Paysages sauvages, authenticité et cailloux: bienvenue dans le massif de Belledonne
L’Échappée belle, pourtant plus courte que d’autres ultras, se boucle dans des temps bien plus longs. Découverte.
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- Publié le 27-08-2021 à 15h12
- Mis à jour le 11-05-2022 à 09h17
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Les meilleurs traileurs au monde rêvent de terminer l’Ultra Trail du Mont-Blanc (170 km et 10 000 m de dénivelé positif) sous les 20 heures. Parmi eux, le Français François D’Haene qui, en 2019, s’est offert un passage remarqué sur l’Échappée belle (149 km et 11 000 m de dénivelé), décrochant l’épreuve en 23 heures et 55 minutes. Au menu, 20 kilomètres de moins que sur le plus connu des ultra-trails au monde, mais il lui a fallu plus de 4 heures supplémentaires pour la boucler, malgré un écrasant record à la clé.
C’est dire toute la difficulté offerte par le massif de Belledonne, au cœur de l’Isère, qui accueillait le week-end dernier la 9e édition de cette Échappée belle remportée cette fois par le Français Thibault Marquet, en 25 h 14, signant au passage le 2e meilleur chrono depuis la création du trail en 2013. Bien loin avant l’arrivée du dernier concurrent à Aiguebelle, 54 heures après son départ au pied du château de Vizille.
6 km/h pour gagner
L'épreuve, qui se gagne donc sous les 6 km/h de moyenne, a la réputation d'être l'un des trails les plus difficiles, sans pour autant courir après cette étiquette. Des coureurs sur la ligne de départ, seule la moitié voit en moyenne l'arrivée. "L'Échappée belle s'intègre à son territoire", souligne Florent Hubert, son fondateur et directeur de course. "Ici, on descend parfois plus lentement que l'on ne monte. Mais c'est le terrain qui veut ça."
La Croix de Belledonne, le point culminant du parcours à 2 916 mètres, l’ascension du Morétan ou encore le col d’Arpingon résonnent comme autant de difficultés à franchir qui font peur aux plus aguerris. Mais la particularité de l’Échappée belle n’est cependant pas à chercher dans un sommet en particulier, mais plutôt dans la difficulté permanente qu’elle propose, sur ses quatre parcours, dont une Skyrace (21 km/2 000 m de D +) qui est venue s’ajouter au programme cette année.
"Ici, il n'y a jamais de temps de repos, des moments où on peut se mettre en pilote automatique et courir sans réfléchir", confirme le Français Édouard Laudier, deuxième du 149 km cette année après s'être imposé sur la Traversée Nord (85 km) et le parcours des Crêtes (62 km) lors des deux éditions précédentes. "Ces parcours ont une dimension hors norme."
Des cailloux, petits, grands, coupants
Dès que l’on prend de l’altitude et que l’on quitte les immenses forêts qui bordent un massif qui fait face de tout son long à celui de la Chartreuse, les coureurs basculent dans un univers parsemé de cailloux. Parfois petits, mais souvent grands. Parfois coupants également, mais omniprésents. Empilés par milliers, ces cailloux qui font à la fois la réputation et la difficulté du rendez-vous rendent la progression difficile. Et la course presque impossible.
"La patience est le maître-mot pour dompter l'Échappée belle. Il ne faut jamais s'enflammer", reprend Édouard Laudier, régional de l'étape qui figurait bien au-delà du top 10 en début de course pour petit à petit grappiller des places jusqu'à finir sur le podium. "Et même quand il n'y a plus de cailloux, les sentiers sont toujours escarpés. Ce n'est jamais facile. Les temps de course parlent d'eux-mêmes…"

Une atmosphère hors du temps
Il serait cependant inapproprié de réduire uniquement l’expérience d’un trail à travers le massif de Belledonne à ses cailloux. Ici, on bascule à chaque sommet d’un émerveillement à l’autre. Que l’on regarde devant ou derrière soi, on en prend plein les yeux sur ce parcours qui s’est aujourd’hui mué également en GR738, proposant la traversée de Belledonne dans le sens nord-sud sous le nom du sentier des Bergers et sur 130 km. Des panoramas plongeants à couper le souffle, loin de toute agitation. Mais aussi une multitude de lacs d’altitude et de cours d’eau bienvenus quand on affronte Belledonne au cœur de l’été.
