Mircea Rednic est toujours le dernier vainqueur à Bruges avec le Standard : “Deila a l’esprit pour ce club”
Mircea Rednic, l’ancien entraîneur des Rouches et dernier vainqueur au Club Bruges il y a dix ans, apprécie l’évolution de l’équipe liégeoise. Il revient sur son passage en bord de Meuse.
Publié le 09-03-2023 à 06h46
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Dimanche, à Bruges, le Standard va essayer de mettre fin à une longue série de matchs sans succès. Depuis dix ans, les Rouches n’ont plus gagné dans la Venise du Nord, en championnat. Cela représente l’équivalent de treize rencontres (huit défaites et cinq partages).
Le dernier entraîneur du Standard à s’être imposé au Club Bruges est Mircea Rednic. Le technicien belgo-roumain, sans club après avoir pris ses distances pour se faire opérer du genou, suit toujours le Standard, depuis la Roumanie. “Je suis venu voir le match à Seraing (1-1, le 14 janvier) et j’essaie de regarder les matchs sur internet, surtout ceux à Sclessin, pour l’ambiance.”
La dernière victoire du Standard à Bruges remonte à dix ans…
”…Le 1er avril 2013. Un bon poisson pour les Brugeois, non ? C’était le premier match des playoffs 1, et je dois bien avouer que j’avais un peu menti avant le match en disant que pour contrer Bruges, il fallait limiter les espaces et peut-être jouer avec un attaquant plutôt que deux, comme je le faisais depuis le début avec Michy (Batshuayi) et Imoh (Ezekiel). Mais je n’ai rien changé et Michy a marqué le premier but.”
"Non, je n'ai pas touché de commissions sur les transferts comme Duchâtelet le dit. Il le sait très bien."
Comment fait-on pour gagner à Bruges ?
”Il faut se mettre en mode guerrier, et le nouvel entraîneur (Ronny Deila) peut amener cet état d’esprit. Je continue à regarder les matchs, mais je regarde aussi les vidéos dans le vestiaire (NdlR : la capsule Inside, produite par le Standard). On voit comment les joueurs sont attentifs, concernés. Il a un discours direct, franc. Il sait transmettre la confiance, et avant un match comme Bruges, c’est super important. Le Club aura la pression, ils ont la gueule de bois et ils risquent de perdre la quatrième place. C’est un match capital pour le Standard, qui doit se rappeler qu’il a battu Bruges à l’aller. Et lors de ce match, les Brugeois étaient dans une autre forme que maintenant. Il faut y croire.”

Qu’est-ce qui vous plaît dans l’équipe liégeoise actuelle ?
”L’entraîneur a l’esprit pour ce club, on voit que ça colle. J’ai vu en direct le match contre Seraing, ce n’était pas le meilleur. Mais depuis, il y a du progrès. L’ailier gauche (Aron Donnum) peut faire la différence et est intéressant dans la construction et dans les combinaisons. J’ai plus de réserve au sujet du grand attaquant (Stipe Perica). Sur ce que j’ai vu à Seraing, il était trop souvent dos au but. Le petit qui l’a remplacé (Noah Ohio) me fait penser à Imoh (Ezekiel). Il a une bonne pointe de vitesse. La défense à trois est une bonne idée pour compenser le manque de vitesse. Le seul bémol que j’apporte est le manque d’expérience, mais j’ai cru comprendre que le club n’a pas trop la possibilité de recruter en raison de ses finances.”
"Tout le monde a crié, le chauffeur du car a demandé ce qu'il s'était passé."
Vous restez attentif à l’évolution du club ?
”Oui. J’ai failli y revenir en 2016, mais Yannick Ferrera a gagné la Coupe de Belgique. On avait un accord pour que je vienne, mais le succès en Coupe a incité Bruno Venanzi à ne pas changer (NdlR : le Standard avait échoué à se qualifier pour les playoffs 1).”
En 2013, vous avez obtenu le dernier ticket européen, via le barrage (1-0 ; 7-0 contre Gand), mais vous n’avez pas été prolongé…
”L’équipe était douzième quand je l’ai reprise. Personne ne nous attendait en playoffs. Avant le match retour contre Gand, je savais que je ne serais pas prolongé. Lors de mon briefing, à l’académie, j’ai commencé à remercier les joueurs pour le travail effectué ensemble. Je ne sais pas s’ils étaient au courant que j’allais quitter le club. Quand, à la fin, je leur ai demandé s’ils voulaient être européens, ils m’ont répondu d’un oui que je trouvais très timide. J’ai reposé la question, en haussant le ton, tout le monde a alors crié. Le chauffeur du car m’a dit : Mircea, qu’est-ce qu’il s’est passé ? J’ai entendu crier, les vitres du car ont tremblé (éclats de rire). J’ai pu réaliser mon rêve d’entraîner le Standard, mais il reste un goût amer.”

Roland Duchâtelet a longtemps dit que vous aviez touché des commissions sur des transferts ou des bonus quand certains joueurs jouaient.
”Ce n’est pas vrai, et M. Duchâtelet le sait. Je n’ai rien touché. À la limite, j’ai été bête, j’aurais dû insérer un bonus pour une qualification européenne quand j’ai signé (sourire).”
"Michy (Batshuayi) prenait tout à la légère. Mais quel talent. Il n'a pas réussi à se battre pour faire plus."
