Du flag aux filles en passant par la reconnaissance par l’Adeps : le football américain en Belgique à l’heure du SuperBowl
Les chantiers ne manquent pas pour que ce sport prospère dans nos contrées.
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Publié le 08-02-2023 à 07h48
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Les Chiefs et les Eagles peaufinent les tactiques, les génies du marketing mettent la dernière touche à leurs publicités renforcées par de nombreuses stars, Rihanna s’apprête à se déhancher pour le spectacle de la mi-temps, DJ Snake chauffe les platines : cela sent bon le SuperBowl. Le quoi ? La finale du championnat de football américain outre-Atlantique. Une occasion rêvée pour ce sport physique, mais fair-play, d’être mis en lumière. “Il faudrait en parler plus souvent. C’est toujours au moment du SuperBowl qu’on se rappelle à nous, constate Pascal Decoo, président des Brussels Tigers, le club d’Evere. Il y a des compétitions qui se passent toute l’année, une ligue européenne a été créée et prend de la vigueur. En plus, les équipes NFL se rapprochent de plus en plus de l’Europe (NdlR : des matchs sont organisés en Angleterre et en Allemagne). Il y a pas mal de choses qui se passent au niveau du football américain.”
Le Covid a fait du mal
Un constat que Georgy Baudart ne peut qu’appuyer. ” Le football américain se porte très bien en Wallonie-Bruxelles”, assure le président passionné de la Ligue francophone de football américain (LFFA), qui a un pendant flamand, le tout chapeau par une ligue nationale. De quoi compliquer la tâche de deux qui œuvrent pour que le foot us prospère dans notre Royaume. “Nous sommes maintenant reconnus depuis septembre 2022 par l’Adeps et pouvons prétendre l’an prochain à des aides financières. Nous avons commencé des projets de formation de coach et d’arbitres. Un projet commun existe avec la France concernant des échanges au niveau des joueurs mais aussi du coaching. Par ailleurs, cette année, un championnat juniors sera lancé.”
Si aux États-Unis, participer au développement du football américain peut représenter un aboutissement, en Belgique, c’est une affaire de passionnés. Il faut dire que le nombre de licenciés dans le Royaume n’explose pas… encore. Mais la mise en lumière du football américain apportée par le SuperBowl peut servir de tremplin. “Le Covid a provoqué des dégâts mais les clubs sont en train de reformer les troupes, énonce Georgy Baudart. Les clubs ont souffert mais la Ligue aussi. Nous étions à 1000 membres auparavant, nous venons d’atteindre les 600. Cela fait 150 nouveaux membres.”
Le flag, porte d’entrée
Pascal Decoo apporte une nuance importante : “Ce sont les licenciés en compétition. On a des membres qui viennent, qui sont au club, qui sont des membres adhérents. On était un peu plus que cela avant le Covid mais c’est en train de remonter. Comment attirer du monde ? On fait pas mal de promotion sur les réseaux sociaux. À chaque entraînement, je vois des nouvelles têtes qui viennent essayer. On tente de faire des actions dans les écoles pour sensibiliser les professeurs de gymnastique au flag (NdlR : sport dont règles sont issues du foot américain et qui consiste à enlever le drapeau du porteur du ballon pour l’empêcher de progresser), qui est sans contact et peut donc s’y pratiquer sans problème. En faisant ces activités, en montrant nos matchs, on peut attirer de plus en plus de monde.”
Le flag se porte bien. Cela peut attirer vers le football américain.
Le flag, c’est un point d’entrée vers le football américain. Une manière de se familiariser, sans risque, avec le sport, d’y prendre sa place et y trouver du plaisir. Voilà pourquoi le but est de développer la discipline. “En Belgique, le flag se porte bien, constate Georgy Baudart. Il y a un championnat national, avec six journées puis le flagball. On compte une vingtaine d’équipes. Cela peut attirer vers le football américain. Il y a un projet venu de France, le flag zone, qui permet d’introduire le sport dans les écoles, avec des explications et une brochure pour aider les profs de gymnastique.”

Se mettre au football américain, dans sa version classique ou via le flag, cela peut se faire tout âge. “C’est l’un des rares sports dans le monde où tu peux commencer tardivement et pourtant avoir du succès, notamment parce qu’il y a beaucoup de postes dans ce sport, s’enthousiasme Brandon Collier, fondateur de PPI Recruits, qui aide les sportifs de tous horizons à tenter leur chance dans le sport universitaire. Que vous soyez grand ou petit, il y a toujours un poste que vous pouvez occuper dans ce sport.”
Sports pour tous et toutes
L’une des forces du football américain, c’est bien qu’il n’y a pas de prototype d’un joueur formaté qui peut convenir. Tous les gabarits sont admis. Mieux, même : tous les gabarits sont recherchés, du petit mince au grand costaud. “On travaille en équipe, c’est un sport social, assure Georgy Baudart. Tout le monde peut jouer, peu importe le poids ou l’endroit où on se situe dans l’échelle sociale. On a besoin de tout le monde. Les filles aussi peuvent jouer !”
