4 fois plus de risques d’accident avec le kit main libre
En utilisant un kit mains libres, un conducteur téléphonant au volant regarde deux fois moins les signaux routiers.
Publié le 21-11-2016 à 06h32 - Mis à jour le 21-11-2016 à 14h06
En utilisant un kit mains libres, un conducteur téléphonant au volant regarde deux fois moins les signaux routiers. Le kit mains libres est la solution si vous voulez éviter les amendes pour téléphone au volant. Même si l’usage de ces systèmes permet, en effet, de récupérer l’usage total des mains, niveau concentration, le kit mains libres, ce n’est pas la panacée.
Voilà ce que révèle une nouvelle étude révolutionnaire, menée par l’Institut belge de sécurité routière (IBSR) que la DH s’est procurée en exclusivité. Celle-ci lance la semaine contre la distraction au volant.
L’étude rapporte que même en utilisant un kit mains libres, un conducteur qui téléphone au volant regarde deux fois moins les signaux routiers au cours de son trajet. Lors des tests, les volontaires étaient moins attentifs à certains aspects pertinents dans la circulation tels que les autres usagers et les signaux routiers. Ils regardaient 44 % moins les panneaux et 28 % moins les autres véhicules lorsqu’ils répondaient à l’appel que lorsqu’ils n’étaient pas en conversation téléphonique.
De plus, les personnes testées regardaient moins souvent et moins longtemps dans leur rétroviseur de gauche et roulaient plus sur la bande du milieu. Téléphoner avec un kit mains libres influe donc grandement sur notre comportement au volant et peut expliquer en partie pourquoi tant de conducteurs oublient de se remettre sur la première bande. "Lors des tests, trois conducteurs ont même raté la sortie d’autoroute qu’ils devaient emprunter, et une autre a commis un excès de vitesse", raconte Benoit Godart, porte-parole de l’IBSR.
Téléphoner au volant incite par ailleurs les automobilistes à rester, sans s’en rendre compte, sur la bande du milieu. L’IBSR a réalisé cette étude à l’aide de lunettes révolutionnaires enregistrant tous les mouvements des yeux pendant une conversation téléphonique.
Évidemment, reconnaît l’IBSR, il est difficile de quantifier les risques du GSM au volant et les estimations varient d’une étude à l’autre, mais la Fondation néerlandaise pour l’étude scientifique de la sécurité routière (SWOV) estime qu’un conducteur qui téléphone au volant court 3 à 4 fois plus de risques. Selon Karin Genoe, Administrateur délégué de l’IBSR, "la distraction dans la circulation est un problème de plus en plus préoccupant. Il est nécessaire de continuer à insister sur les dangers occasionnés par l’usage du GSM au volant, même avec un kit mains libres. À choisir, il vaut évidemment mieux respecter la loi, mais le conducteur doit être conscient que c’est surtout la conversation téléphonique qui est l’élément perturbateur, même avec un système mains libres".
Sur les routes, les survivants restent meurtris à vie
Lorsqu’une personne est grièvement blessée dans un accident de circulation, les conséquences pour la victime et son entourage sont souvent nombreuses et lourdes à assumer. Dans un cas sur 6, un membre de sa famille doit arrêter de travailler pour rester auprès de la personne accidentée et la soigner.
Près de 80 % des blessés ne s’en remettent jamais totalement. C’est ce qui ressort de la nouvelle étude européenne My Life After The Crash (MyLAC) initiée par l’IBSR. L’étude est diffusée à l’occasion de la journée mondiale du souvenir des victimes de la route. Pour rappel, l’an dernier, 732 tués, 4.201 blessés graves et 47.638 blessés légers ont été recensés sur nos routes.
Voici en vrac les résultats de l’étude MyLAC :
La tête souvent touchée, même en voiture. Environ 60 % des personnes interrogées ont dû séjourner plus de 7 jours à l’hôpital à la suite de leur accident de la route. Les lésions physiques les plus fréquentes sont celles à la tête, aux membres inférieurs et à la colonne vertébrale.
Stress post-traumatique dans 60 % des cas. Après un accident, plus de 60 % de toutes les victimes interrogées ont éprouvé du stress post-traumatique. Il est donc question ici des victimes qui sont restées moins de 7 jours à l’hôpital. 70 % des victimes qui ont séjourné plus de 7 jours à l’hôpital ont connu une grave dépression par la suite. Un accident de la circulation a donc un impact considérable sur le plan psychologique qu’il ne faut pas sous-estimer.
