Ces femmes qui arbitrent au plus haut niveau chez les garçons (1/4) : Adèle Robert, à jamais la première dans le rugby belge
La Sonégienne est la première femme à avoir arbitré un match de D1 hommes en rugby.
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Publié le 08-03-2023 à 06h34
En cette journée du 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, nous avons décidé de mettre à l’honneur les femmes qui arbitrent au plus haut niveau dans les compétitions masculines de sports collectifs en Belgique. Foot, volley, hockey, rugby, basket… elles sont plusieurs à avoir écrit l’histoire de leur sport et se retrouvent souvent seules, entourées quasiment exclusivement de collègues masculins.
Depuis le 22 janvier, date de la journée du sport féminin, Adèle Robert a fait son apparition à 29 ans dans ce cercle restreint. Depuis 2019 et ses débuts internationaux chez les dames (elle va officier aux Six Nations féminin dans quelques semaines), cette ancienne joueuse a gravi rapidement les échelons.
Adèle, être à jamais la première, que cela représente-t-il ?
”C’est une fierté évidemment car une première, ça reste. C’est comme ma nomination pour le Six Nations dames. Ça met aussi un peu de pression car il faut être à la hauteur et physiquement, il faut pouvoir suivre. C’est une intensité plus grande que chez les femmes évidemment. Ce que je ne voulais pas, c’est être promue en D1 hommes simplement parce que je suis une femme, sans avoir le niveau. Je suis donc plutôt contente. Ils m’ont mise en D1 au bon moment. Ce n’était pas juste un coup de pub ce jour-là.”
Comment on s’intègre dans un milieu aussi masculin ?
”C’est naturel. On est peu nombreuses mais la Commission nous aide aussi, ils nous soutiennent vraiment. Je n’ai pas rencontré de difficultés car j’ai toujours baigné dans ce genre de milieu où il fallait s’imposer. Je n’ai pas dû forcer les choses.”
Comment ont réagi les joueurs ?
”Évidemment, on retrouvera toujours, en rugby, des gars pour qui ce sport, c’était mieux quand les femmes n’étaient pas là. Mais, mis à part un cas isolé où un capitaine n’a pas voulu me serrer la main, je n’ai jamais dû faire face aux remarques sexistes.”
"Je ne voulais pas être promue simplement parce que je suis une femme."
Ça doit tout de même les changer d’entendre les consignes d’une femme…
”Le rugby est un sport qui véhicule cette valeur de respect envers l’arbitre. Je n’ai donc jamais reçu de remarques désobligeantes ou machistes ou sexistes. Par contre, comme ils ont toujours eu l’habitude d’être arbitrés par un homme, ils ont le réflexe de dire “monsieur l’arbitre”. Et puis, ils s’excusent, se rendant compte de l’erreur. Mais c’est par habitude. C’est surtout comique en fait.”
Vous n’avez jamais eu l’impression de devoir montrer plus que vos collègues masculins ?
”Non pas du tout. Quand je réalise un bon match, les gars sont contents et ils ne le sont pas si ce n’était pas bon. Leur réaction est identique qu’on soit une femme et un homme. Ils ne relient pas mes mauvaises décisions au fait que je sois une femme.”
Dans un match de rugby, des bagarres surviennent souvent. Ça ne vous effraie pas ?
”La consigne est la même pour un homme ou une femme. On siffle pour essayer de leur faire entendre raison mais il n’est pas question d’aller dans le tas. On observe et on prend ensuite les décisions. Je n’ai donc pas peur de me retrouver au cœur d’une bagarre. Par contre, chez les hommes, ça va tellement vite et c’est tellement intense que j’ai parfois peur de me prendre un impact comme on doit vraiment être très proches des phases de jeu. C’est tout le jeu du placement.”
Quel est le plus gros frein à la progression des femmes dans l’arbitrage ?
”Pour moi, il n’y en a pas vraiment. Évidemment, on est moins nombreuses mais il y a aussi moins de joueuses. Il faut, bien entendu, pouvoir tenir physiquement et la prise de décision se fait plus rapidement car tout va plus vite. Jusqu’à présent, pour les grosses compétitions internationales comme le Six Nations ou la Coupe du monde, les désignations sont réservées aux hommes mais je crois que ce n’est pas fermé, c’est une question de temps. Chez les dames en tout cas, il y a vraiment de la place. En tant que joueuses, je n’aurai jamais pu imaginer avoir d’aussi beaux voyages grâce au rugby. J’invite vraiment les filles à me rejoindre.”
Vous avez été désignée à la touche aux Six Nations dames. Vous ne rêvez pas de la version hommes ?
”Je ne crois pas que ce sera pour moi. J’ai déjà dû faire un énorme travail physique pour améliorer ma vitesse de course et puis après, j’aimerai me consacrer davantage à des projets personnels. Je suis fière d’aller aux Six Nations et évidemment, ce serait tellement beau si je pouvais aller en Angleterre pour la Coupe du monde 2025. Quant aux Jeux, je n’y pense pas car le rugby à 7, c’est encore autre chose physiquement. Mais que ce soit version hommes ou femmes, le sentiment de fierté sera identique.”
"Les joueurs ne relient pas mes erreurs à mon sexe."
On peut vivre de l’arbitrage dans le rugby ?
”Non pas du tout. J’ai la chance de travailler à la Ligue francophone et j’ai reçu une bourse (NdLR: 3500 du projet Wallonie Ambition Or) me permettant de prendre en charge ma prépa physique, la récupération ou encore certains voyages comme à Dubai qui ne sont pas remboursés par World Rugby. Généralement, on est surtout défrayé. Pour un déplacement pour Rugby Europe, je ne paie rien mais je ne reçois rien non plus.”