Vrai ou faux? Dix idées préconçues sur l'entraînement passées au crible
Si vous êtes un coureur, vous avez inévitablement été confronté à l’un ou l’autre discours péremptoire à propos de l’entraînement. “Vraiment, je t’assure, ça ne sert à rien de s’étirer !”, “Tu devrais aller courir à jeun, ça aide à brûler les graisses !”, “Si tu veux progresser, il faut t’entraîner plus !” On entend ces propos à peu près partout, professer avec de bonnes intentions. Cependant, ont-ils raison pour autant ? On a décortiqué pour vous quelques- unes de ces idées préconçues sur les manières de s’entraîner.
- Publié le 24-03-2022 à 06h00
- Mis à jour le 11-05-2022 à 09h13
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1. "Plus je m’entraine, plus je deviens fort" > FAUX
Ah ! Si tout était si simple. Dans les grandes lignes, on ne peut nier qu’un coureur qui passe de 1 à 4 sorties par semaine a de grandes chances de voir ses chronos s’améliorer. Mais pour ceux qui ont déjà l’habitude d’enchainer les bornes...faut-il en faire encore plus ? La première réponse consiste à rappeler que quantité n’équivaut pas à qualité. Il faut développer plusieurs filières pour progresser (capacité aérobie, puissance aérobie, capacité anaérobie, ou en d’autres termes, endurance fondamentale, seuils, VMA). Autrement dit, augmenter le volume est une solution basique, mais rapidement insuffisante !
2. "Plus je m’entraine dur, plus je deviens fort" > FAUX
Qui ne s’est jamais laissé inspiré par le célèbre dicton des Kényans "Train hard, Win easy !", référant notamment à leur remarquable abnégation dans la souffrance et le labeur. Heureusement, quelques entraineurs bien avertis ont tôt fait d’y opposer le slogan : "Train smart, win easy !"
D’abord, il est prouvé scientifiquement que certaines filières énergétiques se développent beaucoup mieux via des efforts modérés qui correspondent à votre niveau. Rien ne sert donc, quand on travaille "au seuil" ou en endurance fondamentale, de vouloir rentrer en rempant à la fin de la séance. Bien souvent, c’est contre-productif ! Ensuite, notre corps a parfois besoin de repos, de décharger, pour surcompenser et mieux repartir encore après avoir récupéré. Certaines séances doivent donc être allégées et adaptées à la forme du jour (notamment en fonction des facteurs de la vie quotidienne – fatigue du travail, stress, etc). Sinon, on risque la blessure ! Et même si "ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort", un coureur blessé est trop immobile pour battre des records. Une planification cohérente tenant compte de chaque athlète et de ses objectifs permettra d’éviter cet écueil. En somme, il ne faut pas confondre implication maximale et intensité maximale à chaque entrainement !

3. "Courir vite à l’entrainement me permettra de m’améliorer plus rapidement" > FAUX
C’est une logique instinctive qui semble implacable : plus je vais vite à l’entrainement, plus j’irai vite en compétition. Et pourtant...la zone de travail la plus importante pour le développement des qualités d’endurance correspond à une intensité d’effort très faible ! Lafontaine, avec son lièvre et sa tortue, nous offrait déjà les prémisses d’une leçon pour coureur de fond : ce n’est pas forcément le plus rapide qui franchit la ligne d’arrivée en premier ! La base de tout entrainement se constitue sur des allures de footing douces, aisées, contrôlées (à environ 60% de votre VMA si vous avez l’occasion de réaliser un test). De cette manière, le corps consolide sa capacité à engendrer des efforts plus intenses par la suite et une plus grande capacité de régénération.
Pour produire leur meilleur effet, vos sorties en endurances doivent plus ressembler à un long fleuve tranquille qu’à un torrent déchainé. Une fois la base consolidée, bien sûr, il sera intéressant d’ajouter quelques séances stimulantes avec une plus grande intensité, mais celles-ci n’occuperont tout de même qu’une petite part dans l’ensemble de votre plan d’entrainement. Par exemple, à raison de 4 séances par semaine, une seule devrait être courue selon des rythmes élevés, proches de ceux visés en compétition (et donc variables pour chacun, le "vite" pour moi ne sera pas forcément le "vite" de mon partenaire d’entrainement).
