Bashir Abdi : “Je n’ai pas quitté Nike pour l’argent mais parce que je n’étais qu’un numéro chez eux”
Désormais sous contrat avec Asics, le médaillé de bronze olympique et mondial, qui prépare le marathon de Rotterdam, sera le favori du semi-marathon de Gand ce dimanche.
Publié le 10-03-2023 à 15h57 - Mis à jour le 10-03-2023 à 18h06
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Depuis le 9 janvier dernier, la préparation de Bashir Abdi pour le marathon de Rotterdam (celui-ci se déroule le 16 avril) est entrée dans la phase “très sérieuse”, à 2700m d’altitude, sur ses terrains d’entraînement favoris situés en Éthiopie. Engagé ce dimanche aux championnats de Belgique de semi-marathon organisés à Gand, avant de repartir en Afrique de l’Est dès lundi, le détenteur du record d’Europe (2h03.36) passera un test d’autant plus important qu’il a officialisé cette semaine un changement d’équipementier : notre compatriote a en effet quitté Nike pour passer dans les rangs d’Asics.
Bashir, quelles sont les raisons de ce changement ?
”Honnêtement, je n’étais plus content de Nike. J’étais devenu un numéro pour eux, j’étais un athlète parmi les nombreux athlètes du top qui ont signé avec eux et je ne me sentais plus du tout considéré. En 2020, quand j’ai couru 2h04, je pensais que les choses allaient changer mais avec l’arrivée du coronavirus, tout est devenu plus difficile mais j’ai quand même couru un temps canon au Mémorial sur 20 km. Ensuite 2021 fut une année magique : je ne sais pas ce que j’aurais pu faire de plus ou de mieux que de remporter une médaille aux Jeux olympiques, de battre le record d’Europe et de m’imposer à Rotterdam avec un record du parcours. Ce qu’ils m’ont proposé ensuite n’était tout simplement pas digne. Le plus frustrant, c’est qu’en dépit de mes performances, de mes records, je bénéficiais de peu de considération. Bien sûr, c’est une marque qui a tellement d’athlètes ! Et de meilleurs ambassadeurs que moi, des marathoniens qui courent en 2h01-2h02, alors que je n’étais qu’un anonyme pour ainsi dire. Je cherchais une entreprise avant tout loyale et professionnelle.”
Ce n’était donc pas une question financière ?
”Non, absolument pas, même si je reconnais que c’est un paramètre important et que je gagnerai mieux ma vie grâce à Asics. Mais j’ai reçu plusieurs propositions et d’autres m’offraient encore davantage. Je n’ai pas choisi l’argent en allant chez Asics mais bien pour un sponsor qui me met en valeur et qui tient compte de mon feedback. C’est une marque qui veut amener du changement dans le monde des courses sur route, et du marathon en particulier, et qui veut le faire avec moi. Ils pensent que je suis la bonne personne pour communiquer et développer ou améliorer le produit. C’est un bon match entre nous !”
Ne risquez-vous pas de pâtir d’un petit retard au niveau du matériel ?
”C’est vrai que Nike est top à ce niveau-là mais je pense qu’Asics fait de l’excellent travail aussi. Il leur fallait juste le bon athlète pour aider à développer les chaussures. J’ai passé une semaine complète à Kobe au Japon, où se trouvent les bureaux d’Asics, pour effectuer différents tests. Au début, il faut toujours une période d’adaptation à des nouvelles chaussures mais elle a été assez courte en ce qui me concerne, trois semaines environ. J’ai eu beaucoup d’ampoules au début, on a dû corriger quelques petites choses mais aujourd’hui je peux affirmer que les chaussures d’entraînement d’Asics sont même plus avantageuses que celles d’avant parce qu’elles m’offrent un meilleur soutien. Et les blessures que j’avais ici et là lors de la préparation ont disparu. Je peux m’entraîner de manière continue. Il faut à présent à tester les chaussures de compétition.”
Le marathon de Rotterdam est l’objectif principal, pour lequel j’ai besoin de récolter un certain nombre d’informations.
Avec quel modèle allez-vous courir ce dimanche ?
”Asics a deux versions pour la compétition : la Meta Speed Edge, pour les athlètes qui ont une foulée courte et cadencée, et la Meta Speed Sky pour les athlètes qui ont une plus longue foulée. Je courrai sans doute avec les premières.”

Qu’attendez-vous de ce semi-marathon ?
”Ce sera avant tout une course test pour évaluer ma condition physique. Pour l’instant, je suis vraiment content de la manière dont les entraînements se sont déroulés. En Éthiopie, je m’entraîne avec le Néerlandais Abdi Nageeye, avec l’Américain Abdi Abdirahman et surtout avec de nombreux athlètes locaux qui parfois nous servent de lièvres. Mais le marathon de Rotterdam est effectivement l’objectif principal de ce début d’année, pour lequel j’ai besoin de récolter un certain nombre d’informations. Si je peux courir autour de 60 minutes, sans forcer, avec un bon tempo, ce serait un bon résultat. Je veux avoir le sentiment en passant la ligne que je suis capable de tenir ce rythme pendant au moins 30 kilomètres. J’espère surtout que la météo sera plus clémente ! Moi qui viens de 25°C, j’ai eu un petit choc en arrivant jeudi.”
Si on me laisse le choix entre gagner à Rotterdam ou battre le record de Belgique du semi, il sera vite fait : une victoire à Rotterdam !
Quid du record de Belgique de Mohammed Mourhit (1h00.18) établi en 1997 ?
”Avec mes chronos de référence, il ne fait aucun doute que je peux le battre mais je n’en ai jamais fait un objectif en soi. Je cours toujours le semi en préparation du marathon. En soi, cela ne m’apporterait pas grand-chose de courir en 58 minutes. Ce serait chouette évidemment mais si on me laisse le choix entre gagner à Rotterdam ou battre le record national du semi pour quelques secondes, il sera vite fait : une victoire à Rotterdam. Je sais aussi que si le record de Mourhit devait tomber, cela ferait plaisir à beaucoup de gens. Personnellement, j’ai aussi l’ambition de battre un jour le record de Belgique du 10 000m sur piste qu’il détient. On verra quand ce sera possible.”

Dans quel état de fraîcheur êtes-vous pour ce semi-marathon ?
”Il est plutôt correct. Je n’ai pas fait beaucoup d’affûtage pour cette course, j’ai juste un peu diminué le kilométrage pour arriver relativement frais au départ. J’étais à 130 km cette semaine, alors qu’en temps normal je suis à 210 km à cette période. Il y a toujours un petit point d’interrogation, quand on vient d’altitude, sur la manière dont les jambes vont répondre, surtout avec la longue préparation que j’ai derrière moi, mais j’ai toute confiance en mon corps. J'ai juste encore deux kilos à perdre en vue de Rotterdam, où je devrais être à 52kg.”
Le parcours du marathon olympique des Jeux de Paris est à l'avantage des Kenyans.
Le parcours du marathon des Jeux olympiques de Paris a été dévoilé récemment. Que vous inspire ce tracé ?
”C’est un parcours très exigeant qui, à mon sens, est taillé sur mesure pour les athlètes kenyans. Ceux-ci ont en effet l’habitude de s’entraîner sur des parcours vallonnés, dans des collines, et ce tracé semble à leur avantage. En Éthiopie, mes parcours d’entraînement sont tout plats. On va donc travailler dès maintenant avec cette échéance en tête et aussi expérimenter un certain nombre de choses durant la préparation pour répondre présent à Paris.”