Sa vie en Afrique du Sud, sa relation avec son coach, ses ambitions pour l’Euro d’Istanbul, Nafi Thiam se confie : “Je suis prête à prendre le temps”
À la veille de sa première compétition depuis six mois, la double championne olympique est revenue longuement sur son actualité.
Publié le 02-03-2023 à 06h50
Présente à Istanbul depuis une semaine déjà, Nafi Thiam avait réservé aux journalistes belges présents en Turquie sa première prise de parole depuis l’entame de sa collaboration avec son nouveau coach Michaël Van der Plaetsen. Ce vendredi, elle disputera le pentathlon des championnats d’Europe en salle sans autre ambition que d’orienter la suite de sa préparation au cours d’une année qu’elle qualifie “de transition”. Ce qui ne signifie pas pour autant qu’elle ne pourra pas se montrer performante à l’Ataköy Arena.
Nafi, dans quel état d’esprit arrivez-vous ici ?
”Un bon état d’esprit ! On a bien travaillé. Cette compétition sera un bon test pour voir pour la suite de la saison. C’est encore un peu tôt, je dirais, il y a encore pas mal de trucs à faire. Mais ces championnats peuvent donner de bonnes informations pour la suite de la saison. C’est plus un outil pour la suite, en réalité.”
Quand avez-vous décidé de venir ?
”C’était toujours dans un coin de ma tête dès la reprise, il n’y avait rien d’exclu sans que cela soit pour autant un objectif, mais il fallait voir comment les choses se passaient. Quand je suis arrivée en Afrique du Sud, j’avais encore quelques soucis de l’année précédente, j’avais un peu mal à l’ischio, un peu mal au genou. Il fallait donc régler ces problèmes-là et voir comment je me sentais physiquement. Pour les sauts, on a dû attendre un peu. Ce qui est vraiment positif, c’est que j’ai senti avec le temps que mon corps allait de mieux en mieux. Actuellement ça va. Si ça n’allait pas, je ne serais pas venue. C’est juste que la préparation n’est pas vraiment terminée. Mais ce n’est pas grave. Ce qui est particulier cette année par rapport aux précédentes, c’est que l’indoor s’inscrit dans une perspective plus large. Dans mon esprit, c’est une étape sur la route.”

Arrivez-vous quand même ici avec une certaine confiance ?
”Je n’arrive jamais en championnats sans confiance (sourire). Je sais que j’ai de l’expérience et que j’ai fait aussi une bonne saison l’année dernière. Mais je n’ai pas d’objectif chiffré en tête. On va se servir de cette expérience pour la suite de la préparation. Et puis, il valait mieux faire ce premier championnat ensemble maintenant que d’attendre l’été. Donc, on verra. Il y a des épreuves sur lesquelles je me sens mieux que d’autres. Je suis beaucoup plus à l’aise au lancer du poids, par exemple, que dans les sauts où j’ai moins de répétitions dans les jambes.”
Je ne pense pas qu’on puisse faire un bilan après quatre mois. Ce qui est positif, c’est que j’ai senti une bonne évolution par rapport à mon corps.
Avez-vous mis plus l’accent sur certaines choses que sur d’autres ?
”Non, ce sont surtout les circonstances de la préparation qui en ont décidé. De toute manière, cela ne fait que quatre mois de collaboration et, avec Michaël, on n’en est pas encore à mettre plus l’accent sur une chose que sur une autre. Maintenant je n’ai pas commencé l’athlétisme hier non plus (sourire). La préparation est générale et elle n’est pas finie, elle est en cours.”
Quel est votre bilan de ces quatre mois avec Michaël Van der Plaetsen ?
”Je ne pense pas qu’on puisse faire un bilan après quatre mois. Ce qui est positif, c’est que j’ai senti une bonne évolution par rapport à mon corps. C’est aussi ce que je voulais le plus ; me sentir en meilleure santé et plus forte. C’était le point principal.”

Comment s’est déroulée votre adaptation à ce nouvel environnement en Afrique du Sud ?
”C’est vrai que ce n’est pas juste s’adapter à une méthode de travail, c’est tout l’environnement qui change. Tu rencontres de nouvelles personnes, par exemple au niveau de l’équipe médicale, un nouveau kiné, un nouvel ostéo, des Sud-Africains, tu dois comprendre comment elles travaillent et elles doivent apprendre à te connaître, s’adapter à toi. Toutes ces choses-là sont encore en cours, ce n’est pas quelque chose qui se fait du jour au lendemain. Je m’entraîne principalement à Stellenbosch mais comme il n’y avait plus assez de logements, ou alors trop chers, pendant une période, on s’est aussi entraîné un peu à Cape Town. On a un petit groupe d’athlètes mais les séances, c’est quand même souvent à deux.”
Cela change-t-il beaucoup d’avoir des sparring-partners au quotidien ?
”Oui, avant je faisais tout toute seule, donc c’est cool. Pour certaines épreuves, avoir quelqu’un qui court avec soi, surtout pour les entraînements du 800m, ça fait quand même une différence.”
La vie là-bas vous plaît ?
”Oui, beaucoup ! Mais je dois encore prendre m’habituer à beaucoup de choses. Même au niveau du logement, je n’ai pas encore eu le temps de trouver une stabilité, je passe d’une location Airbnb à une autre. Bien sûr, je reste au moins un mois à chaque fois mais tu n’es jamais vraiment chez toi. Et puis j’ai quand même pas mal d’affaires à transporter avec moi, ce n’est pas l’idéal. Je préférerais un endroit sur le long terme plutôt que d’être tout le temps dans mes valises. Après cet Euro, je passerai un peu en Belgique puis je retournerai en Afrique du Sud jusqu’en juin environ.”

