Dominique Rocheteau: "Je n’aimais pas ce surnom de l’Ange vert"
Symbole de l’épopée des Verts en 1976, Dominique Rocheteau est désormais l’un des hommes forts de Saint-Étienne.
Publié le 28-09-2016 à 10h56 - Mis à jour le 28-09-2016 à 11h15
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Symbole de l’épopée des Verts en 1976, Dominique Rocheteau est désormais l’un des hommes forts de Saint-Étienne. Quarante années se sont écoulées. Si le temps qui passe est venu blanchir ses mèches, l’allure de Dominique Rocheteau est restée la même. En 1976, la France basculait dans la folie verte.
De cette époque reste des matches qui ont forgé une légende encore vivace. Ce quart de finale retour de légende où Geoffroy Guichard s’était transformé en chaudron pour une remontée fantastique contre le Dynamo Kiev du Ballon d’Or Oleg Blokhine, battu 3-0 après sa victoire 2-0 à l’aller.
Cette demi-finale remportée contre le PSV Eindhoven puis cette fameuse finale de Glasgow perdu contre le Bayern Munich de Franz Beckenbauer, de Gerd Müller, d’Uli Hoeness et de Karl-Heinz Rummennigge.
Les illusions stéphanoises s’étaient fracassées à deux reprises sur les fameux poteaux carrés de Hampden Park qui tronent désormais dans le musée qu’abrite le stade, le seul en France consacré à un club.
À l’époque, Dominique Rocheteau avait été érigé en symbole de cette épopée terminée par un défilé sur les Champs-Élysées. L’évoquer avec lui fait naître un soupçon d’espièglerie. L’Ange vert n’a rien oublié et donne même l’impression de s’amuser de cette notoriété qui faiblit à peine. Entretien.
Combien de fois par semaine vous parle-t-on de l’épopée de 1976 ?
"Moi, je n’en parle plus jamais parce que je suis dans le présent et que je n’ai pas le temps. (rires) Quand on rencontre les supporters, comme là il y a quelques heures, on reparle toujours de cette épopée. Le sport se nourrit du passé, c’est ce qu’on dit. Il ne faut jamais oublier le passé."
Le club a fêté le 40e anniversaire de cette campagne européenne en réunissant tous les joueurs. Éprouvez-vous toujours le même bonheur à vous retrouver ?
"Oui. C’était sympa. On a vécu quelque chose de fabuleux, de sympathique, on prend du plaisir à se retrouver. C’est cela qui est important, de se revoir. Il y a toujours la même joie parce qu’on se voit de temps en temps. Curkovic vient parfois. Oswaldo Piazza qui est en Argentine vient deux ou trois fois par an. Il y en a pas mal qui passent, d’autres qui sont dans le coin. Le fait d’être tous réunis pour les 40 ans, c’est rare. On a senti qu’il y avait une sorte de communion entre nous, une joie de revoir et c’est hyper sympa."
Dans L’Équipe, vous avez avoué il y a quelques années "être passé à côté de mes grandes émotions en étant jeune". Vous n’avez pas réussi sur le coup la portée de votre exploit ?
"Il y a de cela. Quand tu es acteur, tu gardes cela en toi. Cela m’est arrivé de pleurer à la fin d’un match, enfin, pleurer, c’est un grand mot, plutôt verser une petite larme, il y a beaucoup de tensions, d’émotions et tu lâches tout. Mais quand tu es joueur, ce n’est pas pareil. Là, en tant que dirigeant tout le temps avec l’équipe, je ressens beaucoup de choses maintenant."
À l’époque, la France était folle de vous, comment gère-t-on une telle popularité à 21 ans seulement ?
"Il y a tellement longtemps de cela. Je ne me souviens plus comment je faisais. (rires) Plus sérieusement, il y a ce côté insouciant à 20 ans. Tu ne fais pas attention à tout ce qu’il se passe autour. Pour moi, c’était le plaisir de jouer qui était important. Je réalisais après, au fur et à mesure. Sur le moment, tu ne peux pas réaliser qu’il y a des millions de téléspectateurs qui te regardent. L’insouciance te permet de ne pas y penser."
