2.650 km à travers les Alpes pour Karel Sabbe: "Courir m’offre un sentiment de bien-être absolu"
L’ultra-runner gantois Karel Sabbe s’est offert la Via Alpina cet été. Une aventure qui vient d’être déclinée en film.
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- Publié le 09-12-2021 à 14h37
- Mis à jour le 10-12-2021 à 09h05
Karel Sabbe, ultra-runner gantois, a traversé les Alpes en courant cet été, depuis Trieste en Italie jusqu’à Monaco En avalant en 30 jours 2 650 km et 15 000 m de dénivelé positif (soit l’équivalent de l’ascension de la tour Eiffel environ 500 fois !). Le tout à travers huit pays et avec, sur la fin, des conditions météorologiques parfois dantesques. Chaque jour, il a accompli un double marathon, parsemé de quelque 5 000 m de D + !
Cet exploit sportif, accompli en compagnie d’une équipe de proches aux petits soins pour son assistance, constitue un record sur ce sentier de randonnée (FKT, pour Fastest Know Time). Ce n’est pas la première fois que le Belge, dentiste de profession, vient à bout d’un pareil défi puisqu’il avait notamment établi des records sur le Pacific Crest Trail (4 280 km !) et l’Appalachian Trail (3 500 km), deux des sentiers de randonnées les plus réputés en Amérique du Nord.
Plus que le énième récit d'une aventure sportive certes extraordinaire et dans des décors majestueux au cours de laquelle il avoue avoir dû se battre pour chaque kilomètre, c'est le cheminement qui pousse un homme, jeune papa et professionnellement bien installé, à relever ce type de défi pouvant paraître surhumain qui est au cœur du film (Solase : running the Alps in 30 days) qu'il a présenté en avant-première mercredi dernier à Waregem, sa ville natale. Voici ce qu'on retient des propos partagés à cette occasion par Karel Sabbe.
"Courir, une échappatoire"
"Nous vivons dans une société qui ne s’arrête jamais. Il y a toujours beaucoup à faire. Mais, quand je sors pour courir, quelques minutes ou quelques heures, tous les problèmes du boulot ou de la maison sortent de mon esprit pour faire place à un état de bien-être absolu. C’est une sensation très spéciale, sans doute unique à la course à pied. Quand je fais des longues distances, je suis réellement dans un état de pureté absolue. C’est l’état où je me dis : ‘C’est le moment.’ C’est incroyable quand tu peux ressentir ça en tant qu’humain. Je sens mieux, j’entends mieux. Je suis capable de dire si un simple craquement est celui d’un ours ou d’un autre animal. C’est unique."

"Cela me grandit en tant que personne"
"Traverser les Alpes, ce n’était pas simplement le fait de courir ou de battre un record. C’est avant tout une bataille mentale avec soi-même. Chaque fois que je fais une pareille aventure, j’apprends énormément sur qui je suis et j’évolue en tant que personne. C’est très enrichissant pour moi, mais, en même temps, c’est une nécessité que j’ai. J’en ai besoin pour continuer à m’émerveiller, découvrir. Et ça continuera à l’avenir."
"J’ai peur du temps qui passe"
"Ma plus grande crainte dans la vie est que le temps passe sans que je puisse accomplir ce que je veux. Plus tard n’est pas un meilleur moment qu’aujourd’hui. Si tu veux faire quelque chose, il faut le faire maintenant. C’est la simplicité et le bonheur à la fois. Ça vous fait comprendre qu’on n’a finalement besoin de rien de plus que la nature pour être heureux. Dans cette société de rapidité, c’est une leçon importante."

"Ça ne doit pas être mauvais pour ma santé…"
"Beaucoup me demandent si c’est bon pour la santé de courir autant et si longtemps ! Je pense que ça ne doit pas être recommandé (rires). Tout fait mal, je me sens super fatigué. Je veux même parfois renoncer. Mais il n’y a rien en moi qui m’empêche de continuer. C’est comme si c’était naturel pour moi. Je n’ai d’ailleurs jamais été blessé en courant. C’est un signe que, même si ce n’est peut-être pas ce qu’il y a de mieux pour mon organisme, je ne me mets pas en danger et que je ne détruis pas mon corps jusqu’à franchir mes propres limites."
"Je souffre parce que je le veux"
"Avec de telles distances et un tel dénivelé, ton corps souffre beaucoup, évidemment. Tes muscles sont endoloris, tout fait mal petit à petit. Mes proches voient évidemment que je souffre. Mais ils acceptent cela parce que c’est une démarche volontaire. Si ma femme me voyait dans pareille situation parce que je suis malade, elle en serait elle-même malade. Mais ici c’est voulu. Il faut toujours être capable de garder cela à l’esprit. Quand on me voit souffrir, il faut se dire que c’est volontaire. Et puis, tout cela n’est que temporaire. Après une nuit, ça va mieux. Après deux ou trois semaines, c’est oublié. Je n’aime cependant pas être dans cet état et je préférerais évidemment réaliser des records sans passer par la douleur, mais ce n’est simplement pas possible…"

"Faites (presque) comme moi"
"Beaucoup de gens sont, j’en suis persuadé, comme moi. Beaucoup ont du mal avec cette société pressée qui ne s’arrête jamais. Mais prenez le temps de vous ressourcer, de faire une pause. Il ne faut pas nécessairement partir 30 jours et faire 2 600 km de course (rires). Ça peut être une randonnée, voire une simple promenade un dimanche dans le parc. Mais il y a bien plus dans la vie que simplement le boulot ou les embouteillages. En tant qu’humains, nous avons besoin de cela. Nous venons de la nature, il ne faut jamais l’oublier."
