Au Tournoi des VI nations, l'Irlande du Nord et l'Eire ne font qu'un
L'Irlande joue ce samedi face à l'Angleterre à l'occasion du Tournoi des VI nations. Mais cette équipe de rugby a la particularité de voir évoluer des joueurs d'Irlande du Nord et de l'Eire. Dans un contexte de Brexit, cette union des deux pays est lourde de sens...
Publié le 02-02-2019 à 14h29 - Mis à jour le 02-02-2019 à 14h30
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Une équipe d'Irlande unifiée, mélangeant Irlandais du Nord et de l'Eire. Une idée qui semble bien osée en cette période de Brexit. Pourtant, cette équipe va bel et bien jouer ce samedi, sur ses terres, à Dublin. Et en plus contre l'Angleterre.
Cette rencontre aura lieu à l'occasion du Tournoi des VI nations. L'équipe de rugby irlandaise est la seule sélection internationale à rassembler Irlandais du Nord et de l'Eire. Ce sport a depuis plusieurs décennies réussi à unifier deux pays qui étaient en guerre il n'y a pas si longtemps. Leur frontière en est un symbole, et c'est justement sur ce point là que se déchirent les politiques britanniques depuis plusieurs mois. En effet, qui dit Brexit dit sortie de l'Union européenne pour l'Angleterre, l’Écosse, le Pays de Galles et l'Irlande du Nord. Or, l'Irlande du Nord se trouve sur la même île que la République d'Irlande, séparées par une frontière presque fictive et porteuse d'histoire. Inimaginable pour ses habitants de voir une frontière physique réapparaître ...
Sunday, Bloody Sunday
L'histoire irlandaise a connu des heures bien sombres. Il y a eu tout d'abord le « Bloody Sunday » de 1920. Le jour où Croke Park, le stade emblématique de Dublin, fut le théâtre d'un massacre de civils irlandais par les forces britanniques. C'était pendant la guerre d'indépendance irlandaise achevée en 1921, quand l’État Libre d'Irlande est créé, débarrassé de l'emprise britannique. Or, cette dernière décide de garder la partie nord de l'île, ce qui n'est évidemment pas accepté de tous. Alors que la tension monte durant plusieurs années, tout explose en 1960. La raison est politique, entre nationalistes et unionistes, républicains et loyalistes ; mais aussi et surtout religieuse entre catholiques et protestants. Des manifestations catholiques en Irlande du Nord sont fortement réprimandées par une armée largement composée de protestants.
Le 30 janvier 1972 devient alors le jour tristement célèbre du « Bloody Sunday ». L'armée britannique ouvrit le feu sur des manifestants catholiques, faisant 14 morts. L'armée républicaine irlandaise, plus connue sous le nom d'IRA, répliqua en déclenchant plusieurs bombes, tuant 16 protestants. La paix n'arrive sur l'île qu'en 1998, lorsque les Accords du Vendredi Saint sont signés. Ces Troubles ont fait état de presque 3 500 morts et plus de 47 000 blessés. Ces accords incluent une vraie collaboration entre l'Irlande du Nord et la République d'Irlande. Après ce bref historique, on comprend mieux la portée symbolique que peut avoir une équipe composée de joueurs irlandais et nord irlandais. Surtout en 2019, dans un contexte tendu...

Le rugby pour apaiser les mœurs
Le rugby, parmi les sports les plus populaires d'Irlande, est donc devenu un véritable symbole de paix sur l'île. C'est en 1879 que la Irish Football Union, composé des provinces de Leinster, Munster et une partie de l'Ulster, fusionne avec la Northern Football Union of Ireland, représentant la région de Belfast. Né alors l'Irish Rugby Football Union (IRFU). La quatrième province irlandaise, Connacht, rejoint l'Union en 1900. Ainsi, les équipes irlandaises font parties du gratin mondial, à l'image du Leinster, dernier vainqueur de la Coupe d'Europe.
Cette édition 2019 du Tournoi des VI nations sera encore très symbolique, dans une ambiance compliquée par le Brexit, qui réveille certains vieux démons. En cas de nouvelle frontière, certains redoutent le retour des tensions sur l'île. Les hommes de Joe Schmidt auront plus que des valeurs sportives à porter. Le sélectionneur irlandais a d'ailleurs cette année sélectionné quatre joueurs nord irlandais. Parmi eux, on retrouve la légende du rugby irlandais (et mondial) Rory Best. Sont présents également Iain Henderson, Chris Farrell et Jacob Stokdale. Mais quel hymne ces joueurs vont-t-ils bien chanter ?
L'hymne d'une équipe pour deux nations
En 1995, le Ireland's Call est écrit par Phil Coulter à la demande de la fédération irlandaise de rugby. Cette hymne doit représenter le symbole de deux pays réunis et est chanté à chaque déplacement. Lorsque l'Irlande joue à domicile à Dublin, l'hymne de la République d'Irlande, The Soldier's Song, et également joué. Voici les paroles traduites du Ireland's Call, qui saisit tout l'esprit de cette équipe de rugby unifiée :
« Viens le jour et viens l'heure
Viens le pouvoir et la gloire
Nous sommes venus pour répondre à l'appel de notre pays
Des quatre fières provinces d'Irlande
Irlande, Irlande debout ensemble
Épaule contre épaule
Nous allons répondre à l'appel de l'Irlande
Des puissants Glens of Antrim
Des robustes falaises de Galway
Des murs de Limerick et Dublin Bay
Des quatre fières provinces d'Irlande
Coeurs d'aciers et têtes hautes
Jurant ne jamais être brisés
Nous nous battrons, jusqu'à ne plus pouvoir combattre
Des quatre fières provinces d'Irlande »