Les grands courent-ils plus vite ?
Ce qui est vrai pour le sprint ou la marche ne l’est pas nécessairement pour le fond. Explications
- Publié le 20-09-2016 à 11h04
- Mis à jour le 20-09-2016 à 11h05
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Ce qui est vrai pour le sprint ou la marche ne l’est pas nécessairement pour le fond. ExplicationsAux derniers Jeux de Rio, Usain Bolt a réalisé une performance inédite dans l’histoire olympique en remportant une troisième médaille d’or consécutive sur 100 m (Pékin 2008, Londres 2012 et Rio 2016). Il est ainsi le premier à régner sur deux Olympiades (*). Autre caractéristique le concernant, il mesure 1,95 m. Y aurait-il une relation de cause à effet ?
Dans l’histoire du sprint, il y eut des champions de petite taille comme l’Américain Ira Murchison (1,62 m) ou le Nigérian Fasuba Olusoji (1,75 m). Sans doute disposaient-ils de qualités qui leur permettaient de compenser ce handicap de taille. Mais ce sont des exceptions. Sinon les meilleurs sprinteurs du monde sont presque tous grands. Et le plus grand de tous, le Jamaïcain Usain Bolt, est aussi le plus rapide. Cela s’explique très facilement. La vitesse de course est le produit de la fréquence gestuelle par l’amplitude des foulées. Or cette amplitude est proportionnelle à la taille. Dans les épreuves de vitesse, on peut même l’estimer assez précisément en multipliant la taille par 1,4. Usain Bolt mesure 1,95 m. Si on lui applique cette règle, cela lui fait donc une foulée théorique de 2,73 m (1,95 x 1,4 = 2,73). Très proche de celle de la réalité (2,70 m). En d’autres termes, cela signifie qu’à chaque pas, il prend une bonne dizaine de centimètres à un rival comme Justin Gatlin qui, avec son mètre 85, obtient une foulée de 2,59 m (1,85 x 1,4 = 2,59).
La meilleure façon de marcher
Il n’y a pas qu’en sprint qu’une grande taille constitue un atout. Dans la marche aussi, l’amplitude de la foulée procure un avantage. Celui-ci a d’ailleurs été calculé scientifiquement. On sait en effet qu’à puissance égale, la vitesse de déplacement est proportionnelle à la racine carrée de la longueur des jambes. Il vaut donc mieux avoir de longues jambes pour aller vite. Du même coup, on comprend pourquoi les marcheurs sont souvent grands, à l’instar du Français Yohann Diniz (1,85 m).
Et pour le fond ? Là, les choses se compliquent un peu. Le fait de passer par une phase de suspension change complètement la donne. La taille s’efface alors au profit d’autres paramètres qui exercent plus d’importance comme le rapport entre la longueur des jambes et celle du tronc. Ainsi les meilleurs coureurs éthiopiens et kényans sont souvent petits, mais possèdent des membres inférieurs démesurés par rapport au haut du corps. Surtout, ils sont très légers ! Car, évidemment, plus on est grand, plus on est lourd. Donc plus coûteux en énergie à l’heure de se mouvoir ! On est aussi plus difficile à refroidir en cas de surchauffe.
L’avantage changerait-il de bord ? Dans les épreuves de fond, on observe en effet un rapetissement des tailles avec des petits coureurs généralement plus rapides que les grands. Mais le dernier vainqueur du dernier marathon de Dubaï bouscule nos anciennes certitudes. Il s’appelle Tesfaye Abera. Il est éthiopien comme beaucoup de champions de la discipline. Mais par sa taille, il ne correspond pas du tout aux stéréotypes du genre. Il est beaucoup plus jeune aussi que la plupart de ses concurrents. Et plus grand ! Du haut de son 1,95 m, il semble que ses longues jambes l’aient bien aidé pour s’imposer devant ses compagnons d’échappée dans un dernier kilomètre de folie.
Cette victoire marque peut-être un tournant dans l’histoire de l’athlétisme avec l’avènement d’une génération de coureurs de grande taille. Y compris sur longue distance.
* Le terme olympiade est souvent utilisé comme synonyme de Jeux Olympiques. En réalité, il désigne la période de 4 ans entre deux célébrations