Rencontre avec la mère du patineur Jorik Hendrickx: "On ne va en vacances que dans les Ardennes" (INFOGRAPHIE)
Publié le 18-02-2018 à 18h43 - Mis à jour le 18-02-2018 à 18h48
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Rencontre avec Lutgart Lemants, la maman de Jorik et Loena Hendrickx, qui a tout sacrifié pour eux et qui est venue aux Jeux Olympiques via un crowdfunding. Lutgart Lemants attend patiemment en tribune. Drapeau belge déployé discrètement sur ses genoux et ceux d’une de ses amies, venue avec elle à Pyeongchang, "car je n’allais pas faire ce voyage toute seule", sourit la maman de Loena et Jorik Hendrickx.
Lors de notre première rencontre un quart d’heure avant le programme court de Jorik Hendrickx ce vendredi, ses yeux étaient déjà fixés sur la glace. Concentrée, elle était vraiment stressée.
"Loena l’était également", lance-t-elle, tout de suite beaucoup plus souriante quand on la retrouve après le programme libre de son fils samedi.
Jorik a sorti une très grosse performance et sa maman ne peut être qu’heureuse d’être venue jusqu’ici.
Elle en a conscience, c’était certainement sa seule et unique chance de voir ses deux enfants patiner lors des mêmes Jeux Olympiques. Elle ne pouvait manquer l’occasion.
Les fonds n’étaient toutefois pas suffisants pour qu’elle puisse se payer un billet d’avion et deux semaines à l’hôtel. Ses enfants en étaient presque malades. Jorik avait, à Noël, émis l’idée d’un crowdfunding pour permettre à sa maman de vivre son rêve olympique à elle.
Il s’est mis comme défi de récolter 5.000 euros. Mission accomplie quelques jours avant le début des JO. Lutgart est arrivée à Gangneung, où se déroulent les épreuves de patinage.
"Enfin, on est logées à une douzaine de kilomètres, se marre-t-elle car son hôtel est, selon nos informations, loin d’être luxueux. Le prix des logements proches des arènes olympiques est complètement fou. Moi, je suis juste contente. Je suis ici et c’est tout ce qui compte."
Jorik nous a dit que vous avez vécu le premier vol long courrier de votre vie en venant ici…
"Cette expérience est complètement folle. Je passe de rien à 36 heures de vol. J’ai décollé d’Amsterdam pour aller à Osaka, puis à Séoul avant d’aller à Gangneung. C’est long mais c’était le moins cher vu la date de réservation."
Avez-vous eu peur ?
"Pas du tout. On a juste dû faire demi-tour après une heure et quart de vol après Amsterdam. Il y avait un problème technique et nous sommes retournés à Amsterdam. Je me suis dit ‘ouille, c’est excitant ça’. J’espérais juste qu’on atterrisse tranquillement. Sinon, j’ai trouvé ça plaisant."
Vous étiez très stressée avant et durant les prestations de Jorik…
"Je suis stressée car c’est la première fois."
Vous ne les avez jamais suivis sur une Coupe du Monde ?
"Non, je n’avais jamais vu une compétition de cette ampleur. J’ai juste été une fois en Suisse pour un Euro. C’est tout."
Est-ce un souci de moyens ?
"Je suis déjà contente de pouvoir financer le rêve de mes enfants : patiner. J’ai toujours tout fait pour qu’ils puissent atteindre ce niveau-là. Heureusement, depuis que Loena est financée, c’est plus facile, mais ça continue à nous coûter de l’argent. Et n’oubliez pas que ce n’est pas un, mais deux enfants qui sont sportifs de haut niveau. Et j’ai deux autres enfants et deux petits-enfants."
Est-ce vrai que vous ne partez jamais en vacances ?
"C’est juste. Allez, on va parfois dans les Ardennes pour quelques jours mais rien de plus. Et c’est dans un chalet où on fait nous-mêmes à manger."
Étiez-vous pour cette idée de demander aux gens de financer votre voyage ?
"Au début, je me disais : ‘Non, je ne veux pas commencer à quémander de l’argent aux gens.’ Je n’aimais pas ça mais c’était le seul moyen de venir ici. Nous n’avions pas l’argent pour tout payer."
Qu’avez-vous pensé au moment où les 5.000 euros ont été atteints ?
"Je suis encore sous le choc. Les dons sont venus de partout. Des inconnus et même des étrangers ont participé. Je leur suis vraiment redevable. Écrivez-le, s’il vous plaît, car je n’en reviens pas. Je n’aurais jamais pensé qu’on rassemblerait tant d’argent."
Vous n’êtes pas venue pour rien. Jorik a réalisé une très belle compétition !
"C’est fabuleux de le voir. Je pense que ma présence l’a stressé mais il a vraiment bien fait ça. Franchement, je ne pouvais pas attendre mieux de sa part, il a vraiment tout donné. J’ai été très impressionné par les gars devant lui. Le niveau est fou."
Vous allez désormais observer Loena votre fille. Jorik dit qu’elle est meilleure que lui au même âge. Vous confirmez ?
"Elle a un avantage en ayant commencé plus tôt sa formation de haut niveau. Jorik n’avait pas accès à une école subsidiée et nous ne pouvions pas le mettre dans un sport-étude privé. Il a fait ses humanités comme tout le monde en patinant le soir. Loena a rapidement été à l’école à Eindhoven dès ses 13 ans dans une école sportive. Jorik s’est toujours battu. Il mérite vraiment ce qui lui arrive. Mes deux enfants ont des caractères très différents, mais ils se soutiennent toujours."
Jorik sera à vos côtés pour soutenir Loena ?
"Oui et c’est lui le plus stressé de tous." (rires)

Soupers et soirées bingo
Sans l’investissement de Jorik, Loena Hendrickx n’aurait jamais atteint les JO
"À la cérémonie d’ouverture, Loena et moi nous sommes regardés. Nous avons compris. Il se passait un truc spécial."
Jorik Hendrickx est le seul à avoir conscience du parcours du combattant qui les a amenés jusqu’aux Jeux Olympiques.
Son cas propre était moins un problème que celui de sa sœur. Il est subsidié par Sport Vlanderen depuis un moment. Pour Loena, cela fait juste un an qu’elle peut se targuer de recevoir de l’argent pour son sport. Un moment qui coïncide avec sa qualification pour les Jeux Olympiques.
"Nous avons le désavantage de faire partie d’une des seules fédérations sportives qui n’est pas subsidiée par le gouvernement, dit Jorik. Tant que nous n’avons pas fait nos preuves, nous devons tout payer nous-mêmes. L’an passé, Loena a dû payer pour aller aux grandes compétitions."
Même leur financement actuel ne permet pas de couvrir tous leurs frais. Selon le grand frère Hendrickx, il faut tabler sur 10.000 euros de frais annuels.
Pour combler les trous laissés béants dans la caisse, Jorik a pris les choses en main. "Je préfère entreprendre qu’attendre", résume-t-il. En plus de lancer des crowdfundings, le patineur a organisé des grands repas payants et des soirées bingo.
"Vous pouvez en rire mais, sans cela et sans ce que j’ai mis en place, Loena ne serait pas aux Jeux Olympiques. Ça m’a coûté énormément d’énergie, elle le sait, mais je suis super heureux de vivre cette aventure avec elle."