Les secrets de la réussite de Villarreal : comment un petit club est devenu une version avancée d’Anderlecht
Villarreal était encore en D2 il y a 25 ans et gagne désormais des Coupes d’Europe. Reportage au cœur du Sous-Marin jaune.
Publié le 16-03-2023 à 14h30
Dans certaines rues, le stade de la céramique semble incrusté dans les murs de ses voisins. Le bâtiment se voit en ville comme le nez au milieu du visage. “Si vous passez en avion au-dessus de la ville, vous ne pourrez pas le louper”, sourit Saul, supporter historique du club et membre du Celtic Submari, le plus grand club de fans du pays.
Une tache jaune au milieu d’une petite ville. Vila-Real n’a pas de quoi attirer les touristes. La ville est plus connue pour son industrie de la céramique, dont les grandes usines bordent les routes menant à la bourgade, que pour son attrait pour les badauds.

Sous-Marin jaune et céramique
“Toute l’économie de la région est basée sur ce business, poursuit le supporter. Il y a plusieurs grandes entreprises et notre président, Fernando Roig Alfonso, est à la tête de Pamesa (le sponsor du club), une entreprise de céramique. ”
Il se dit dans cette partie de la communauté valencienne, où le double “l” se prononce “ch”, que la mentalité du club vient de cet esprit d’entreprise. Oser et travailler sont les deux verbes qui correspondent le mieux au Sous-Marin jaune.
Un surnom, issu d’une reprise en espagnol de la célèbre chanson des Beatles devenu l’hymne du club, qui dit tout sur le statut du club. Une puissance surgie des profondeurs.

Vainqueur de l’Europa League
Depuis son retour parmi l’élite en 1998, le club centenaire depuis une semaine a enchaîné les saisons folles avec pour couronner le développement du club une victoire en Europa League en 2021. Villarreal en a profité pour chiper un record, celui de la plus petite ville (51 000 habitants) vainqueur d’une coupe d’Europe. Un titre qui appartenait à Malines (88 000 habitants) depuis 1988.
“On ne se rend toujours pas compte que nous y sommes parvenus, dit Saul, un bocadillo tartiné d’huile d’olive devant lui. Je suis ici depuis des décennies et je venais voir l’équipe en D3. On était juste debout, accoudés à une barrière. Le terrain n’a pas bougé de place, mais tout a changé au club. ”
Comme au football américain
À l’exception de son ambiance familiale. “Je compare l’ambiance à celle d’un stade de football américain, sourit-il. On y va pour passer un bon moment en famille. ” Les 22 000 abonnements ont trouvé acquéreur immédiatement. “Et il a fallu refuser du monde.”
La moitié de la ville squatte les 25 000 places du stade lors des matchs à domicile. Ceux qui n’ont pas obtenu de précieux sésames se consolent en passant à la Ciudad Deportiva, le centre d’entraînement et de formation, où Saul, qui a donné cours à d’anciens joueurs, nous a fixé rendez-vous.
Le Neerpede local a des airs de club de vacances avec ses tables en toc et ses chaises rouges en plastique. Plus étrange encore, tout y est ouvert. Même les entraînements de l’équipe première sont (en grande partie) accessibles au public. Les chasseurs de selfies y sont au paradis.
Riquelme, Forlan et des jeunes du cru
La bonne ambiance et la vitamine D n’expliquent pas à elles seules comment Villarreal s’est transformé en grand club en même pas trois décennies. Le Sous-Marin jaune a été précurseur à de nombreux niveaux.
La formation par exemple. Anderlecht a l’étiquette de modèle belge, mais est à des années-lumière de ce que propose Villarreal. “Ici, tout est centralisé, l’école, le foot et le logement, dit Saul pointant un bâtiment rouge où les enfants étudient avant l’entraînement. Dès 1998, le club a envoyé des recruteurs partout dans le pays et même à l’étranger pour amener un maximum de talents chez nous. ”
Forlan et Riquelme à Villarreal ? Ce genre d'équipe n'existera plus ici."
La sauce a pris progressivement et il a fallu un coup de boost de l’équipe A pour convaincre les jeunes Espagnols de l’intérêt du projet. “La saison 2004-2005 a été un déclic et a permis de nous placer sur la carte du foot espagnol. La nouvelle génération ne s’en souvient pas, mais pour nous les anciens, c’était incroyable. Nous avons terminé à la troisième place de la Liga avec des joueurs comme Riquelme, le meilleur de l’histoire du club selon moi, Senna ou Forlan. ” En 2007-2008, Villarreal fait encore mieux et termine deuxième du championnat avec Pires, Godin et Capdevilla dans ses rangs.
Près de vingt ans plus tard, Saul n’a toujours pas d’explication rationnelle pour expliquer ce recrutement fou en l’espace de quelques saisons. “Et il n’est pas facile d’accepter que cela ne se reproduira plus. Le club a adapté sa manière de travailler avec moins de gros transferts et un accent mis sur la formation.”
Comme un supporter qui marque
Plus de la moitié de l’équipe type a fait ses classes à la Ciudad Deportiva de Villarreal. Une fierté pour le club et ses supporters et une force pour l’équipe. “Prenez un Pau Torres en exemple. Quand il marque, c’est un supporter qui marque. Ce genre de joueur se donnera toujours plus qu’un mercenaire. Voilà la clé de notre réussite ces dernières années.”
La confiance ne règne pas pour autant avant d’aborder Anderlecht. “L’aller n’a pas été aussi simple qu’on le pensait. On peut encore gagner la Conference League, mais ça ne sera pas simple. ” Les supporters du Sous-Marin jaune ne sont pas obsédés par une nouvelle victoire européenne. Ils rêvent surtout d’un premier titre en Liga.