4. "Les étirements ne servent à rien !" > FAUX
Les théories les plus diverses fusent dans toutes les directions au sujet de l’efficacité des étirements en course à pied. La vérité est sans doute à l’intersection de chacune de ces opinions. En matière d’étirements, tout dépend du contexte : le moment, la discipline, l’athlète, son état, ses habitudes, ses préférences.
Une chose toutefois demeure certaine : les étirements correctement effectués améliorent la souplesse et permettent dès lors d’exécuter de nombreux mouvements avec plus d’ampleur. De plus, un muscle bien étiré pourra être travaillé de façon plus efficace et plus ciblée. Mais comment "bien" s’étirer ? Il convient de privilégier des exercices de mobilité ou dynamiques avant la séance d’entrainement. Autrement dit : des étirements, oui, mais pas trop longs ! Les muscles étirés pendant plus de 30 secondes peuvent en effet produire moins de force ensuite. En revanche, des exercices d’étirements dynamiques, courts et ambles échauffement les muscles et les préparent à l’effort de manière adéquate.
5. "Il faut s’entrainer en groupe pour réussir !" > VRAI ET FAUX
Oui et non. Le travail collectif est indubitablement galvanisant. Si le groupe est homogène, il n’y a aucun doute sur son effet positif. Un groupe tire ses membres vers le haut, en renforçant l’exigence, en poussant chacun à se dépasser et en aidant à tour de rôle à s’accrocher en cas de difficulté. Sur le plan mental, la cohésion permet de cimenter les objectifs et de se surpasser pour participer à un projet commun.

Néanmoins, chacun vise une progression individuelle, qui ne se réalisera pas simultanément ni identiquement pour chacun. Il faut donc fixer des objectifs adaptés à son propre niveau, et des moyens propres à chaque individu pour y parvenir. La difficulté des exercices doit être paramétrée pour que le sportif soit mis en difficulté mais de façon personnalisée. Si on s’entraine avec d’autres athlètes beaucoup plus forts ou au contraire beaucoup plus faibles, le risque est grand de stagner voire de régresser. Il faut s’inspirer des partenaires d’entrainement, sans pour autant s’égarer soi-même ou se sacrifier au nom du groupe.
Par ailleurs, certains sont de grands adeptes de la solitude de la course de fond : si on sait comment l’apprécier, elle permet de se ressourcer, de s’écouter, de se respecter sur tous les plans.
6. "Face au manque de temps disponible, mieux vaut trois séances de 30 minutes qu’une seule de 1h30 !" > VRAI
Il est généralement préférable de réaliser trois séances un peu trop courtes plutôt qu’une seule très longue. Le critère fondamental de la progression en course à pied, c’est la régularité ! Des efforts bien calibrés en intensité et espacés par une récupération adéquate entrainent une évidente amélioration des capacités.
Trois séances plutôt qu’une, cela permet également de travailler des filières différentes : une sortie en endurance fondamentale, une sortie avec du travail au seuil (par exemple même 15’ !), et une fartlek rapide pour la puissance aérobie (par exemple 2x6x30/30) et au final, la semaine est réussie.
Dans le cas d’une seule séance hebdomadaire, il sera impossible de cibler plusieurs objectifs différents, et surtout, le temps de récupération inter-séances sera trop long pour éviter une régression sur le moyen terme.
7. "Impossible de réussir dans un sport si on ne possède pas la morphologie adéquate !" > FAUX
Les aptitudes morphologiques peuvent être déclinées en deux parties : d’abord la morphologie (l’aspect général du corps) et les mesures anthropométriques (qui regroupent les diverses mensurations de l’individu - taille, longueur des membres, taille assise, etc.). Si l’entrainement physique ne peut pas modifier les mesures, il a toutefois une potentielle incidence sur la morphologie en modifiant les sections musculaires et en réduisant le taux de masse grasse.
La génétique est un facteur déterminant dans la performance : on peut être petit ou grand, mais très endurant…ou pas du tout ! Usain Bolt est lui-même un cas rare : à la fois gigantesque, mais aussi explosif ! Ce qui en fait le plus illustre et le plus « grand » (au sens figuré comme au sens propre) sprinter de tous les temps.
Enfin le travail technique réalisé pour adapter ses qualités personnelles aux facteurs déterminants de la performance va changer la donne. On croit -relativement à bon droit- que les athlètes longilignes et affinés ont plus de prédispositions pour la course de fond. Or, des athlètes plus costauds et plus musclés ont souvent tenu la dragée haute à leur adversaires plus légers, sur 10000m autant que sur marathon. Le système cardio-vasculaire a dans ce cas plus d’importance que la morphologie.
