Anthony Moris, le “Mister Europa League” de la sélection luxembourgeoise : “Je le verrais bien jouer à l’Ajax Amsterdam”
Anthony Moris, gardien de l’Union Saint-Gilloise, est aussi titulaire indiscutable au Luxembourg.
Publié le 23-03-2023 à 08h00 - Mis à jour le 23-03-2023 à 08h54
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Sur le parking du Sporthotel Leweck, un complexe hôtelier quatre étoiles situé en plein cœur du Luxembourg, les grosses voitures des joueurs de l’équipe nationale luxembourgeoise se font face. Entre les bolides aux couleurs des clubs allemands de Cologne et de Mayence, l’une d’entre elles est immatriculée en Belgique. Elle appartient à Anthony Moris, gardien des “Roud Leiwen” (les “Lions Rouges”) et seul joueur de la sélection évoluant en D1 belge. “Voilà le meilleur gardien d’Europe, rigole le serveur du bar de l’hôtel au moment de saluer le portier de l’Union Saint-Gilloise. Le Bayer Leverkusen est le prochain adversaire en Europa League ? Ils vont vite retourner à la maison. En ce moment, tu es le meilleur, Anthony !”

Moris n’a pas attendu de briller avec l’Union pour être appelé en sélection nationale. Tout a commencé il y a sept ans grâce à son père qui, en retraçant l’arbre généalogique familial, s’est rendu compte du lien avec le Luxembourg. “Nous avons rapidement demandé la nationalité luxembourgeoise, explique-t-il. Une fois les démarches réalisées, la Fédération m’a directement contacté dans la foulée et j’ai saisi l’occasion. En mars 2014, je débarquais pour ma première sélection, dans ce même hôtel, un peu à l’inconnu. Je connaissais Aurélien Joachim, qui a joué en Belgique, et Maxime Chanot. À l’époque, nous n’étions que quelques joueurs à être professionnels. Aujourd’hui, s’il y a encore deux joueurs évoluant en D1 luxembourgeoise, c’est beaucoup.”
Une philosophie qui change
Dans le petit salon du restaurant de l’hôtel situé à une quarantaine de kilomètres de la frontière belge, plusieurs membres de l’équipe nationale sont en train de jouer aux cartes. Parmi eux, on retrouve Leandro Barreiro qui compte plus de 100 matchs en Bundesliga avec Mayence et qui a une valeur marchande estimée à 8 millions d’euros sur Transfermarkt. Il y a aussi Christophe Martins Pereira, solide milieu de terrain du Spartak Moscou. Ou encore Gerson Rodrigues qui a récemment signé dans le championnat d’Arabie Saoudite. “Gerson est le petit phénomène de la sélection, avance Moris. Nous avons beaucoup de joueurs talentueux dans l’équipe. À mon arrivée, on montait sur le terrain en se demandant combien de buts on allait encaisser. Aujourd’hui, on a l’ambition de remporter chaque match peu importe l’adversaire. Nous avons même les armes pour faire douter des grosses équipes. Certains voient encore le Luxembourg comme une sélection qui gare le bus devant son grand rectangle pour ne pas encaisser. Mais, grâce à nos récents résultats, cela évolue positivement dans l’esprit des gens.”
"À mon arrivée en 2014, on se demandait combien de buts on allait encaisser."
En partie grâce à Moris qui est un élément essentiel de l’équipe de Luc Holtz, sélectionneur depuis 2010. L’Unioniste de 32 ans est le gardien indiscutable de la sélection et compte déjà 52 matchs joués avec le Luxembourg. “Anthony est l’un des joueurs les plus importants de l’équipe, explique Laurent Jans, ancien joueur du Standard et capitaine de la sélection. Il apporte son expérience et son calme. En tant que défenseur, tu as toujours l’impression d’être en sécurité quand il est derrière toi. J’ai rarement vu un meilleur jeu aux pieds chez un gardien : il peut faire des passes à 20 ou 30 mètres ras-de-terre qui vont lancer le jeu de l’équipe. Pour moi, il fait partie du top des gardiens en Europe. L’équipe nationale serait clairement différente sans lui.”
Des débuts face à la Belgique
En pleine séance photo, Moris sourit en entendant les dires de son capitaine. Il sait qu’il revient de loin. Blessé aux ligaments croisés du genou à deux reprises, il s’est aussi retrouvé durant six mois sans club en 2014. “Anthony fait des photos, il se prépare pour retrouver Ronaldo, rigole Gerson Fernandes qui affrontera le Portugal avec le Luxembourg ce dimanche. Cristiano ne te marquera pas de but, Antho !”

