L’emblématique Marcos Senna de Villarreal a parlé à la DH : “J’ai surtout aimé votre petit numéro 10”
Interview avec Monsieur Villarreal, Marcos Senna, le recordman du nombre de matchs pour “le sous-marin jaune”. “C’est du 60-40 contre Anderlecht”
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Publié le 15-03-2023 à 06h29 - Mis à jour le 15-03-2023 à 13h38
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Villarreal, mardi soir. La petite perle qu’est devenu l’Estadio de la Ceramicà ne respire pas encore la Coupe d’Europe, où le Villarreal Club de Futbol et Anderlecht disputeront leur match retour en huitièmes de finale de la Conference League ce jeudi. Les gens qui se promènent autour de l’enceinte jaune canari de 25 000 places, située en plein centre de la petite ville de 50 000 habitants, ne savent pas citer le nom d’un seul joueur d’Anderlecht.
L’homme avec qui le club nous a réglé une interview, sourit quand on lui pose la même question. “Je ne connais que votre capitaine, dit Marcos Senna (46 ans). Et encore. Je ne suis pas capable de prononcer son nom.”
Partout au monde, il n’existe qu’un Dieu qui porte le nom de Senna. Mais à Villarreal, il y en a deux. Le regretté pilote de Formule 1 brésilien Ayrton doit partager ce statut avec Marcos, le joueur le plus emblématique de l’histoire du club. Pendant onze saisons – entre 2002 et 2013 – le médian défensif espagnol aux origines brésiliennes a porté les couleurs du “Sous-marin jaune”, avec qui il a joué la demi-finale de la Ligue des champions en 2006. En tant que recordman du nombre de matchs (363) du Villarreal FC et vainqueur de l’Euro 2008 avec l’Espagne, il a donc amplement mérité sa fonction de directeur des relations publiques du club, qu’il remplit depuis sept ans.

Vous avez terminé votre carrière à 39 ans chez les New York Cosmos. Peut-on faire l’interview en anglais ?
”(Rires) Non. Faisons-le en espagnol. Votre espagnol est meilleur que mon anglais.”
Commençons par le match contre Anderlecht. Vous étiez à Bruxelles la semaine passée.
”Oui. J’ai vu un bon match d’Anderlecht. C’est une équipe jeune et agressive qui est bien organisée et qui est dangereuse en contre-attaque. J’ai été impressionné par le soutien du public, qui était un véritable 12e homme. On avait le contrôle du match pendant une partie de la rencontre, mais on l’a perdu.”
"Si on ne prend pas le match au sérieux, on se fera éliminer. Anderlecht a une bonne équipe."
Vous n’étiez pas surpris, vu la 9e place d’Anderlecht en championnat et la crise qui règne dans le club depuis quelques mois ?
”Non. Vu sa riche histoire, je savais qu’Anderlecht répondrait présent pour les grands rendez-vous. On devra nous méfier d’eux au retour. Si on prend le match à la légère, on se fera éliminer. Mais on a l’avantage de jouer à domicile (NdlR : en Primera Division, le club a pris 23 points à domicile et 15 à l’extérieur), dans un tout autre environnement. Je nous donne 60 % de chances de nous qualifier. Vendredi, j’espère pouvoir prendre l’avion pour assister au tirage à Nyon.”
Vous ne connaissez vraiment aucun joueur d’Anderlecht, à part Vertonghen ?
”Non, désolé. Mais à part ce capitaine, il y en a plusieurs qui m’ont charmé. Le défenseur central droit (Debast) était bon aussi, tout comme ce petit sprinter sur le flanc gauche (Amuzu). Mais j’ai surtout aimé le petit meneur de jeu qui portait le numéro 10.”
Yari Verschaeren.
”Il a beaucoup de qualités. Votre gardien est fort, il a surtout de bons pieds. J’ai entendu que beaucoup de ces gars n’ont que 20 ans ? C’est une équipe très complète. J’ai vu un attaquant qui est fort de la tête.”
C’est Islam Slimani, qui est monté au jeu. C’est l’homme en forme. Pour Villarreal, la Conference League est aussi importante que la Primera Division ?
”Non, la Primera Division est plus importante. Chaque saison, le premier objectif est de se maintenir en Primera Division, afin d’évoluer. Puis, on peut viser une place européenne. Mais ne vous attendez pas à pouvoir jouer contre une équipe B ce jeudi. On veut la qualification ! La Conference League a quand même un plus grand rayonnement que l’ancienne Coupe Intertoto, par exemple. Quand je suis arrivé à Villarreal, en 2002, je l’avais gagné deux fois de suite.”
Entre-temps, Villarreal a goûté à la Ligue des champions. Comment expliquer que le club a joué la demi-finale la saison passée, notamment en éliminant la Juventus et le Bayern Munich, et n’est que 6e au classement actuel en Primera Division ?