La morphologie est donc bien moins déterminante dans les chances de performer que le travail réalisé avec cohérence, assiduité et engagement. Elle est d’autant moins importante dans les disciplines faisant appel à des facteurs de performance variés et nombreux.
8. "Pendant les trêves estivale et hivernale, il ne faut rien faire !" > VRAI et FAUX
Tout dépend de la durée de repos prévu. Une petite semaine de repos complet s’avère généralement positive sur les plans psychologique et physique. Au-delà, s’enclenche un processus de "désentrainement". Ce peut être voulu : si on a réalisé une saison éprouvante, avec des objectifs exigeants et éreintants, le corps a besoin de se ressourcer ! Et la reprise occasionnera alors des stimuli intéressants.
Par contre, il convient de s’entretenir en pratiquant l’une ou l’autre activité physique différente. Du vélo, de la natation, ou un sport collectif permettent de diversifier les plaisirs tout en gardant son corps actif. Par ailleurs, contrairement à la trêve estivale (située entre deux saisons avec des objectifs "différents"), la trêve hivernale coupe la saison en deux.
9. "Courir à jeun fait forcément progresser" > FAUX
Il ne viendrait pas à l’idée d’un cycliste d’entamer une sortie longue sans avoir au préalable ingurgité au minimum un en-cas. N’importe quel souvenir de fringale suffira à l’en dissuader. À l’inverse, les joggeurs sont nombreux à franchir le seuil de la porte à l’aube pour un footing à jeun. Au-delà de l’aspect pratique (aller courir avant le boulot, "comme ça c’est fait !"), c’est surtout la volonté de perdre du poids et de "brûler des graisses qui anime ces courageux coureurs. En effet, la pratique d’une activité physique à jeun contribue à augmenter la part de lipides utilisés par le muscle à l’effort. Et cette contribution continue d’être plus élevée durant plusieurs heures après l’exercices.
Mais ces séances à jeun n’offrent pas que des avantages...Pour le coureur qui décide de s’entrainer dès le lever, la menace d’une hypoglycémie est bien réelle. Outre la mobilisation des lipides, la libération accrue d’hormones et en particulier de cortisol, consécutive à un effort à jeun, conduit à une dégradation des protéines corporelles. Ainsi, les acides aminés sont détournés de leurs missions de construction et de réparation tissulaires pour servir de source énergétique. Des risques subséquents de fatigue, de blessures et de fragilisation du système immunitaire peuvent apparaître.
Quelques conseils à suivre ? On veillera à se limiter à maximum 2 séances à jeun par semaine, à se contenter de temps de course de 40 à 50’ maximum, à ne pas dépasser une intensité d’effort au-delà de 70% de la VO2MAX et à majorer les apports en protéines du repas qui suit une séance à jeun.

10. "Il faut se fixer un objectif ambitieux pour progresser" > VRAI
Pour s’entrainer régulièrement et "se faire mal", il faut être motivé. Et la motivation naît avant tout de l’objectif que l’on se donne. Comment le déterminer ? Il faut qu’il soit exigeant, mais pas impossible pour vos capacités. En somme, pas facile à atteindre, voire audacieux, mais réaliste. Par contre il faut le décliner en étapes matérialisables. Il peut s’agir d’une place à décrocher (intégrer le Top 10 sur telle course, monter sur le podium lors de tel évènement). On peut aussi se concentrer sur l’idée d’aller jusqu’au bout (finir un 10km, un semi-marathon, un marathon). Et puis enfin, on peut viser un chrono précis qu’on s’estime capable de réaliser si on s’entraine de manière adéquate et spécifique. À chacun son rêve, au fond.
Mais pour maintenir le cap sur le long terme et s’astreindre à un entrainement parfois difficile, il faut se donner des points d’étapes intermédiaires en relation avec les capacités personnelles. Il y aura des embûches ou des périodes délicates. Vous éprouverez peut-être des doutes ou des remises en question par rapport à votre envie de vous entrainer. Vous vous sentirez peut-être perdus. Dans ces moments, avoir un objectif ambitieux joue un rôle de boussole. Atteindre cet objectif est une course de fond. Peu importe si des détours sont nécessaires si vous êtes convaincus par la destination.