Dans l’équipe de 2013, il y avait Anthony Moris, votre deuxième gardien. Il est titulaire à l’Union et l’un des meilleurs gardiens du pays. Quel regard portez-vous sur sa progression ?
”Je suis content pour lui. Pour tout dire, quand j’ai vu la première fois que c’était lui, j’ai été surpris. Mais bravo à ce garçon, qui a su saisir sa chance. C’était un vrai bon caractère, toujours positif. Quand je l’ai eu, il était encore jeune (il avait 22 ans). Il était bon techniquement, tout le monde était d’accord, mais quand il faisait une erreur à l’entraînement, il n’était pas bien. Il a gagné en expérience, mais il est toujours aussi bon.”
Vous avez aussi côtoyé Michy Batshuayi.
”Ah Michy… On est encore parfois en contact, je lui promets toujours que je vais aller le voir en Coupe d’Europe, mais je n’y suis pas encore allé. C’est un talent hors norme, mais il n’a pas réussi à se battre pour faire plus et avoir une plus belle carrière. C’est dommage qu’il soit parti de Marseille. Quand je l’ai vu la première fois, je lui ai demandé pourquoi il ne jouait pas, selon lui. Il m’a répondu que c’était la faute de l’entraîneur. Je lui ai répondu : 'Non, Michy, c’est ton problème, ça doit passer par toi.' Mais j’avais confiance en lui, j’avais vu ses matchs. Je l’ai aligné à Genk, pour mon premier match, alors qu’il n’avait pas encore commencé de la saison. Il était surpris, mais je croyais en lui. Et il a marqué. Je ne l’ai plus sorti de l’équipe. Mais il prenait tout à la légère. À la théorie, il rigolait ; à l’entraînement, il n’était pas toujours sérieux, il faisait le geste inutile, pour le plaisir. Je lui disais toujours : 'Michy, arrête de philosopher, marque ! Quand tu rates cinq occasions et qu’on encaisse un but, ce sont les défenseurs qui se font engueuler, pas toi. Tu dois y penser.'”
Rednic revient sur les moments importants de sa carrière en Belgique: “J’aimerais finir ma carrière en Belgique”
C’est une particularité du parcours de Mircea Rednic, dans sa carrière de joueur puis d’entraîneur. Toutes les années en 3 ont marqué un moment important. Il revient en détail sur l’année 2013 dans l’interview par ailleurs. Et les autres années, que s’est-il passé ?
1983 : il est transféré de Corvinul au Dinamo Bucarest, avec qui il sera champion de Roumanie et disputera une demi-finale de Ligue des champions contre Liverpool en 1984, “et une demi-finale de Coupe des Coupes contre Anderlecht (en 1990)”, ajoute-t-il. “Je venais de mon club de village, et passer au Dinamo était un rêve pour moi. Ma chance est que mon entraîneur à Corvinul était Mircea Lucescu, qui m’a renseigné au Dinamo.”
1993 : il remporte la Coupe de Belgique avec le Standard, contre Charleroi (2-0). "On a sauvé notre saison grâce à ce trophée. Avec Arie Haan, l’entraîneur, ce n’était pas toujours facile. C’était balbezit, balbezit (possession, en néerlandais), mais nous, on n’était pas dans ce registre-là. C’était plutôt tacles, jeu physique (éclats de rire). La veille de la finale, après le briefing, on s’est réunis, entre joueurs. Wallons, Flamands, Hollandais, joueurs étrangers, on a vraiment formé un groupe alors que pendant la saison on était un ensemble de petits groupes. Ce succès a été formidable, et le retour à Liège une sacrée fiesta.”
2003 : entraîneur, il est champion de Roumanie et vainqueur de la Coupe de Roumanie avec le Rapid Bucarest. “Depuis, le Rapid n’a plus été champion”, précise Rednic, qui élargit son propos au football roumain. “C’est très compliqué. Les clubs sont très instables, d’un point de vue financier, et le niveau des clubs sur la scène européenne a sérieusement diminué. La sélection, elle, est une équipe de troisième zone.”
2023 : sans club, Mircea Rednic a eu des contacts, mais il va attendre la fin de la saison pour répondre à d’éventuelles sollicitations. “J’ai eu deux contacts en Belgique, mais par correction, je ne donnerai pas les noms. En revanche, je peux assurer que ce n’est pas Seraing. Je crois que Laszlo (Bölöni, l’entraîneur de Metz) a glissé mon nom à Lucien (D’Onofrio, directeur sportif officieux de Metz et Seraing), et encore je ne sais pas si c’était sérieux ou non. J’ai eu des contacts en Roumanie, mais c’est trop instable, et en Arabie saoudite.”
Mircea Rednic, qui a dirigé 17 clubs, se verrait quand même bien finir sa carrière en Belgique. “J’ai apprécié mon travail au Standard, à Mouscron et même à Gand. D’ailleurs, vous avez remarqué : la saison après mon départ, le Standard a fini vice-champion (en 2014) et Gand a été champion (en 2015). J’avais préparé le terrain (éclats de rire). Non, c’est le mérite des entraîneurs (Guy Luzon au Standard et Hein Vanhaezebrouck à Gand), mais je me dis que j’y étais un peu pour quelque chose.”