Il y a 10 ans, l’Union était à quelques secondes de descendre en Promotion : “Et là, soit je frappe avec mon mauvais pied, soit l’Union est en D4”
En mai 2013, l’Union jouait sa survie face à Leopoldsburg. Une décennie plus tard, elle joue le titre en D1.
- Publié le 02-06-2023 à 07h54
Désormais à 90 minutes d’un titre de champion de Belgique, l’Union était à quelques secondes d’une descente en Promotion (D4) il y a tout juste dix ans. Aussi fou que cela puisse paraître, le club bruxellois jouait en mai 2013 un match charnière dans son histoire face à Leopoldsburg. Une défaite aurait certainement signifié la mort sportive du club. Au bout d’une rencontre au scénario digne d’un film, l’Union sauvera finalement sa peau. Avant d’officiellement se sauver lors d’une dernière rencontre face au FC Liège.
Retour sur ce match épique contre Leopoldsburg avec des acteurs de l’époque : le gardien Anthony Sadin, le buteur Ignazio Cocchiere et le supporter emblématique Fabrizio Basano.
L’avant-match
Anthony Sadin : “Nous étions un groupe de potes qui était là pour le plaisir et pas pour l’argent. Que ce soit pour zéro ou pour dix mille euros par mois, nous aurions joué de la même façon. Il y avait une réelle volonté de bien faire pour aider ce club qu’on adorait.”
"À cette époque, il y avait pas mal de choses folkloriques à l'Union."
Ignazio Cocchiere : “Je suis arrivé à l’Union durant le mercato hivernal. Le premier tour n’avait pas été bon et la direction avait voulu faire de nombreux changements. Le deuxième tour avait été correct, ce qui nous avait permis d’accrocher le barrage. En janvier, il aurait été impensable d’avoir une chance de se sauver via un barrage. C’était vraiment un miracle de ne pas être descendu directement…”
Sadin : “Il y avait pas mal de choses folkloriques au club. On passait d’un repreneur à un autre et on voyait défiler les directeurs sportifs. Parfois, une dizaine de joueurs arrivaient en même temps pendant qu’une autre dizaine partaient. Il n’y avait aucune stabilité, mais le groupe est toujours resté soudé. D’ailleurs, nous sommes tous restés très proches à tel point qu’on s’est retrouvés la semaine dernière au mariage d’Anthony Cabeke.”
Fabrizio Basano : “Cette saison 2012-2013 avait été catastrophique que ce soit au niveau sportif ou dans la gestion du club. Il y avait eu plusieurs changements d’entraîneurs et on ressentait un sentiment de déclin total. J’avais l’impression que le club se décomposait. Mais, avec ce match de barrage, on gardait au moins ce petit espoir de se sauver.”
Les 90 premières minutes
Cocchiere : “Le match est directement parti dans tous les sens. On encaisse rapidement un but puis on revient au score avant de passer devant. Mais Leopoldsburg n’avait rien à perdre et a inscrit deux nouveaux buts pour mener 2-3. On sentait que la partie allait basculer sur des détails.”

Sadin : “C’était vraiment les montagnes russes. Nous avions l’impression de tout perdre puis de revenir totalement dans le match… avant d’à nouveau tout perdre. Durant les 90 premières minutes, nous sommes passés par toutes les émotions. Et c’était loin d’être fini (sourire).”
Basano : “En tribunes, il y avait un mélange entre la volonté de faire la fête et une énorme tension. Nous savions que l’équipe risquait gros, mais, en même temps, nous étions contents de nous retrouver entre copains dans le stade. À la 90e minute, on se dit que c’est fini. Le public poussait encore les joueurs, mais c’était difficile d’encore y croire. Une défaite n’aurait peut-être pas signifié la mort définitive du club, mais cela aurait été très compliqué pour la suite…”
Le but égalisateur dans le temps additionnel
Cocchiere : “On joue la 95e minute et Leopoldsburg mène 2-3. Il y a un dernier cafouillage, le ballon retombe en dehors de leur grand rectangle et mon coéquipier Esteban Casagolda frappe en désespoir de cause. Le ballon touche un défenseur adverse puis il monte, il monte et monte encore… En redescendant, il arrive sur mon pied gauche et j’ai alors deux possibilités : soit je frappe avec mon mauvais pied soit le match est fini et l’Union est en D4.”
"Ce but égalisateur dans les arrêts de jeu a changé ma vie."
Sadin : “J’ai toujours été un joueur qui y croit jusqu’au bout. Il n’y avait finalement qu’un but d’écart… Notre plus grande force avait toujours été cet esprit d’équipe. Cela nous procurait une force énorme qui poussait chacun à aller de l’avant pour les autres.”
Cocchiere : “Je reprends finalement le ballon du pied gauche en une touche de balle. J’envoie un shot croisé et le ballon rentre dans le goal après avoir tapé sur le poteau. Ce n’est certainement pas le plus beau but de ma carrière, mais peut-être l’un des plus difficiles à marquer. Les secondes qui ont suivi resteront à jamais gravées dans ma mémoire. Inscrire un goal est la plus belle sensation du monde, car tu rends heureux tous les gens dans le stade. Sur cette action, la joie est décuplée par dix, car c’est un moment décisif pour la survie du club.”
Basano : “C’est un moment incroyable et totalement inimaginable. Après le but d’Ignazio, on se dit qu’on est encore en vie. Il y a un parallèle avec le but de Puertas dimanche dernier à l’Antwerp. Sauf qu’il y a dix ans, c’est une autre histoire, car il y avait la survie du club en jeu. Quand il marque, Ignazio court vers le public et saute sur le grillage. La photo de ce moment permet d’imaginer le bruit qu’il y avait à ce moment-là dans le stade. C’était une rage qui sortait des tripes.”

