Mons: L'opposition craint une asphyxie des finances communales
Le recours au Plan Oxygène pour combler le déficit ne fait pas l'unanimité au conseil communal.
Publié le 15-12-2021 à 10h59 - Mis à jour le 15-12-2021 à 11h04
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À Mons, le collège communal a présenté son budget 2022. Comme à son habitude, la majorité pastèque ne touche pas à la fiscalité et prévoit de nombreux investissements dans toutes les communes fusionnées. Le grand changement cette année, c'est le recours au tout nouveau Plan Oxygène mis en place par la Région wallonne pour combler le déficit, alors que les réserves sont vides.
La Ville de Mons va puiser 12,4 millions d'euros sur les 28,6 disponibles. L'aide se présente sous forme de prêt, la Wallonie devant prendre en charge les intérêts et 15% du capital. Mais dans les rangs de l'opposition, tous partis confondus, on craint que ce Plan Oxygène finisse par asphyxier les finances communales, car il passe par une augmentation de la dette.
Pour le PTB, les pouvoirs publics doivent pouvoir mettre la main au portefeuille en cas de crise. Mais gare à l'austérité. "En cas de crise, il faut pouvoir répondre à l'urgence sociale. On aurait pu espérer de l'aide des autres niveaux de pouvoir, mais tout ce qui est proposé, c'est de s'endetter", déplore John Beugnies. "Le Plan Oxygène, c'est un tuba pour continuer à respirer sous l'eau. Mais ce n'est pas ça qui va nous permettre de sortir de la tête de l'eau. D'autant plus que cette aide est conditionnée à une adaptation du plan de gestion du CRAC. Nous craignons donc des mesures d'austérité comme la rationalisation des services publics, le non-remplacement de départs à la retraite ou peut-être même des pertes d'emploi."
Le Plan Oxygène vise à soulager les communes qui doivent assumer des transferts de charges du fédéral, sans les recettes qui vont avec. Sont pointées les cotisations de pensions du personnel statutaire, une partie du financement des zones de police ou encore l'explosion des Revenus d'Intégration sociale (RIS). Et pour Georges-Louis Bouchez, s'endetter pour payer ces dépenses pose un sérieux problème. "On emprunte pour des dépenses courantes. Mais un moment donné, le Plan Oxygène va s'arrêter. Comment assumera-t-on ces dépenses courantes alors? Et comment va-t-on rembourser les montants empruntés? Il faut des réponses structurelles, or il n'y en a pas", assène le chef de file de Mons en Mieux.
Selon Georges-Louis Bouchez, le collège doit changer son fusil d'épaule et ne plus dépenser comme si tout allait bien. Le libéral préconise d'économiser sur certains postes comme la communication et les festivités, il relance l'idée de privatiser certains services comme la gestion des parkings et il plaide surtout pour miser les billes communales dans la création d'emplois. "Le collège ne propose pas de solution pour l'après 2026", ajoute Guillaume Soupart de Mons en Mieux. "C'est un budget angoissant pour les jeunes générations. En plus d'une dette écologique, elles vont hériter d'une dette fiscale."
Pas besoin d'aller jusqu'aux générations futures pour Savine Moucheron. Les problèmes se poseront bien avant. "14 millions d'euros de déficit, c'est exceptionnel. Je n'ai jamais vu ça en 15 ans! Et on emprunte pour remplir des missions de base de la commune, pas seulement pour financer des projets au budget extraordinaire", insiste la conseillère Agora. "Avec ce Plan Oxygène, on achète un chat dans un sac. Nous ne voyons pas de solutions pérennes, ce n'est que reporter le problème sur le prochain collège dont vous ferez partie, ou pas."
Un cadeau empoisonné le Plan Oxygène? "Nous aurions préféré que l'aide ne se présente pas sous forme de prêt. Ce n'est pas notre choix, c'est celui du gouvernement wallon composé du PS, du MR et d'Ecolo", réplique le bourgmestre Nicolas Martin. "Néanmoins, toutes les villes et communes de ce pays sont en difficulté. Même à Anvers, Bart De Wever a demandé une intervention du gouvernement flamand pour les cotisations de pension. Le Plan Oxygène n'est pas la solution idéale, mais je ne vois pas pourquoi nous aurions dû faire une croix sur ces 12 millions d'euros. Il n'y a pas de raisons qu'on se saigne à Mons alors que les autres villes vont bénéficier de ce système. Le plus important pour nous, c'est de poursuivre la dynamique d'amélioration du cadre de vie dans les 19 communes du Grand Mons."
La Cité du Doudou poursuit donc sur sa lancée. Mais l'horizon reste nébuleux. L'actualisation du plan de gestion devrait survenir au printemps. Nicolas Martin indique que les contacts avec le CRAC sont très bons. Mons a été félicitée pour ne prendre que 40% des montants disponibles avec le Plan Oxygène. Et le bourgmestre assure qu'il n'est pas prévu de toucher à la fiscalité ni de revenir à une politique de non-remplacement des départs à la retraite dans les services communaux. "C'était devenu intenable pour répondre aux besoins essentiels. Cette mesure n'est pas la sur table."
Reste à voir quelles mesures sont sur la table du CRAC. Car Mons, comme n'importe quelle autre ville, ne pourra pas emprunter indéfiniment pour colmater les brèches. Si le Plan Oxygène est une rustine, Nicolas Martin attend des réponses structurelles des gouvernements régional et fédéral pour refinancer les communes. Mais dans l'opposition, on ne manque pas de rappeler la situation des autres niveaux de pouvoir. Le poids de la dette wallonne rapporté aux recettes s'élève à 198%. Quant au fédéral, il devrait afficher un déficit de 21,3 milliards d'euros l'an prochain. Pas vraiment la dégaine de grands sauveurs. Rassurant ou pas, c'est partout en Europe que l'on grince des dents. Si bien que la France tente d'arracher une réforme du Pacte de stabilité auprès des champions allemands de l'austérité. De quoi négocier un atterrissage en douceur? Car on le sait, à Mons comme ailleurs, l'important, ce n'est pas la chute…