Michaël Van der Plaetsen revient sur l’exploit de Nafi Thiam : “C’est une athlète totale, sa maîtrise de son corps est impressionnante !”

L’entraîneur de 37 ans s’y attendait-il ? “Franchement, je ne savais pas trop à quoi m’attendre. J’espérais qu’elle fasse un gros total mais je n’avais pas une vue très claire sur ce dont elle était déjà capable. En tout cas, elle était en forme, elle était en bonne santé, elle avait beaucoup d’envie et son bon début de pentathlon, sur les haies, l’a bien lancée. Puis la hauteur et le poids l’ont complètement libérée. Nafi était partie !”

On sait comment la belle histoire s’est terminée.

”Au début de la saison, elle avait glissé que si elle faisait l’indoor, elle attaquerait peut-être le record du monde. Je lui avais dit ‘ok mais on va devoir s’entraîner sérieusement au 800m alors’. C’est ce qu’on a fait et j’étais persuadé qu’elle ferait un bon chrono ce vendredi. Son pentathlon était vraiment excellent hormis quelques petites erreurs techniques dues surtout à l’absence de rythme de compétition. Bien sûr, on peut toujours faire mieux mais c’est déjà très bien. C’est impressionnant que Nafi puisse, sans préparation spécifique, battre une Sulek qui s’est préparée à battre le record du monde.”

Pour l’entraîneur originaire de Deinze, qui communique principalement en anglais avec son athlète, l’issue de cette compétition a constitué “un petit soulagement” aussi.

”Il y avait un peu de stress, oui, mais tout s’est bien déroulé. Au niveau technique, Nafi a beaucoup d’expérience, c’est la partie la plus facile. Par ailleurs, elle était assez détendue, notamment par rapport aux Jeux olympiques où je l’ai vue beaucoup plus stressée.”

La conséquence d’un corps qui semble à nouveau collaborer pleinement. Nafi Thiam n’a pas manqué de souligner à quel point sa situation au plan physique s’était améliorée.

”Les blessures dont elle souffrait avaient tendance à devenir un peu chroniques, reprend Michaël Van der Plaetsen. Or nous sommes très bien entourés à Stellenbosch avec une équipe médicale compétente et composée de différents spécialistes. Tout le monde est au même endroit, l’atmosphère est excellente et Nafi est une championne très appréciée. On utilise des tapis de course anti-gravité, du vélo, etc. Des choses qui permettent de construire une condition physique sans surcharger le corps et dont elle n’avait pas trop l’habitude. Elle a soulevé moins de charges en musculation. On a aussi beaucoup travaillé sur l’aspect mobilité, où elle était un peu limitée, en particulier au niveau de la hanche. Ça a pris du temps mais à partir de février on savait qu’elle était bien.”

Michaël Van der Plaetsen s’amuse du fait que Nafi a déclaré qu’elle aurait pu faire mieux vendredi. “Il semble qu’on doive attaquer tous les records maintenant ! rigole-t-il. Plus sérieusement, il semble clair aujourd’hui que Nafi était à la recherche d’un nouvel élan pour continuer sa carrière et retrouver la motivation. Elle sentait que cela ne fonctionnerait plus si elle ne changeait rien à sa situation.”

Objectif record d’Europe

Outre un titre olympique en 2024, son prochain objectif avoué à l’heptathlon est désormais le record d’Europe de Carolina Klüft (7032 pts). “Elle tient à repasser dans les 7000 points et je crois qu’elle en sera tout à fait capable dès cette année. Ce qu’on va surtout essayer, c’est d’améliorer son 200m, faire un peu mieux au poids, travailler le javelot, etc. Si elle arrive à tout mettre ensemble, elle est promise à un beau résultat. Techniquement elle est très forte, à mes yeux.”

Outre son côté “bête de compétition”, l’entraîneur flamand apprécie aussi chez Nafi son état d’esprit, qui est celui d’une jeune championne malgré ses 28 ans, et sa détermination. “Elle sait ce qu’elle veut, elle garde sa concentration et quand elle se fixe des objectifs, elle prend toutes ses décisions en fonction de ceux-ci. Quand il faut répondre présent, elle est toujours là ! Elle peut faire de grands résultats avec des préparations différentes. Et mentalement elle n’a jamais été aussi forte depuis qu’elle a décidé de donner un nouvel élan à sa carrière.”

En quoi l’a-t-elle étonné ? “C’est une combinaison d’aspects physiques et techniques, répond Van der Plaetsen. Ce qui frappe, c’est sa polyvalence. Bien souvent, les gens qui ont un corps comme le sien, avec de longs bras, de longues jambes, n’arrivent pas à contrôler leur posture. Elle, au contraire, est parfaitement coordonnée et maîtrise parfaitement son corps. Posséder une telle aisance technique avec ces caractéristiques se voit rarement. Elle ne courra évidemment jamais un 200m comme une sprinteuse peut le faire mais la maîtrise de ses différentes aptitudes qui la rendent unique. C’est une athlète totale !”

Une athlète qui, après un bref retour en Belgique, retournera se préparer en Afrique du Sud jusqu’à fin mai avant de disputer ses premières compétitions. “Je ne sais pas encore si elle fera un heptathlon complet avant les Mondiaux de Budapest. Pour moi, ce n’est pas absolument nécessaire, ce sera donc en fonction de ce qu’elle souhaite.”