Cocchiere : “Avant les arrêts de jeu, les Ultras avaient quitté la tribune debout, car ils pensaient que le match était plié. Ils ont fait le tour du stade et ont pris place dans la tribune principale où ils attendaient la fin du match pour nous signifier leur mécontentement. Sans le vouloir, après mon but, je me suis retrouvé face à eux en montant sur les grillages et cette photo a été prise (sourire).”
Sadin : “Le but d’Ignazio est un magnifique symbole. Il avait l’art de sortir de sa boîte quand il le fallait. Sa célébration, avec ce grillage qui se plie sous son poids, restera gravée.”
Cocchiere : “Ce but a changé ma vie. Si le ballon n’était pas rentré, j’aurais laissé tomber mon rêve d’enfant de devenir footballeur et j’aurais certainement mis fin à ma carrière.”
Les tirs au but
Sadin : “En prolongations, Leopoldsburg marque très rapidement, mais nous arrivons à égaliser via notre attaquant Sadjaliou Sow. Il n’avait pas marqué un but sur la saison. Et dans le match le plus important, il inscrit un goal rocambolesque en gagnant un duel de la tête alors que le jeu aérien n’était clairement pas sa qualité première (sourire). Tout allait se jouer aux tirs au but.”

Basano : “Personnellement, j’étais trop nerveux pour assister à la séance de tirs au but qui a suivi les prolongations. Je suis donc sorti du stade et je suis allé dans la rue, c’était trop intenable.”
Sadin : “Je me rappelle que, vu que l’Union avait très peu de moyens financiers, il n’y avait pas d’arrosage automatique sur la pelouse. Toute une partie devant le but était sans herbe, c’était juste de la terre très dure. Quand je plongeais, cela râpait à crever. Je me souviens avoir arrêté deux tirs au but. Je n’étais pas nécessairement un spécialiste, mais j’avais quand même réussi à arrêter huit penaltys sur une saison. Il faut dire qu’en D3, je ne devais pas faire face à de vrais spécialistes…”
Cocchiere : “On sous-estime souvent le rôle qu’Anthony a joué à l’Union. Il a été important lors de cette rencontre, mais aussi lors des neuf années passées dans ce club.”
Sadin : “Au moment de désigner les tireurs, il n’y avait pas beaucoup de volontaires de notre côté vu l’énorme tension. J’ai décidé de prendre mes c******* en main et d’en tirer un même si j’étais le gardien. C’était assez logique de prendre mes responsabilités, car, à ce moment-là, j’aurais donné mon sang pour le club. Je me suis élancé en dernier et j’ai marqué.”
"J'ai tiré le dernier penalty, j'aurais donné mon sang pour ce club."
Cocchiere : “Quand Anthony inscrit le tout dernier tir au but, un sentiment indescriptible nous envahit. Il n’y a que le football qui peut faire vivre des émotions pareilles… Je me rappelle des moments de partage avec les supporters.”
Sadin : “Après avoir marqué, j’ai voulu enlever mon maillot en guise de célébration. Mais l’Union n’avait tellement pas de budget que nous avions reçu des maillots avec des manches beaucoup trop longues. C’était tellement catastrophique que j’avais scotché les manches pour ne pas être gêné pendant le match. Et je n’ai donc finalement pas su enlever mon maillot à cause du scotch (rires).”

Basano : “Quand j’ai compris que l’Union avait gagné, je suis retourné dans le stade. C’était la folie dans les tribunes même s’il fallait encore gagner un match pour se sauver (NdlR : l’Union battra le FC Liège). Nous étions conscients d’être passés à deux doigts de la catastrophe. Nous avons ensuite fait la fête au club house et dans les cafés voisins avec les joueurs et l’entraîneur.”
"Sans cette victoire, l'histoire récente de l'Union n'aurait pas été la même."
Sadin : “Face au FC Liège, nous avons fini le travail pour ce qui reste l’un de mes plus beaux souvenirs. C’était un match pour ne pas descendre en D4 et le stade était totalement rempli. Nous étions conscients d’avoir joué avec la vie du club. Ce match totalement fou face à Leopoldsburg a tout changé : l’histoire récente de l’Union n’aurait clairement pas été la même…”