Il y a 30 ans mourait... Ivo Van Damme !

Guy Beauclercq
Il y a 30 ans mourait... Ivo Van Damme !
©D.R.

Le 29 décembre 1976, notre compatriote se tuait dans un accident de la route en France

BRUXELLES 29 décembre 1976. Il est environ 14 heures lorsque tombe la terrible nouvelle : Ivo Van Damme a trouvé la mort dans un accident de la route... Personne ne peut ou ne veut y croire. Mais, quelques minutes plus tard, le télex confirme la tragique information. Au retour d'un stage dans le Sud de la France, le vice-champion olympique du 800 et du 1.500 m a été victime d'un terrible accident sur l'autoroute du Soleil, à hauteur de Bollène. S'agit-il d'une défaillance mécanique ou d'une défaillance humaine ? Nul ne le saura jamais. Sa voiture a traversé la berme centrale et heurté, sur l'autre voie, une remorque transportant un bateau. Ivo Van Damme est ensuite décédé à l'hôpital d'Orange. "Une journée noire, non seulement pour l'athlétisme belge, mais pour l'athlétisme mondial, qui perdaient un de leurs joyaux !" lance Wilfried Meert, avec émotion.

Quelques mois auparavant, Van Damme était rentré des Jeux de Montréal avec deux médailles d'argent, décrochées sur 800 et 1.500 m, derrière ces deux véritables phénomènes que sont Alberto Juantorena et John Walker. À 22 ans, à peine... Ivo s'annonçait comme le plus grand athlète belge de tous les temps, mais le destin, cruel, en a voulu autrement.

Affilié au Daring de Louvain

Né le 21 février 1954, Ivo Van Damme connut une enfance tranquille. Dès son plus jeune âge, il se révéla sportif, attiré par le football. "Enfant, il était têtu, obstiné. Un véritable acharné ! Mais il écoutait toujours ce qu'on lui disait. Jusqu'à l'âge de 16 ans, il a joué au football sous les couleurs du Racing White, mais j'ai vite compris que son coeur penchait pour le tartan. Ainsi, à chaque fois qu'il sortait des vestiaires, il regardait avec admiration les athlètes qui tournaient sur la piste du Stade Fallon. Un jour, en lui offrant une nouvelle paire de spikes, je lui ai dit qu'il devait choisir entre football et athlétisme. Ivo a choisi. Il n'avait jamais été un joueur de foot exceptionnel. Extérieur droit, il était rapide, mais sa technique était assez moyenne..."

Au début des années 70, la famille Van Damme déménagea à Veltem... En mai 1971, après une rencontre interscolaire où il gagna le 1.500 m en 4.29.6, il s'affilia au Daring de Louvain. Au départ, Ivo voulait se concentrer sur le 1.500 m et sur le 3.000 m mais, cette même année, il découvrit le 800 m qu'il boucla en 2.07.2. En quelques mois, il améliora son record de cinq secondes, devenant le meilleur scolaire du club. Son objectif en 1972 était de descendre sous le mur des deux minutes et il y parvint lors des Championnats de Belgique juniors. Il termina quatrième des séries en 1.57.8. Epuisé par son effort, il ne joua, ensuite, aucun rôle en finale, se classant septième en 2.01.4. Mais Van Damme rêvait déjà des Championnats d'Europe juniors, en 1973, à Duisburg. Un rendez-vous pour lequel le minimum était fixé à 1.52, près de six secondes sous son meilleur chrono.

Sa saison 1973 démarra en force avec trois chronos de 1.57-1.58 avant les Championnats de Belgique juniors où il s'inclina devant le Gantois Pieters, mais en 1.55.0, ce qui lui valut d'être sélectionné pour une rencontre triangulaire avec les Pays-Bas et la Suisse où il s'imposa en 1.52.1. Un dixième le séparait de Duisburg... Nullement abattu, il courut le meeting de la dernière chance à Bourges où il claqua un chrono de 1.51.7. C'est de cette époque que date sa collaboration avec Mon Van den Eynde, professeur d'Université et entraîneur de Roelants, de Puttemans et de Polleunis.

Car 1973 fut, pour Ivo Van Damme, l'année de la révélation. À Duisburg, où il fut opposé à un certain Steve Ovett, il remporta sa série, se classa deuxième de sa demi-finale et quatrième de la finale, établissant un nouveau record de Belgique juniors en 1.48.16. Suivit l'année 1974. Ivo connut une mauvaise passe que confirmèrent les diagnostics médicaux : la mononucléose ! Une saison entière aux oubliettes...

