Les couples dans le sport belge (1/5), Emma Puvrez et Lotte Englebert: ”Nous nous marierons un jour, mais pas aujourd’hui”
L’Anversoise Emma Puvrez et la Namuroise Lotte Englebert nagent en plein bonheur. Elles ont appris à se connaître lors d’un stage à Philadelphie avec les Red Panthers. Elles ne se quittent plus.
/s3.amazonaws.com/arc-authors/ipmgroup/eaa846b2-2c2d-4b8e-8066-af3ad033654e.png)
Publié le 14-02-2023 à 07h52 - Mis à jour le 14-02-2023 à 16h55
:focal(2891x1935.5:2901x1925.5)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/ID54BYJSVFHMDEGRDXLNS37XH4.jpg)
Depuis trois ans et demi, Charlotte Englebert et Emma Puvrez filent le parfait amour. Les deux Red Panthers démontrent au quotidien que l’amour d’un couple peut se renforcer même si elles mêlent vie professionnelle et vie privée. Les deux championnes de hockey partagent la même maison, la même vie en équipe nationale et même… en club. Elles ont un autre point commun : un Stick d’or. “Mais, nous gardons chacune la liberté d’avoir nos activités aussi”, chantent-elles en chœur.
Avant de se rendre au Racing, les deux Red Panthers nous ont ouvert les portes de leur maison, à Kontich, située stratégiquement à un flick du centre d’excellence de Wilrijk. En bordure de l’axe stratégique Bruxelles-Anvers, elles ont un peu plus de route pour rejoindre leur club ucclois.

Seul le stick pouvait réunir ces deux femmes qui n’avaient pas d’autres liens. Emma est originaire de Turnhout. Elle a grandi dans les clubs du nord du pays. Lotte a poussé ses premières balles en bord de Meuse. L’une et l’autre ne manquaient pas de talent. Elles ont été vite repérées pour intégrer l’équipe nationale. Quatre ans plus âgés, Emma Puvrez a vu Lotte Englebert débarquer dans l’équipe en 2018. “Elle a démarré par quelques entraînements et un stage à l’Adeps”, se souvient la défenseuse.
"Je suis timide, mais le feeling était directement bien passé."
À l’époque, Niels Thijssen avait organisé un stage aux Etats-Unis, à Philadelphie. “Moi, je ne la connaissais pas du tout”, poursuit la Flamande qui portait le maillot des Red Panthers depuis 2013.
La jeune Lotte n’avait pas vraiment plus d’informations sur sa future petite amie. “Moi, je ne parlais pas vraiment bien néerlandais à l’époque”, se souvient l’explosive Lotte. “Je suis timide, mais le feeling était directement bien passé.”
Les deux sportives apprennent à se connaître sur le terrain. Les échanges se limitent aux moments de hockey. Et encore. L’une joue le rôle de tour de contrôle en défense pendant que l’autre doit empiler les buts. “À l’entraînement, nous travaillons beaucoup par ligne.”

Rookie chez les Panthers, Lotte traînait plus volontiers avec les filles de son âge comme Ambre Ballenghien, Lucie Breyne et Alexia t’Serstevens. “J’aimais faire la rigolote avec elles.”
De petits mots en taquineries, elles se sont apprivoisées au détour d’un moment de… stress. Après le stage à Philadelphie, Lotte était directement rentrée alors qu’Emma avait fait le crochet par New-York. “Moi, j’assistais à un meeting pour voir si je restais dans le noyau”, confie Lotte Englebert qui avait été touchée par un message d’Emma qui venait aux nouvelles.
Ce moment fondateur a débouché sur une belle histoire d’amour.
Les championnats d’Europe de 2019 ont donné une autre tournure à leur vie. Puvrez était reprise dans la sélection alors qu’Englebert avait été mise de côté par Niels Thijssen. L’Euro de Wilrijk avait viré au cauchemar tant le niveau des Panthers était décevant. Qu’importe. Le tournoi anversois s’était achevé par une grande fête au Bocadero, un bar en bord d’Escaut. Durant toute la soirée, Stéphanie De Groof avait joué l’entremetteuse. “J’en garde un excellent souvenir même si je ne me souviens pas de tout”, rigole la Namuroise. “J’avais rejoint Emma.”
Chez les Panthers, nous sommes là pour le travail. Nous n’amenons pas nos éventuels problèmes de la maison. Nous ne sommes pas collées serrées sur le terrain.