Le football américain féminin en Europe a des grandes chances de se développer beaucoup plus fort.
L’exemple de Sarah Viola, qui perce au niveau international, est à cet égard criant. Les Brussels Tigers comptent parmi eux une équipe féminine, qui n’est pas encore en compétition. “C’est toujours une image qu’on donne, c’est un sport viril, embraye Pascal Decoo. Les filles peuvent jouer avec des garçons dans les compétitions plus jeunes. Les musculatures sont différentes. Quand on fait jouer des filles contre des filles, cela devient un sport tout à fait intéressant et qui peut se développer. Je pense même que le football américain féminin en Europe a des grandes chances de se développer beaucoup plus fort. Mais il y a vraiment du potentiel dedans.”

Contacts et sécurité
Peu importe qui le pratique, le football américain est un sport de passionnés. Et si vous avez déjà regardé un match ou tenté de faire aussi bien que vos joueux préférés lors d’un simple entraînement en Belgique, vous aurez constaté que le contact est une composante indissociable de ce sport. Et qui dit contact, induit bobos en tous genres. Alors si les chocs sont impressionnants, les athlètes sont protégés et les règles évoluent. Mais un père ou une mère peut éprouver quelques scrupules à laisser son enfant chéri se réaliser sur 120 yards. “Je comprends les parents, note Georgy Baudart, le président de la LFFA. Mais le sport a changé et évolué. Les coups de tête sont interdits, les règles concernant les placages ont changé également. Les joueurs sont bien mieux protégés.”
Il y a toujours un risque, peu importe le sport qu’on choisit. Mais le jeu est de plus en plus safe.
”C’est un sport de contacts certes mais le jeu est plus safe qu’il y a quelques années et cela s’améliore encore, abonde Brandon Collier. Alors oui, il y a des risques, bien sûr, mais comme au football, où il peut y avoir des commotions. Il y a toujours un risque, peu importe le sport que l’on choisit. Certes, il y en a un peu plus en football américain. On doit faire avec cette composante mais le jeu est de plus en plus safe. Cela s’est amélioré.”
Le football américain, c’est une communion entre des athlètes venus d’horizons divers. “Le football américain va renforcer l’esprit d’équipe, confirme Pascal Decoo. La notion de bloc va faire qu’il y a un joueur qui va porter le ballon. Les autres vont se sacrifier eux-mêmes physiquement pour que le joueur puisse avancer. Cela renforce l’esprit d’équipe et la confiance qu’on doit avoir entre les joueurs. Même chose pour les placages.”
L’importance de l’argent
Comme dans tout autre sport, le nerf de la guerre, c’est l’argent. Sans doute un peu plus en football américain, en Belgique, quand le sport tente si pas d’exister, au moins de se faire connaître. La reconnaissance de la LFFA par l’Adeps en 2022 semble à ce titre plus qu’intéressante. “C’est un point de basculement assez important, confirme le président des Tigers. On voit qu’il y a de plus en plus de terrains de football américain qui sont créés. Cela commence vraiment à se développer. À partir du moment où ce sport sera un petit peu plus mis en avant dans les écoles, cela permettra aussi d’avoir un développement. Les 30 ans n’ont pas servi à rien ; on a amélioré notre niveau. On a mis en place des formations pour le coaching et l’arbitrage, toute l’infrastructure doit suivre évidemment. On va vraiment rentrer maintenant dans une grosse phase d’expansion. On essaie de professionnaliser de plus en plus avec les moyens qu’on a. On espère qu’avec la reconnaissance Adeps, cela va permettre de faire un bond en avant, de pouvoir dédommager certaines personnes. Ce qui permettrait d’avoir une croissance dans le développement.”
Le football américain, en Belgique, existe et avance grâce à des passionnés. “Les clubs cherchent des sponsors et des subsides, constate Georgy Baudart. Ce sera peut-être pour l’an prochain vu qu’on est reconnu. Nous devons rentrer les dossiers auprès de l’Adeps, c’est un gros chantier. Nous travaillons avec d’autres Fédérations, mais avec nos valeurs.”
Le rêve des jeunes
Mais alors que l’avenir aussi chargé qu’intéressant, le sport prend le pas un instant. Le SuperBowl, ce dimanche va drainer beaucoup de téléspectateurs, que cela soit en direct ou en différé. Les plus jeunes auront des étoiles dans les yeux en regardant Patrick Mahomes ou encore Jalen Hurts. Qui sait ? Le premier Belge à remporter le SuperBowl est peut-être déjà né. “En Amérique, on voit que les Européens jouent de mieux en mieux, assure Brandon Collier. Dans mon pays, on voit le potentiel. On y aime le talent. À l’avenir, je pense que beaucoup d’enfants européens peuvent rêver de faire partie de la NFL.”
Mais pour un jour parvenir au firmament de son sport, il faut cultiver son propre jardin. Et que ce soit à la LFFA ou dans le club, tout est fait pour que le blé pousse de manière optimale sur tous les terrains de 120 yards…
