La maman de Killian Sardella se confie : “À cause de son problème au mollet, ses pieds dormaient pendant le match”
Cécile Mbamba, la mère de Killian Sardella, raconte comment son fils est passé de la galère à un poste de titulaire.
Publié le 16-02-2023 à 06h43 - Mis à jour le 16-02-2023 à 10h49
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Le café noir est serré. Il est certainement à la base de l’énergie de Cécile Mbamba. La mère de Killian Sardella nous a invités dans son deuxième chez elle, au Natural caffè sur l’avenue Louise à Bruxelles.
Rien ne montre que l’établissement appartient à la famille d’un footballeur d’Anderlecht. Cécile Mbamba préfère exposer des artistes locaux plutôt que de faire la promotion du ballon rond. N’y voyez pas un rejet du football. Au contraire, la mère du numéro 54 du RSCA ne loupe pas une miette des exploits de son fils. Difficile de rêver d’un meilleur témoin pour retracer par épisodes plus de trois ans de hauts et de bas. Monologue.
“Il voyait chaque match comme un examen”
“Je revois Killian jouer avec la tête haute depuis le début d’année 2023. Il se dit qu’il n’a plus rien à perdre. Il a été fort critiqué et a passé deux ans sans jouer. Il profite de chaque instant sur le terrain, c’est sa manière d’évacuer la pression. Par le passé, chaque match était un examen. Il se disait : ‘Je dois être le meilleur, car si je fais un mauvais match, je sors de l’équipe.' C’est dans sa nature, il aime le contrôle et l’excellence. Parfois, jusqu’à l’extrême. C’est une force et une faiblesse. Il fera toujours bien les choses, mais se met trop de pression. Le Killian que je vois sur le terrain n’a pas encore montré son vrai niveau. Il joue très sobrement. Quand il sera totalement en confiance, il se lâchera totalement. Laissez-lui le temps. Il n’a pas joué durant deux ans et doit enchaîner les matchs.”
“Les critiques me torturaient”
"Killian était devenu le mouton noir de sa génération."
“Le grand public le connaît pour les mauvaises raisons. Il ressentait une appréhension des supporters quand il jouait. Il recevait d’ailleurs beaucoup de messages négatifs. Des insultes, même. Ses réseaux sociaux sont désormais pleins de compliments. Qu’ils soient positifs ou négatifs, il ne fait pas attention aux commentaires. Nous, par contre (rires)… Quand ça allait moins bien, il me disait de ne pas lire ce qu’on disait de lui. Mais c’est dur. C’était une sorte de torture. Les gens critiquent sans le connaître. À ses débuts, cela l’affectait, mais il sait faire la part des choses. Puis il est du genre à garder les choses pour lui. Il faut savoir lire son regard pour comprendre s’il est fâché, content ou triste. Je le poussais à extérioriser. J’étais sa psychologue privée. Je devrais d’ailleurs lui envoyer mes factures (rires). Sa force mentale a fait la différence à cette époque. Killian était devenu le mouton noir de sa génération, mais le matin, il se levait et allait au club sans râler. Il a toujours été soutenu par le staff et ses équipiers.”
“Il avait la poisse”
“Une chose m’a choquée quand il jouait : il avait la poisse. Surtout à ses débuts. Il pouvait tout faire très bien et puis à la moindre passe loupée, ça se payait cash. Ça s’est passé tellement de fois. Il avait du mal à passer à autre chose, mais il a travaillé pour s’adapter. On a mis en plus un rituel avant ses matchs. Je lui envoie un message avant le coup d’envoi et avant la fin du match pour qu’il lise des mots de sa mère en priorité. Si je dois être honnête, j’avais parfois du mal à rester positive. J’étais parfois en larmes en écrivant. Je passais des nuits blanches tant j’étais en panique quand il rejouait après un long moment. Mais je pense avoir toujours su trouver les mots.”

“Je pensais que les adultes allaient le casser”
“Je reste convaincue qu’il a commencé trop tôt avec l’équipe A. Je me souviendrai toujours du moment où il m’a dit qu’il était titulaire. J’ai dit : ‘C’est une blague ?’ J’avais peur. C’était un gamin de 17 ans et il allait affronter des hommes. Je pensais que ces gars allaient le casser. Quand il a affronté l’Antwerp, je lui ai dit que quelques années plus tôt, il tenait la main de Mbokani pour monter sur le terrain en Ligue des champions. Je pensais que Mbokani allait le manger lorsqu’il l’a affronté (rires). Le plus dur durant cette première saison, c’était l’après-match. Il n’arrivait pas à dormir et il devait aller à l’école le lendemain. Je ne pouvais pas accepter qu’il n’ait pas son diplôme.”
“Très dur de retourner sur le champ de patates de Wolvertem”
”La saison suivante, il est passé de tout à rien. Il a dû retourner en U21 pour garder du rythme. Mentalement, c’était dur. Il pétait un câble. Il m’avait appelée avant son premier match U21… Il était vraiment mal. Il avait l’impression d’aller là pour rien. Il a eu besoin de quelques matchs pour relativiser, reprendre du plaisir. Il travaillait sur des détails que Kompany lui avait expliqués. Il jouait à Wolvertem sur un champ de patates avec de petits vestiaires et une toilette partagée pour les deux équipes (rires). Puis son programme était décalé par rapport à l’équipe A. Donc, il se sentait en marge et avait l’impression de ne jamais pouvoir rattraper le reste de l’équipe. Quand la saison passée il n’a pas eu sa chance en Coupe et que Kompany lui a préféré Mykhaylichenko à droite, il avait la rage, il ne comprenait rien. Heureusement, il avait confiance en Kompany et savait qu’il ne faisait pas les choses sans raison.”