”En Espagne, il y a trois clubs qui sortent du lot, ne fût-ce que par leur budget. Puis, il y a plusieurs bonnes équipes, comme Sociedad, Bilbao, Valence et Seville. Ce n’est pas un scandale d’être 6e dans un championnat si huppé. Regardez où se trouvent Valence (17e) et Séville (13e) cette saison. Si on joue de temps en temps la Ligue des champions, c’est un succès.”
"En 2006, Sir Alex Ferguson me voulait à Manchester United. Mais je n'ai pas de regrets."
Parlons de votre carrière. D’où vient cette histoire d’amour entre vous et Villarreal ?
”En arrivant du Brésil en 2002, j’ai été adopté comme un fils par ce club. Le FC Villarreal est ma famille, c’est ma maison. Sinon, je ne serais pas resté onze ans ici.”
En 2006, vous avez failli partir à Manchester United. Sir Alex Ferguson vous voulait, mais négociait aussi avec Owen Hargreaves du Bayern. Le deal avec Hargreaves a capoté et Villarreal ne vous a plus lâché.
”En fait, j’avais été bon dans les matchs de Ligue des champions contre United (NdlR : deux fois 0-0). On avait atteint les demi-finales et j’avais tapé dans l’œil de Ferguson. Cela aurait été une belle expérience, mais je ne nourris pas de regrets.”
Arsenal a été votre bourreau en Ligue des champions.
”Oui. Ils nous ont éliminés en demi-finale en 2006 et en quarts de finale en 2009. Mais je garde quand même d’excellents souvenirs de la Champions. J’ai marqué lors du match aller contre Arsenal, 1-1. Et j’ai mis l’unique but à Benfica en 2005 (0-1)."

En Primera Division, vous avez marqué deux coups francs contre Casillas du Real Madrid. Et vous avez mis trois buts à Barcelone en une saison.
”Trois fois sur penalty contre Victor Valdes. Deux fois chez nous et une fois au Camp Nou. Ce n’est pas évident de les convertir contre des grands clubs, mais j’ai toujours eu une grande confiance en moi. Les phases arrêtées étaient ma spécialité.”
"J'ai gagné un match au Club Bruges en Coupe d'Europe en 2010? Complètement oublié."
Vous avez déjà gagné un match de Coupe d’Europe en Belgique.
”Non. C’était avec l’Espagne à Bruxelles : 1-2."
Avec Villarreal, vous avez pourtant battu Bruges : 1-2. Giuseppe Rossi avait marqué les deux buts.
”Cela ne me dit plus rien du tout. Je vous ai dit que j’avais une mauvaise mémoire. (Rires)”
Vous vous souvenez quand même de votre coéquipier, Jérémy Perbet. Vous lui avez donné un assist lors du match de gala entre Villarreal et votre prochain club, le FC Cosmos (3-0), organisé à l’occasion de votre départ.
”Je me souviens de Jérémy, mais on n’a pas joué longtemps ensemble. Par contre, j’ai oublié cet assist.”
Vous devez vous souvenir du Mondial 2006 et surtout de l’Euro 2008 que vous avez remporté. Selon certains consultants, vous méritiez d’être élu meilleur joueur du tournoi, plutôt que Xavi.
”(Rires) C’est gentil. Notre force était notre collectif. J’ai toujours eu une grande appréciation pour Xavi aussi bien en tant que footballeur que personne. Il mérite ce trophée individuel. Moi, je suis déjà fier de pouvoir dire que je faisais partie de cette équipe qui a fait rêver l’Espagne.”
Le 4e joueur de couleur de l’équipe nationale d’Espagne
Actuellement, il y a plusieurs joueurs de couleur en équipe nationale espagnole. Mais quand il a remplacé Xabi Alonso contre la Côte d'Ivoire en mars 2006 lors de sa première apparition pour l’équipe nationale de son nouveau pays, Senna n’était que le quatrième joueur noir à porter les couleurs de la Roja. “J’ai aussitôt été accepté par le coach Luis Aragones et par les autres joueurs, dit Senna. Je me suis senti un d’eux, et la couleur de ma peau n’a pas joué de rôle. Heureusement, je n’ai jamais été victime de racisme tout au long de ma carrière. Mais hélas !, c’est un phénomène qui existe encore. Les gens qui se comportent de façon raciste, sont encore dans le siècle passé. Ils agissent de cette manière parce qu’ils sont trop peu informés à ce sujet. On peut y remédier en leur donnant les informations correctes.”
Senna est très croyant. Il a parlé de sa religion – le christianisme – avec l’ex-joueur Kaka dans le documentaire The Prize : Chasing the Dream.