1 blessé sur 5 a dû aménager sa maison. Chez 18 % des victimes d’un accident de la circulation, le domicile a dû subir des aménagements. 30 % d’entre elles ont même dû déménager à la suite de l’accident. Dans 1 cas sur 6 (16 %), un membre de la famille proche de la personne accidentée a même dû arrêter de travailler pour la soigner.
Un blessé grave sur cinq perd plus de 1.000€ par mois. La moitié des personnes blessées dans les accidents (49 %) ont reconnu avoir connu une baisse de leurs revenus d’environ 200 € par mois et près d’un blessé sur 5 (18 %) une diminution de plus de 1.000 € par mois.
Même entraîné, le conducteur est "nettement moins concentré"
La DH a joué le jeu de se transformer pour une vingtaine de minutes en cobaye de cette expérience d’un nouveau genre. Bernard est plutôt rodé à la conduite et au kit mains libres.
Pour cause, notre homme parcourt plus de 60.000 kilomètres par an au volant de son véhicule. En outre, il reçoit quotidiennement les instructions pour son travail via des appels téléphoniques, auxquels il répond via les haut-parleurs et le micro de sa voiture. "Cinq, six fois par jour au moins, j’utilise ce kit mains libres. J’essaie néanmoins de ne pas faire durer les conversations. En général, elles restent très brèves, une ou deux minutes, pas plus". Ici, l’exercice sera tout autre. Il devra tenir le crachoir pendant près d’un quart d’heure, sur des sujets nécessitant de réfléchir un peu, parler de souvenir ou des détails de la veille.
Expert de cette pratique, Bernard a donc pris le volant pour un trajet de 7 kilomètres dont 6 sur autoroute, munis des lunettes Eye Track développées par la start-up CLEVER. Les lunettes vont scruter les pupilles du conducteur pendant son trajet.
À l’aller, notre cobaye répond à un appel en kit mains libres. Coutumier de ce genre de comportement, Bernard ne semble pas hésiter lorsqu’il conduit, il paraît attentif, et n’hésite presque pas lorsqu’il répond aux questions.
Au retour, les lunettes toujours vissées sur le nez, mais sans discuter cette fois, le regard de Bernard sera encore passé au crible. Ces yeux révéleront les différences dans son comportement routier.
En apparence, aucune différence n’est notable entre l’aller et le retour. Pourtant, après l’analyse des données, la société CLEVER révèle sans faille que "pas mal de signes montrant que le conducteur était nettement moins concentré pendant le trajet avec le kit mains libres".
C’est ainsi qu’il a regardé 37 fois dans les rétroviseurs au retour contre 8 fois seulement quand il était au téléphone. De même, il a regardé 187 fois les autres usagers dans des conditions normales contre 166 fois seulement lorsqu’il était au GSM. Il a regardé seulement 3 fois son rétro de droite contre 13 fois au retour. Même pour Bernard, conduire et parler est une épreuve compliquée, malgré son entraînement quotidien à ces conditions.
Le regard dit tant de choses sur nous
La start-up CLEVER est basée dans la banlieue de Gand. L’entreprise analyse les données récoltées grâce à des lunettes développées par une autre société, Profacts, le tout traité par Impulse, voisine de CLEVER. Pour la première fois, cette technologie belge a été utilisée pour une étude de sécurité routière, démontrant pour la première fois de manière scientifique les dangers du kit mains libres.
Cependant, les lunettes et les données qu’elles récoltent ont déjà été utilisées dans beaucoup d’autres domaines, car votre regard démontre clairement l’intérêt que vous portez à un sujet. Ainsi, la chaîne de télévision privée VTM a fait appel à la technologie de ces start-up "pour étudier la durée idéale des pauses publicitaires", explique Maarten Verschuetre, responsable communication chez CLEVER.
En effet, au bout d’un certain temps, vos yeux vont naturellement fuir ce qui ne vous intéresse plus. Les lunettes peuvent le mesurer avec une très grande précision. L’eye-tracking, nom donné à ce type d’étude du regard, présente comme qualité qu’il ne ment pas. Simplement parce que le regard est spontané, non calculé. L’étude du regard permet de mesurer avec précision le processus cognitif dans une situation donnée.