir une meilleure équipe. On a fait notre meilleur match du tournoi contre la Belgique. Je pense qu’on méritait de gagner, mais on s’est enflammés. On a oublié qu’on jouait contre le numéro un mondial. Sur le corner, on joue le coup à fond pour marquer avant les prolongations et on prend un contre derrière. On aurait dû être plus prudents. La tristesse était terrible les jours qui ont suivi. Cette image de Chadli qui marque est très connue au Japon. Mais Chadli n’est pas détesté pour autant chez nous. Il peut se balader à Tokyo et personne ne viendra l’embêter.”

Messi avec la Coupe du monde : “Ce gars n’est pas humain, mais j’ai marqué.”
“J’étais super-content quand il a gagné la Coupe du monde. Ce gars n’est pas vraiment humain et c’est super qu’il gagne le plus beau trophée du foot. Mais je peux quand même dire que j’ai marqué contre Messi (rires). C’était un match amical en 2010. J’ai mis l’unique but du match. Un joli souvenir. Je n’ai pas demandé son maillot, je change juste en club quand je croise un autre Japonais.”

Gomez avec le maillot de City : “Il m’impressionnait quand on était en D2 espagnole”
“Sergio ! J’ai joué deux ans avec lui à Huesca en Espagne, en D2 puis en D1. À cette époque, il jouait à plusieurs positions. Un coup au milieu, un coup back gauche, un coup ailier. Mais quand il était sur le flanc, il m’impressionnait. Il courait sans arrêt et envoyait toujours des super centres. Je me suis toujours dit qu’il avait un gros potentiel. Il joue le foot que j’aime. Je regardais toujours ce qu’il faisait avec son club par la suite. Quand il était à Anderlecht, il donnait quasi tous les assists. Peut-être que je n’imaginais pas qu’il irait directement à Manchester City, mais il a les qualités pour jouer à un haut niveau.”

Ranieri avec la Premier League : “J’ai bien fait de ne pas aller à Gladbach.”
“Ah Mister. On l’appelait ainsi à Leicester, comme en Italie. Ce titre de champion était à la fois le plus beau souvenir de ma carrière et la plus grande surprise. Il y a quelque chose qui nous lie à vie à Leicester. Il y a deux jours, une équipe de communication du club est venue me suivre à Saint-Trond. On n’oublie pas les joueurs de cette saison. Je crois que la Terre entière était derrière Leicester cette saison-là. Au Japon, les gens étaient très fiers que je sois dans l’équipe. Pourtant, il y avait eu des critiques quand j’avais choisi Leicester après mon passage à Mayence. Mönchengladbach me voulait aussi et ça semblait un choix plus logique pour plein de gens. Mais la Premier League me faisait rêver. J’ai bien fait de suivre mon instinct. Tous mes souvenirs du titre et de Leicester sont dans l’académie de foot que j’ai ouverte à Kobe.”

Okazaki qui célèbre un but contre les Diables : “Désolé, mais ça ne me rappelle rien.”
“J’ai marqué deux fois contre la Belgique, en amical. Mais je dois vous dire que je n’ai pas beaucoup de souvenirs de ces buts, je suis désolé (rires). J’ai eu la chance de marquer beaucoup de buts avec le Japon. Je suis le meilleur buteur en activité (50 buts). Je suis fier de ma carrière. Je n’étais pas un talent fou. J’ai toujours eu besoin des autres pour marquer. Je ne vais pas faire un truc tout seul qui change le match. Mais le foot, c’est un sport collectif.”

Miura, le plus vieux joueur du monde : “Il a inspiré Olive et Tom, mais il y a de meilleurs mangas foot”
“Je respecte ce qu’il fait. Il va avoir 56 ans, il vient de signer dans un club portugais (NdlR : Oliveirense en D2). C’est dingue. À son âge, je n’aurais plus envie de m’entraîner, c’est sûr (rires). Il y a un peu de marketing dans tout ça, mais bravo quand même. C’est une légende au pays. Je l’ai affronté une fois dans le championnat japonais. J’étais tout jeune et lui déjà âgé. Et pourtant, je pourrais arrêter ma carrière avant lui. Enfin, j’espère encore jouer en Europe jusqu’à 40 ans puis finir quelques saisons au Japon. On dit que Miura a inspiré le personnage de Captain Tsubasa (Olive et Tom en VF). J’ai remarqué que c’était le seul manga de foot qu’on connaissait en Europe, mais il y en a plein d’autres au Japon. Des mieux. J’adore Shoot. Et je conseille un manga devenu une série animée : Blue Lock. C’est sur Netflix. ”