Quels autres aspects de la vie sont-ils différents ?
”Sur le plan alimentaire par exemple. Ce sont de bêtes choses mais j’avais mes habitudes en Belgique, j’allais toujours faire mes courses au même endroit, ici je dois prendre de nouveaux repères. On voit toujours le côté sportif mais il faut voir aussi le côté humain d’un tel déménagement, le fait de ne plus voir la famille, les amis. C’est un nouvel équilibre à trouver et ça va prendre du temps mais c’est ok pour moi. Mais je m’y attendais ! Il n’y a pas de surprise à ce niveau-là. J’avais bien réfléchi avant de prendre cette décision et je ne suis pas partie en me disant : ‘il faut que ça marche et que ça marche vite’. C’est un processus. Depuis le début, je dis que c’est une année de transition, d’adaptation, et c’est le cas.”
Et au plan sportif, comment la transition s’est-elle passée ?
”Bien, même très bien ! Avec Michaël, on doit trouver nos marques, apprendre à se connaître et c’est en cours. En tout cas, on a fait du bon travail jusqu’ici. C’est un bon début. Mais encore une fois, on ne peut pas juger une méthode de travail après quatre mois. Surtout quand c’est un début de saison. Il y a encore tellement de choses à faire.”
Sortir de sa zone de confiance, apprendre de nouvelles choses, c’est enthousiasmant.
Avez-vous retrouvé de l’enthousiasme ?
”Oui, c’était chouette de faire des choses différentes, des choses où je n’étais pas forcément bonne ou que je n’avais pas l’habitude de travailler. Pendant longtemps, j’ai fait les mêmes choses et quand tu es très bon à ça, à la longue ça devient un peu répétitif. C’est pour cela que sortir de sa zone de confiance, apprendre de nouvelles choses, c’est enthousiasmant. Ça peut être frustrant de ne pas y arriver directement mais tu comprends alors qu’il y a une grande marge de progression et que tu peux développer de nouveaux acquis.”
Concernant le contenu des entraînements, qu’est-ce qui a changé ?
”Je ne pense pas que cela ait vraiment beaucoup d’intérêt d’aller dans les détails par rapport à ça. Ce qui m’intéresse, c’est faire la compétition, je suis concentrée là-dessus afin d’en retirer des informations à utiliser pour la suite. Ce sera intéressant de voir comment ça se passe : la compétition, c’est quelque chose de différent, elle va m’aider à avoir l’adrénaline en plus et de pouvoir juger mieux qu’à l’entraînement. Je me sens quand même bien et je sais qu’en championnats je suis une compétitrice. Mais, honnêtement, je n’ai pas un total de points en tête.”

Avez-vous suivi les résultats au pentathlon de certaines de vos concurrentes, comme l’Américaine Anna Hall ou Adrianna Sulek par exemple, cet hiver ?
”Être en Afrique du Sud, ça met une certaine distance, c’est ça qui est cool aussi (sourire). Plus sérieusement, oui, parce que je les suis sur Instagram. Que dire à part que 5000 points pour Hall, c’est une très belle performance. Mais j’ai toujours été concentrée sur moi-même et sur ma préparation. Il y a eu tellement de choses à gérer de mon côté…”
Il y a dix ans, vous faisiez votre première apparition chez les seniors lors de l’Euro en salle de Göteborg. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
”Déjà que beaucoup d’eau a coulé sous les ponts ! C’est passé vite, c’est incroyable de me dire que cela fait déjà dix ans. Je n’avais pas d’expérience, c’était un peu une surprise pour moi. J’avais fait un très bon résultat en indoor, donc c’était plutôt la découverte. À présent, j’ai plus d’expérience, j’ai un statut différent aussi et ça change pas mal de choses. Car peu importe comment je considère ce championnat, il y aura toujours des attentes extérieures. Je reste toutefois concentrée sur le chemin que j’ai entamé et qui ne va pas se faire du jour au lendemain.”
Avez-vous eu le temps d’apprécier chaque moment pendant ces dix ans ?
”Il y a eu des bons et des moins bons moments mais, c’est vrai, j’ai eu un beau parcours jusqu’ici. Et il ne va pas s’arrêter demain non plus. C’est même un peu un nouveau départ, pour moi, cette année.”