“Je l’imagine jouer milieu défensif”
“Sa polyvalence a souvent joué en sa faveur, mais aussi en sa défaveur. J’ai toujours eu l’impression qu’il pouvait se développer en tant que médian défensif, mais lui se voit back droit ou défenseur central. Il n’est pas encore fixé à 100 % même si avec son 1 m 77, il sait qu’il ne sera pas simple de s’imposer dans l’axe. Quand Kompany a décidé de le mettre sur le côté de la défense, je ne comprenais rien, car il n’avait joué qu’en défense centrale. Après, pourquoi ne pas rester dans son style de couteau suisse ? J’aimerais toutefois le voir latéral droit ou défenseur central avant la fin de saison. Qu’on puisse se rendre compte de son évolution, car je peux vous garantir que ses statistiques sont vraiment très bonnes et que le coach est très content de lui.”

“Il voulait partir cet hiver, mais on ne quitte pas un navire qui coule”
“Vu qu’il ne jouait pas, il a espéré un départ durant un an. Les aléas de la vie en ont finalement décidé autrement. L’hiver passé, par exemple, il voulait partir, mais savait qu’il devait certainement se faire opérer. On préférait qu’il soit près de nous, qu’on puisse l’entourer après la chirurgie. On espérait aller chercher du temps de jeu à l’été, mais l’arrivée de Felice Mazzù a redistribué les cartes. Killian pensait avoir sa chance à droite de la défense à trois. Ce poste lui allait super bien. Le coach le voyait à ce poste… mais il ne lui a pas donné sa chance. Il est allé reprendre de la confiance en D2. Il s’est rendu compte qu’il n’était pas si mauvais, car il commençait à vraiment douter. Par malchance, il s’est blessé à la cheville et a été stoppé. Le nouveau coach (NdlR : Riemer) lui a dit de lui prouver sa valeur. Killian réfléchissait quand même à un départ. Les circonstances, avec la blessure de N’Diaye, lui ont permis de saisir sa chance. Le club n’a pas voulu le lâcher. Killian ne rêve que d’une chose : percer à Anderlecht. Même si ça prend un peu plus de temps qu’ailleurs. On ne quitte pas un navire qui coule. Anderlecht est en difficulté et c’est aux enfants du club de le sauver. Killian veut partir par la grande porte.”
“Il ne sentait plus le ballon et loupait ses contrôles”
“Les difficultés de Killian durant deux saisons trouvent aussi leur explication dans une longue blessure. Depuis sa première saison, il a un syndrome des loges (NdlR : une pression musculaire au mollet). Il n’a jamais voulu en parler. Il pensait que les gens y verraient une excuse à ses moins bons matchs. Après plus ou moins quinze minutes de match, ses mollets devenaient durs et ses pieds s’endormaient. Vous n’avez jamais remarqué qu’il commençait bien les matchs puis que son niveau chutait ? La première saison, il forçait dessus sans même en parler au club. Il a communiqué ce souci au club par la suite. On n’arrivait pas à comprendre exactement où se situait le problème, car la mi-temps le soulageait. Il ne sentait plus rien en deuxième mi-temps. Idem à l’entraînement. Kompany lui a même demandé si ce n’était pas psychologique. Nous avons mis du temps pour avoir le bon diagnostic et l’opération ne garantissait qu’un taux de réussite de 80 %. Il a tout essayé : changement de régime, semelles, massages, cupping, aiguilles, etc. Cela a pesé sur ses performances. Il n’arrivait pas à se concentrer sur son match. Il se demandait si et quand ses mollets allaient devenir durs. Il devait alors adapter ses mouvements, il ratait des choses inhabituelles, car il ne sentait pas ses pieds tant ils étaient durs. Il jouait juste à l’instinct et ne pouvait pas faire certaines choses comme mettre une longue passe. Même certaines courses étaient difficiles. Depuis l’opération, il n’a plus aucun souci.”
“Soit il évoluait, soit le football le détruisait”
"Il n'a pas l'ADN du club ? Killian est l'ADN d'Anderlecht."
“Ce qui s’est passé avec sa blessure résume qui est Killian : il ne se plaint jamais. Quand il était petit, il voulait aller à l’école. Même malade. Il se levait à 5 heures du matin tous les jours pour faire ses devoirs. Il est discipliné à l’extrême. Je suis convaincue que sa mentalité l’amènera loin. Certains n’ont pas besoin de travailler pour réussir. Killian a un talent, mais doit bosser pour le faire ressortir. J’aime qu’on dise qu’il n’est pas assez bon, qu’on lui en demande toujours plus. Ceux pour qui c’est trop facile finissent par s’asseoir sur leurs lauriers. Killian avait deux issues. Soit il devenait l’homme qu’il est, soit le football le détruisait. Il en est sorti grandi, car il n’a jamais rien lâché. On a dit qu’il n’avait pas l’ADN d’Anderlecht. J’ai envie de répondre à ces gens qu’il est l’ADN du club.”