Avant de rencontrer la nouvelle équipe de Roberto Martinez, les Luxembourgeois se déplacent en Slovaquie ce jeudi en restant sur un dernier bilan d’une défaite en huit matchs. Dont un match nul arraché en Turquie en septembre dernier et avec quatre clean sheets réalisés sur cette même période. “Mon tout premier match était contre la Belgique, se souvient Moris. Nous avions perdu 5-1 et Lukaku avait marqué un triplé. Personnellement, depuis les galères que j’ai connues, je prends le même plaisir quand j’affronte Ronaldo avec le Luxembourg que quand je jouais à Knokke en D3 avec Virton. Je ne vois jamais mes départs en sélection comme une contrainte. Le seul problème est pour ma fille de 5 ans qui a du mal à me voir partir, elle était encore en larmes ce mardi matin… Pour le reste, je suis heureux car je rejoins un groupe très à l’écoute qui a envie de progresser et de montrer ce qu’il vaut au niveau international. En plus, l’ambiance ressemble à celle de l’Union donc je ne suis pas trop dépaysé (sourire).”
L'unanimité dans le groupe
Une ambiance bon enfant avec tout de même un petit côté amateur. Au sein de la sélection luxembourgeoise, personne ne s’occupe par exemple de la relation avec la presse. Ce sont les joueurs qui organisent eux-mêmes les interviews avec les médias. “Mais il faut bien avouer qu’on ne croule pas sous les demandes”, sourit Moris tout en appelant son entraîneur des gardiens qui accepte directement de répondre à quelques questions à son sujet. “Anthony est un gardien moderne avec beaucoup d’expérience, analyse Rui Forte. Je regarde tous ses matchs avec l’Union et je vois qu’il est devenu une référence là-bas. Il a aussi ce rôle de leader en équipe nationale où il est toujours prêt à aider ses coéquipiers. C’est facile de travailler avec quelqu’un comme lui car il est très ouvert d’esprit : il va toujours accepter les critiques avec l’objectif d’améliorer son jeu.”

”En toute humilité, je pense faire l’unanimité dans le groupe, poursuit Moris. Les joueurs connaissent mon parcours et savent que je n’ai jamais lâché malgré les moments plus compliqués. Ils arrivent à s’identifier à moi et le fait de faire actuellement des résultats en Europa League avec l’Union me met encore plus au-devant de la scène.”
S’il a récemment affirmé qu’il serait “à 2000 % à l’Union la saison prochaine”, Moris va inévitablement attirer les regards de plus grosses cylindrées vu ses récentes prestations XXL avec l’équipe bruxelloise en championnat comme en Coupe d’Europe. “Quand nous avons joué face à la Serbie, il avait réalisé un match incroyable, se souvient Laurent Jans. Après la rencontre, Dusan Tadic lui avait dit que l’Ajax Amsterdam avait besoin d’un gardien comme lui. Je le verrais en effet bien dans une équipe comme l’Ajax qui aime jouer au ballon. Je le verrais aussi facilement s’imposer dans le championnat espagnol ou allemand. Il va faire son chemin d’autant qu’il n’est pas encore à son meilleur niveau.”
"Je le verrais s'imposer facilement dans le championnat espagnol ou allemand."
Belgique VS Luxembourg
De quoi avoir des regrets de ne pas avoir joué pour les Diables rouges ? Avant de choisir le Luxembourg, Moris faisait partie de l’équipe nationale belge U21 avec Hazard, De Bruyne ou encore Benteke. “J’ai récemment lu sur les réseaux sociaux que des gens se demandaient pourquoi je ne recevais pas ma chance chez les Diables rouges. Certains ne sont pas au courant que je joue pour le Luxembourg (sourire). C’est vrai que j’aurais peut-être pu être sélectionné avec la Belgique vu mes performances actuelles. Mais d’un autre côté, mon âge n’aurait pas joué en ma faveur. La Belgique a une très belle génération de gardiens avec Bodart ou encore Vandevoordt qui représentent le futur. Et je préfère être numéro 1 au Luxembourg que numéro 2 en Belgique.”

En quittant le salon de l’hôtel, Moris se fait une dernière fois charrier par ses coéquipiers. “Au revoir Mister Europa League ! On viendra te voir en finale !”
Avant cela, le vice-capitaine de l’Union a des gros objectifs avec son club. Et le titre de champion de Belgique en perspective… “C’est le moment pour eux d’être champions, conclut Laurent Jans. Avec un gardien comme Anthony Moris, c’est clairement possible.”