Wesley Powell court chaque jour depuis 3000 jours : “Je suis un paresseux”
Le Belgo-Américain, qui vit à Bruxelles depuis bientôt 33 ans, poursuit une série entamée le 25 novembre 2014. Peu importent les circonstances.
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Publié le 10-02-2023 à 06h24
Avec sa casquette rouge de Forrest Gump vissée sur la tête, sa tenue running décontractée type année’90, Wesley Powell ne passe pas inaperçu. D’origine américaine, ce Bruxellois vit chez nous depuis bientôt 33 ans mais son accent trahit encore sa jeunesse passée dans l’État de New York.
Dans le Parc de la Woluwe, son terrain d’entraînement favori où nous l’avons rencontré, beaucoup de passants le reconnaissent. Pas pour ses exploits sportifs mais plutôt car il est assistant manager d’une grande surface située à quelques centaines de mètres de là, où il voit défiler des centaines de personnes chaque jour. Pourtant, à bientôt 58 ans, Wesley Powell est un phénomène de la course à pied en Belgique. Non pas pour ses chronos puisque, s’il a bouclé le marathon sous les 3h30 par le passé, il accumule les bornes essentiellement pour le plaisir désormais. Mais avec une impressionnante régularité.
Depuis le 25 novembre 2014, il ne s’est en effet pas passé un seul jour sans qu’il n’effectue une sortie de course à pied. Ce 10 février, vous pouvez faire le calcul, cela fait donc exactement 3000 jours consécutifs ! “Une troisième virgule”, se vante-t-il, faisant référence au jargon utilisé dans le microcosme des streak runners, ces coureurs qui accumulent les sorties jour après jour à travers le monde.
Wesley Powell, la première chose qu’on a envie de vous demander est pourquoi ! Pourquoi courir tous les jours ?
“Une fois que la série est entamée, l’envie de continuer s’installe. À un moment, s’arrêter devient impossible. En 1996, j’avais déjà couru 191 jours consécutivement, avant d’être stoppé par une blessure. Quand j’ai commencé en 2014, je savais que j’irais loin. J’ai d’abord franchi le cap des 100 jours. Puis battu mon record. Puis atteint un an… ”
"Blessures, maladies ou boulot, ce ne sont pas des excuses valables pour ne pas courir"
Rien ne vous a jamais stoppé en plus de 8 ans ?
“J’ai déjà été blessé, malade ou très occupé par le boulot ou un déplacement à l’étranger. Mais ce ne sont pas des excuses valables à mes yeux. Parfois, quand j’ai du mal, je me contente d’une sortie d’1 mile (1,6 km), qui est le minimum pour valider une sortie dans la communauté du streak running. Ça m’arrive en moyenne une fois tous les 15 jours. ”
Vous avez un secret ?
“Ce n’est certainement pas moins boire ou moins manger (rires). Je fais tout simplement ce que mon corps me dit de faire au quotidien. Certaines sorties, plus lentes ou plus courtes, vous permettent de récupérer. Au final, je ne cours pas plus sur une année que bien d’autres coureurs réguliers. Mon objectif est de faire 2000 miles chaque année (3200 km), mais je suis généralement un peu en dessous. Il y a des streak runners qui font un semi-marathon tous les jours depuis 10 ans. Là, c’est vraiment de la folie. ”
"Sur une année, je ne cours pas plus que bien d’autres coureurs réguliers..."
On peut parler d’addiction quand même…
“Un peu, sans doute. Mais il y en a qui font pire que moi. Le record du monde est détenu par un Américain, qui court chaque jour depuis 53 ans. Il est au-delà des 17000 jours. Si lui continue, je peux poursuivre jusqu’à 80, 90 ans. (rires) Mais, vous savez, je ne cours ni pour les chiffres ni pour les autres. C’est mon plaisir à moi. Plutôt qu’une drogue, je vois la course à pied comme de la méditation. Un moment spirituel où je suis seul avec moi-même tôt le matin, généralement vers 5h00. ”

Quelle est votre routine ?
“En fait, je suis… un paresseux. C’est pour ça que je cours tous les matins vers 5h00. Si je ne le fais pas à ce moment-là, je sais que je ne le ferais plus après. C’est en cela que je suis paresseux. Après le boulot, je n’ai plus envie. Donc, je me lève, je m’habille et je sors. C’est ma définition de la paresse. ” (rires)
"Il faudrait une jambe brisée ou une crise cardiaque pour m'arrêter..."
Vous imaginez une fin à votre série ?
“Non, absolument pas. Il faudrait vraiment quelque chose de très grave pour m’arrêter. Une jambe brisée ou une crise cardiaque par exemple. Quelque chose qui me mette complètement K.-O. Sinon, ce n’est pas une grippe ou une déchirure qui me stoppera. Il y a toujours moyen de trouver au moins 20 minutes pour sortir et s’aérer l’esprit. C’est le message que je veux également faire passer. C’est le premier pas en dehors de la maison qui est le plus difficile. Après, on est parti. ”