Le record de Roger Moens

1975 fut l'année du grand retour, chez les seniors... Guéri, Van Damme récolta les fruits d'un entraînement hivernal intensif. Aux Championnats d'Europe indoor à Katowice, il décrocha la médaille d'argent du 800 m, derrière l'Allemand Stolle. Il y mit également au point une tactique. Comme le Néo-Zélandais Peter Snell dans les années 60, il entamait les courses à l'arrière du peloton, pour remonter, terminer en force et... gagner. Fort de cette confiance nouvelle qui l'habitait, Van Damme battit le record de Belgique, vieux de vingt ans, de Roger Moens. Le 15 août 1975, à Landen, il courut le 800 m en 1.45.6, record qu'il porta à 1.45.3 cinq jours plus tard, à Zurich. Cinq jours pour battre par deux fois un record de Belgique qui avait tenu pendant vingt ans ! Fier et heureux, sa maladie oubliée, Ivo pouvait voir venir l'échéance olympique de manière exaltante. L'hiver précédant les Jeux de Montréal, Van Damme se prépara comme d'habitude, participant à nouveau aux Championnats d'Europe indoor. A Munich, il décrocha, cette fois, la médaille d'or, doublée d'un nouveau record de Belgique sur 800 m : 1.48.2. Ce formidable résultat lui valut une nouvelle invitation en Afrique du Sud (où il s'était déjà rendu l'année précédente pour une tournée...). Il y prit part à quatre courses : victoire sur 800 m en 1.47.8, deuxième sur 1.500 m en 3.39.4, soit le... minimum olympique, deuxième sur 400 m en 46.9 et victoire sur 800 m en 1.46.00, meilleure performance de l'année.

Deux médailles à Montréal

Après avoir signé plusieurs autres excellents chronos, Ivo Van Damme s'envola, début juillet, pour Montréal, dont il revint donc avec deux médailles d'argent olympiques. Il fut accueilli en héros à son retour du Canada et il en éprouva une légitime satisfaction. Il courut encore quelques meetings où il ne fut battu que par les seuls Alberto Juantorena sur 800 m (à deux reprises) et Mike Boit, absent des Jeux de 1976 pour cause de boycott, sur 1.500 m. A vrai dire, Van Damme échafaudait déjà des plans pour le futur... Du Ivo Van Damme tout craché ! Ce bourreau d'entraînement, obsédé par le chronomètre, jonglant avec les temps de passage, qu'il connaissait par coeur du 800 au... 10.000 m. Un athlète doté d'une volonté peu commune, prêt à tous les sacrifices... Un homme de parole, aussi, qui savait ce qu'il voulait et qui ne mettait pas de gants, cultivant cette sorte d'arrogance, marque des vrais champions.

Employé par le COIB, il n'y avait pas de frein pour lui... Comme athlète, il avait déjà atteint le sommet. Et puis, comme homme, avec Rita Thijs à ses côtés, Ivo Van Damme pouvait envisager l'avenir avec sérénité. Aurait-il réalisé tous ses rêves de titres et de records ? Aurait-il battu Sebastian Coe et Steve Ovett en 1980, à Moscou ? Nul ne le saura jamais après l'inexplicable accident de la route dont il fut victime en ce funeste 29 décembre 1976, en France, à hauteur de Bollène.

Un accident dont son entraîneur Mon Van den Eynde ne fut informé que deux jours plus tard, à son retour à Louvain, car il ne lisait jamais les journaux. Le vieil homme, qu'Ivo considérait comme son deuxième père, avec qui il passait des heures à discuter de tout et de rien, parfois jusque tard dans la nuit, en eut le coeur brisé. Un sentiment qui fut, bien évidemment, partagé par la Belgique sportive toute entière...



© La Dernière Heure 2006


''Ivo savait ce qu'il voulait !''
Le témoignage de Wilfried Meert BRUXELLES Comme journaliste, Wilfried Meert a bien connu Ivo Van Damme. Il fut l'un des premiers à l'interviewer ! "A l'époque, nous étions trois à nous occuper d'athlétisme au quotidien . Il y avait Bob Geuens, Carlos De Veen et moi-même. Etant le plus jeune, c'est moi qui étais chargé des athlètes en devenir tandis que mes aînés s'occupaient des Roelants, Puttemans et Cie. C'est ainsi que j'ai rencontré Ivo en stage durant l'hiver 1975-1976. Il avait à peine 21 ans mais savait déjà ce qu'il voulait. Ainsi, à son retour, nous nous sommes vus pour une interview dans une taverne à l'époque bien connue de la presse, à l'angle des boulevards Emile Jacqmain et Léopold II. Il ne l'a pas oublié. Quelques semaines plus tard, alors qu'il était en stage en Afrique du Sud, Ivo m'a adressé une carte postale où il me racontait son séjour, ses entraînements, ses sensations. Il avait le sens des relations publiques. Et puis, il tenait un discours auquel on n'est pas habitué en Belgique. Ivo ne cachait pas ses ambitions. Ainsi, lorsqu'il évoqua le record national de Roger Moens, nombreux sont ceux qui pensèrent : Ce record, Ivo l'a battu, gagnant le respect de ceux qui n'y croyaient pas." Aucun doute : Ivo était de la race des champions. "Physiquement et mentalement, c'était un athlète hors du commun ! Il était atypique dans le paysage sportif belge où on se sent mieux dans la peau d'un outsider que dans celle d'un favori. Ivo Van Damme tenait à être cité parmi les favoris car c'était sa façon d'en imposer à tous ses adversaires. C'est avec ce moral qu'en 1976, il s'est envolé pour Montréal où se disputaient les Jeux. Il n'avait vraiment pas peur !" Et c'est avec un immense panache qu'Ivo Van Damme décrocha ses deux formidables médailles d'argent olympique. "Pour les obtenir, il s'est bagarré avec les meilleurs du monde. En fait, seuls deux athlètes d'exception, le Cubain Juantorena sur 800 m et le Néo-Zélandais Walker sur 1.500 m, ont pu l'empêcher de connaître la consécration suprême." Considéré comme un pur talent, Ivo Van Damme est décédé quelques mois plus tard.

© La Dernière Heure 2006

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