Dans ce décor, les participants délaissent parfois la civilisation de longues heures durant, croisant tout au plus les quelques bénévoles solidement accrochés à leur poste et chargés de s'assurer du bon passage des coureurs dans une ambiance familiale qui fait aussi l'attrait du rendez-vous. "Nous sommes là depuis tôt ce samedi matin et on est partis pour une bonne partie de la nuit", nous confient deux d'entre eux, assis sur un banc en plein soleil à proximité d'un alpage peu après le difficile mais époustouflant passage des 7 Laux. "C'est une manière pour nous de vivre la course de l'intérieur, de faire connaissance avec l'organisation avant, qui sait, d'être au départ l'année prochaine."
Le massif de Belledonne, malgré sa difficulté, attire tel un aimant. Et beaucoup rêvent, déjà, d’être au départ de la 10e édition en 2022.
Les innombrables atouts trail de l’Isère
L’Isère, hôte de l’Échappée belle, est une terre de trail. Le département est d’ailleurs celui qui recense le plus de courses sur les sentiers en France. Cela n’a rien de surprenant tant le territoire offre de multiples possibilités. Depuis Grenoble, son chef-lieu, les montagnes sortent de terre de partout. Entre le parc régional du Vercors, le massif de la Chartreuse et celui de Belledonne, le traileur ne sait plus où donner de la tête tant les tentations sont nombreuses. Sans parler du parc national des Écrins à proximité.
Niveau courses, il y a bien sûr les références comme l’UT4M ou l’Échappée belle, mais aussi l’historique Trail du Grand Duc ou le Trail des Passerelles dont les photos font le tour de la Toile chaque année. Mais, pour découvrir le territoire le temps d’un séjour sans nécessairement se mettre dans le rouge, rien de tel qu’un détour par l’une des trois stations trail, en Chartreuse (la première créée), en Oisans et dans le Vercors. Un concept de réseaux de sentiers balisés qui a son succès en Belgique et qui permet de se lancer à l’assaut des chemins selon ses envies et son niveau.
Florentin Gooris : "Un parcours titanesque"
Difficile de trouver un point commun entre les terrains de jeu proposés par les trails en Belgique et celui de l’Échappée belle. Tout au plus quelques sentiers parfois un peu boueux en forêt quand on s’approche de la vallée. Pourtant, les Belges ont développé une vraie attirance pour le massif de Belledonne. Sur les quelque 2 000 participants (600 sur les trois épreuves, en plus de 200 sur la nouvelle Skyrace) qui ont rejoint un événement sold-out quelques heures après l’ouverture des inscriptions, une centaine de Belges. Soit la moitié des étrangers présents pour cette 9e édition.

Parmi eux, Florentin Gooris. L'homme derrière la bière des traileurs qu'est La THArée a frappé fort en accrochant la 17e place, après 32 h 38 d'efforts. "Je suis extrêmement heureux", nous raconte le résident de Rettigny (Gouvy). "Être finisher était déjà une première victoire. Avec cette 17e place et ce chrono, je ne suis pas loin du maximum que je puisse espérer sur une telle course."
Pour arriver à un tel niveau en terrain hostile, Florentin Gooris n’a rien laissé au hasard.
"Belledonne, ça se prépare", assure-t-il. "Il faut faire du renforcement, il faut chercher la difficulté avec des terrains techniques et vallonnés et, spécifiquement pour cette épreuve, il faut faire une incursion en montagne au préalable. Ce n'est pas du tout un parcours pour les Belges car on n'a pas de telles conditions chez nous. On déguste. Il faut donc avoir une belle condition générale, rien que pour en venir à bout. Je suis donc heureux d'avoir pu, dans la dernière descente, dépasser à 15 km/h certains coureurs bien plus habitués que moi à ce type de conditions."
Finir, un exploit
Le Luxembourgeois, qui n'avait rien laissé au hasard, savait qu'il s'attaquait à un énorme morceau. "Le parcours est tout simplement titanesque. En course, quand tu réalises ce que tu as déjà fait et ce qu'il te reste à faire, tu te dis que c'est complètement fou. Ce n'est qu'une accumulation de difficultés. Tous ceux qui terminent sont des costauds. Les capacités physiques et mentales, avec de la roche, de la chaleur et de longues difficultés, sont mises à rude épreuve."