L’équipe a vite appris l’existence de ce jeune couple. Les Red Panthers n’avaient pas toujours bien vécu certaines histoires sentimentales internes par le passé. Très vite, Emma et Lotte ont dissipé tout malentendu. Leur couple ne polluerait pas la vie en équipe. “Nous arrivons à switcher très facilement”, racontent-elles. “Chez les Panthers, nous sommes là pour le travail. Nous n’amenons pas nos éventuels problèmes de la maison. Nous ne sommes pas collées serrées sur le terrain. Nous restons toujours avec l’équipe. Tout le monde connaît notre situation et, à notre connaissance, l’a acceptée.”
Quand le groupe part à l’étranger durant un stage ou un grand tournoi, elles ne cherchent pas à obtenir de traitement de faveur non plus. Elles ne dorment pas ensemble par exemple. L’une et l’autre s’en accommodent sans difficulté. “Le bien de l’équipe passera toujours avant tout. Nous ne traînons pas à deux. On ne s’évite pas non plus. Le staff définit des binômes pour les chambres. Nous avons juste dormi à deux durant le Covid car nous diminuons les risques de contaminer d’autres chambres.” Lotte partage sa chambre avec sa copine Justine Rasir. Puvrez n’a pas une joueuse attitrée.
Quand le monde politique s’écharpe sur la question des différences linguistiques, Emma et Lotte jouent plutôt au jeu des ressemblances entre les communautés. Les clichés sur les Flamands et les Wallons ne rentrent pas dans leur maison anversoise où les convives manient autant la langue de Vondel que celle de Molière. “J’ai appris le néerlandais que je parlais mal il y a 3 ans”, avoue l’attaquante des Red Panthers. “Que ce soit dans ma famille ou la sienne, nous n’avons jamais eu de remarques ou de soucis avec les langues. Emma parle très bien français. Moi, je parle néerlandais dans sa famille, mais ils parlent presque tous deux ou trois langues”, résume Lotte qui rappelle que ses grands-parents sont originaires d’Ostende et d’Anvers. “Tout le monde est chill. Nous ne sommes pas là pour faire de la politique. Avec l’équipe nationale, la langue véhiculaire est l’anglais.”
Les deux femmes ont relié l’Escaut et la Meuse durant le Covid. “Emma est venue vivre chez mes parents lors de notre retour d’Australie en janvier 2020. Elle devait venir durant quelques semaines car un membre de sa famille avait le Covid.” Elle est restée durant 2 ans. “Nous avons eu un aperçu de la vie à deux tout en gardant nos libertés.”
Leur liberté les a conduites vers le bonheur, celui de vivre leur vie sans se soucier du regard des autres. Leur homosexualité n’a jamais été un sujet sensible. Elles font tomber les clichés les uns après les autres. “Oui, on peut être homosexuelle. Oui, on peut venir des deux côtés de la frontière linguistique. Oui, on peut être une femme et pratiquer un sport de haut niveau.”
En trois ans et demi, elles n’ont jamais été victimes de propos homophobes. Leur orientation sexuelle n’a suscité aucun regard désapprobateur de la part de leurs familles. “Avant Emma, j’étais en couple avec un garçon. J’aime Emma. Que ce soit en équipe nationale ou en famille, je n’ai jamais entendu un commentaire déplacé ou agressif.” “Moi, non plus. Nous avons peut-être de la chance. Il est possible que certaines personnes ne partagent pas nos choix, mais elles se taisent.”
À ce sujet, elles estiment que la société va dans le bon sens. La Belgique a organisé son premier mariage homosexuel il y a 20 ans. Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Lotte, qui n’est jamais à court de mots, nuançait. “Beaucoup de progrès ont été réalisés, mais il faut rester vigilant. Un jour, nous nous marierons avec Emm. Nous aurons nos noms dans un registre. Et si un dictateur homophobe venait à diriger notre pays ? Il aurait accès à ce registre. La Belgique est et reste une nation de tolérance.”
Quant à savoir le jour du mariage, elles ne se risquent pas encore à déterminer une date. “La logique veut que ce soit Emma qui me demande en mariage vu qu’elle a 25 ans”, sourit Lotte Englebert. “Un jour, on se mariera, mais pas aujourd’hui”, se marre Emma Puvrez. Toutes les deux s’accordent aussi sur leur volonté d’avoir des enfants.
Et ne vous fiez pas aux apparences. Sur un terrain de hockey, Emma Puvrez montre une personnalité plus calme et douce alors que Lotte propose un jeu volcanique sublimé par un caractère de guerrière. À la maison, les rôles s’inversent. “Pendant un match, je me libère plus”, confirme Lotte. “Je connais mes capacités et je les affirme. Je suis plus timide en privé. Je me définirais surtout autrement. Je suis contre l’injustice.” Et elle fait tout à fond. Emma aussi en réalité.