24 Heures du Mans : comment Michelin prépare la plus grande course au monde
Discussions à bâtons rompus avec Matthieu Bonardel, directeur de la branche Motorsport du manufacturier pneumatique.
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- Publié le 09-06-2023 à 18h58
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Quand on pense aux 24 Heures du Mans, on pense inévitablement à la passerelle Dunlop trônant juste après la première chicane. Mais Michelin est également bien présent sur la course d’endurance la plus célèbre de la planète. Pour le manufacturier français, le rendez-vous sarthois représente un événement de tous les dangers. Il faut en effet fournir toutes les Hypercars et GTE, avec des gommes adaptées aux besoins de chaque constructeur.
Bibendum a dû également s’adapter avec le temps et, preuve que les temps changent, le développement sur simulateur est désormais une pièce maîtresse dans la conception des gommes de compétition. Matthieu Bonardel, le très enthousiaste directeur de Michelin Motorsport, nous a expliqué comment la marque de Clermont-Ferrand vit les 24 Heures en 2023.
Du réel vers le virtuel... et vice versa !
« Aujourd’hui, beaucoup pensent que le sport automobile est infréquentable. Mais la compétition a-t-elle un sens ? Oui, car elle apporte des progrès technologiques déterminants ! », explique le Français. « Faut-il rappeler que nous participions déjà à la première édition en 1923 ! Sauf qu’aujourd’hui, nous développons nos pneus sur simulateur. Pour quatre raisons : primo, le simulateur nous permet de nous préparer aux circuits non-permanents, comme Le Mans. Deusio, nous pouvons anticiper les stratégiques pneumatiques. Tertio, le simulateur nous permet de reproduire les variations de température. Enfin, il répond aux restrictions d’essais privés. Les Hypercars sont de surcroît assez lourdes et donc sollicitent leurs gommes. Avec la pandémie, nous avons été confinés au simu… et Toyota était très satisfait des retours »

Avec la simulation, Michelin a de surcroît battu des records de vitesse pour fournir en temps et en heure des gommes convenant aux nouveaux constructeurs présents dans la Sarthe cette année. « La plupart des marques engagées en Hypercar cette année comme Ferrari ou Cadillac ont fait leurs premiers tours de roue à la mi-juillet 2022. Le digital a été très utile pour leur concevoir des pneus spécifiques en un temps record. Nous gagnons du temps et de l’argent. Imaginez : nous louons le circuit de Magny-Cours pour des essais slicks. Nous dépêchons une écurie avec sa voiture et tout son staff et, patatras, il pleut ! C’est de l’argent gaspillé. Avec le simulateur, il suffit de changer quelques paramètres et on a le circuit et les conditions atmosphériques qu’on peut. On peut également changer le composé du pneu. Bien sûr, on ne fait pas confiance aveuglément à la simulation. Nous sommes conscients qu’il y aura toujours des imparfaits et des données erronées ».
Michelin contre l'interdiction des couvertures chauffantes
L’interdiction des couvertures chauffantes pour des raisons soi-disant écologiques fait jaser dans le paddock du WEC. Le sketch de Spa-Francorchamps est encore dans les mémoires. Dans la Sarthe, les pneus pourront à nouveau être chauffés pour d’évidentes raisons de sécurité. Une mesure qu’on approuve chez Bibendum.
« Laisser les couvertures chauffantes pour Le Mans 2023 est une bonne nouvelle. En effet, les GTE de la génération actuelle ne disposent pas de montures adaptées pour fonctionner à froid. Chez Michelin, nous étions opposés à la suppression des couvertures chauffantes en WEC. Mais les Hypercars pouvaient très bien disputer Le Mans sans. En effet, nous avons conçu des pneus capables de partir à froid, qu’il fasse 0 ou 50 degrés. C’est vrai, aux 6 Heures de Spa-Francorchamps, nous avons vu de nombreuses scènes inquiétantes avec des Hypercars presqu’à l’arrêt. Mais c’est parce que les écuries n’ont pas suivi nos recommandations et ont joué avec le feu. Et puis, de plus en plus de championnats se passent de couvertures chauffantes. Je pense dès lors que ça deviendra la norme à l’avenir »

Michelin sera impliqué jusqu’à fin 2023 en Super GT, un des derniers championnats où une véritable guerre de pneumatiques existe encore. Preuve du sérieux de cette compétition exotique, une passerelle forte existe avec Le Mans. « Bien sûr, nous sommes tristes de quitter le Super GT qui est un beau championnat. Soyons clairs : chez Michelin, on aime faire la guerre. C’est ce qui nous fait vibrer et progresser. Le Super GT nous aidait beaucoup pour Le Mans mais aujourd’hui, nous sommes dans une situation de monopole à ce niveau. De surcroît, le Japon est un marché très protectionniste. Qu’on soit impliqués là-bas ou pas, ce n’est pas cela qui va avoir un impact sur nos ventes de pneus dans l’Archipel. Nous avions un laboratoire fantastique à l’autre bout du monde, c’est vrai, mais il faut s’adapter et le simulateur pallie désormais cette fonction en partie ».
À coup sûr, chez Michelin, les histoires à la gomme n’existent pas…