De cette époque est resté un surnom, l’ Ange vert …
"Je n’aimais pas ce surnom de l’ Ange vert . Je ne me considérais pas comme un ange. Je ne dirai pas que j’étais un bad boy , loin de là. (rires) J’avais plus un côté rebelle, un petit côté anti-conformiste, un peu anarchiste, soixante huitard . Le côté ange ne me plaisait pas du tout. Le surnom m’est resté, oui. Et on m’appelle encore l’ Ange vert . J’ai écrit un livre qui avait pour titre On m’appelait l’Ange vert , c’est plutôt une forme de reconnaissance."
Mais comment doit-on vous appeler désormais ?
"On m’appelle toujours l’ Ange vert . Je vais peut-être faire un bouquin avec comme titre on m’appelle toujours l’ Ange vert." (rires)
"J’ai encore un maillot d’Anderlecht"
Spontanément, Rocheteau l’avoue : "On sait qu’on va jouer contre un grand club européen." À l’évocation d’Anderlecht, les images affluent. "Il y a eu plein de grands joueurs, toutes les grandes figures de la sélection belge ou presque. Je pense à Paul Van Himst par exemple. Mais il y en a tellement d’autres", souligne l’ancien attaquant avant de reprendre: "J’ai joué un match de préparation contre eux avec le Paris SG et j’ai encore un maillot d’Anderlecht, mais je ne sais plus contre qui je l’avais échangé."
"Faire revenir les anciens est une volonté"

À l’instar de Dominique Rocheteau, le club se développe en faisant appel à ses ex-joueurs.
Depuis six ans, Dominique Rocheteau tient un rôle prépondérant dans l’organigramme stéphanois.
"Je suis à la fois coordinateur sportif et membre du directoire avec Roland Romeyer. On est deux à la direction. Je suis chargé du sportif. On marche comme cela. Il y a le directoire et le conseil de surveillance. Le directoire, c’est Roland Romeyer qui le préside et je suis conseiller sportif et membre du directoire. En fait, je suis responsable du sportif. Je travaille à la fois avec l’entraîneur, Christophe Galtier, mais aussi avec la formation et le recrutement", détaille l’ancien international, 159 matches avec les Vertsentre 1972 et 1980, pour qui ce recours massif aux anciens joueurs de toutes les époques est une richesse.
"On a fait revenir les anciens au fur et à mesure ces dernières années. C’est une volonté. Récemment, Hervé Révelli (NdlR: meilleur buteur de l’histoire des Verts) est entré dans le club. Laurent Battles est resté au club après sa carrière pour passer ses diplômes d’entraîneur. Julien Sablé entraîne les U19 . Jérémie Janot qui vient d’arriver est le responsable des gardiens de la formation."
Cette nouvelle norme s’explique pour Dominique Rocheteau. "C’est toujours mieux de se servir du passé pour avancer", justifie-t-il. "C’est ce qu’il se passe dans tous les grands clubs. On a une préférence pour prendre des anciens joueurs, il y a aussi la fibre du club, c’est important pour nous. Les joueurs qui ont une histoire dans le club, je ne veux pas parler d’amour, c’est un grand mot, mais ils aiment le club. C’est important."
D’autant que ce passé offre aussi une certaine légitimité. "Sûrement, oui. Mais après, il faut assurer", reprend le dirigeant. "Mais ce n’est pas parce que vous étiez un ancien joueur qu’automatiquement, vous allez réussir, il faut travailler aussi."
"On est redevenu un club européen régulier"
De 1982 à 2008, excepté deux tours de la défunte Coupe Intertoto à l’été 2005, Saint-Étienne a disparu du paysage des Coupes d’Europe. Le retour en 2008-09 avec un 8e de finale de Ligue Europa avait des airs d’épiphénomène. Mais depuis 2013, les Verts enchaînent les campagnes et nourrissent une certaine fierté. "On est redevenu un club européen régulier. Le fait de jouer la Coupe d’Europe, chez nous, c’est significatif, notamment pour les supporters", savoure Rocheteau. "On a une certaine régularité qui n’est pas assez mise en avant. Je trouve que l’on est très critiqué, parfois de manière injuste. Quand tu joues énormément de matches, 55 en moyenne ces deux dernières saisons, tu ne peux pas tout le temps produire du très beau jeu. On aimerait le faire. L’ambition est de rester dans le Top 5 français, ce qui reste un exploit."Parallèlement, le club qui a racheté son centre d’entraînement souhaite aussi devenir propriétaire de son stade et réfléchit à un modèle d’actionnariat populaire.